L’Encyclopédie/1re édition/PSEAUME

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PSEAUME, s. m. (Théol.) cantique ou hymne sacré. Voyez Cantique & Hymne. Ce mot est dérivé du grec ψάλλω, je chante.

Les anciens, comme l’observe S. Augustin, ont mis cette différence entre pseaume & cantique, que ce dernier étoit simplement chanté, au lieu que dans le pseaume on accompagnoit la voix de quelqu’instrument.

Le livre des pseaumes est un des livres canoniques de l’ancien Testament. Il est appellé dans l’hébreu sepher tehillim, livre des hymnes. Dans l’Evangile, on le nomme quelquefois le livre des pseaumes, ψαλτήριον, βιϐλος ψαλμων ; quelquefois simplement le prophete ou David, du nom de son principal auteur.

Les Hébreux partagent ordinairement le pseautier en cinq livres, dont le premier finit à notre quarantieme pseaume ; le second, au soixante & onzieme ; le troisieme, au quatre-vingt-huitieme ; le quatrieme, au cent cinquieme ; & le cinquieme, au cent cinquantieme. Eusebe dit que cette division se remarque dans l’original hébreu & dans les meilleures éditions des septante ; mais S. Augustin & S. Jérôme la rejettent, parce que le nouveau Testament ne cite le pseautier que sous le nom d’un seul livre.

Le nombre des pseaumes canoniques a toujours été fixé chez les Juifs, comme chez les Chrétiens, à cent cinquante ; car le cent cinquante-unieme qui se trouve dans le grec n’a jamais passé pour canonique. Mais les Juifs & les Chrétiens varient sur la maniere de partager ces pseaumes, & les Protestans suivent, à cet égard, la méthode des Juifs.

La tradition la plus générale & la plus suivie est qu’Esdras est le seul, ou du-moins le principal auteur de la collection du livre des pseaumes. Mais dès avant la captivité il y en avoit un recueil, puisqu’Ezéchias, en rétablissant le culte du Seigneur dans le temple, y fit chanter les pseaumes de David. Ce prince les avoit composés à l’occasion des divers évenemens de sa vie, ou des solemnités qui se célébroient dans le culte divin, & pouvoit bien y avoir mis quelqu’ordre, soit chronologique, soit autre ; mais il y a grande apparence qu’Esdras n’y en mit point, puisqu’il est sûr que David avoit composé beaucoup plus de pseaumes qu’Esdras n’en a recueilli.

L’authenticité & la canonicité du livre des pseaumes ont toujours été reconnues par la synagogue & par l’Eglise. Il n’y a que les Nicolaïtes, les Gnostiques, les Manichéens, & quelques Anabaptistes qui en ayent nié l’inspiration. Mais on ne convient pas également si ces pseaumes sont l’ouvrage d’un ou de plusieurs écrivains, & qui est celui ou qui sont ceux qui les ont composés. Plusieurs peres, tels que S. Chrysostôme, S. Ambroise, S. Augustin, Théodoret, Cassiodore, &c. & un grand nombre d’interpretes modernes les attribuent tous à David. S. Hilaire, l’auteur de la synopse attribuée à S. Athanase, & plusieurs autres commentateurs prétendent le contraire. Le premier de ces sentimens est fondé 1° sur ce que l’ancien & le nouveau Testament attribuent les pseaumes à David, & n’en parlent ou ne les citent que sous son nom. 2° Sur l’usage ancien, uniforme & perpétuel de l’Eglise, qui donne au pseautier le nom de pseaumes de David, & c’étoit aussi, selon Perez dans son commentaire, la créance commune de Josephe, du paraphraste Jonathan, & de tous les anciens Juifs, abandonnée par les thalmudistes & les rabbins.

Le sentiment contraire ne manque pas de preuves qui paroissent même plus convaincantes. S. Hilaire dit nettement que les pseaumes ont pour auteurs ceux dont ils portent le nom dans leur titre. S. Jérôme pense que c’est une erreur de dire que tous les pseaumes sont de David. S. Athanase ne compte que soixante-douze pseaumes de David, & dit dans la synopse qu’on lui attribue, qu’il y a des pseaumes d’Idithun, d’Asaph, des fils de Coré, d’Aggée, de Zacharie, d’Eman, qu’il y en a même qui sont de tous ces auteurs ensemble, comme ceux qui ont pour titre alleluia. Il ajoute que ce qui a fait donner au pseautier le nom de pseaumes de David, c’est que ce prince fut le premier auteur de ces sortes d’ouvrages, & qu’il régla l’ordre, le tems, les fonctions de quelques autres écrivains, dont on voit les noms à la tête des pseaumes. En effet, Eusebe de Cesarée, qui est du même sentiment, nous représente dans sa préface sur les pseaumes, David au milieu d’une troupe de musiciens tous inspirés, chantant tour-à-tour suivant que le S. Esprit les animoit, pendant que tous les autres, & David lui-même, demeuroient dans le silence, & se contentoient de répondre à la fin, alleluia. De plus il est visible qu’un assez grand nombre de pseaumes portent des caracteres de nouveauté, comme ceux qui parlent de la captivité de Babylone qui est de beaucoup postérieure à David. Athanas. in psalm. pag. 70. tom. II. nov. edit. Euseb. præfat. in psalm. pag. 7 & 8.

On dispute encore beaucoup sur les titres des pseaumes. Quelques-uns les regardent comme faisant partie de ces cantiques, & comme la clé du pseaume qu’ils précedent. D’autres le croient ajoutés après coup, & de peu d’utilité pour l’intelligence du texte, parce qu’ils sont la plûpart si obscurs, que les plus habiles interpretes n’osent se flatter de les entendre. S. Augustin les a crus inspirés, & c’est aussi le sentiment de M. Bossuet dans sa dissertation sur les pseaumes, c. vj. à quoi l’on répond que l’Eglise ne s’est jamais fait une loi de chanter ces titres dans ses offices ; qu’elle n’a jamais décidé qu’ils fussent canoniques ; que les septante & autres grecs postérieurs ont ajouté des titres à certains pseaumes qui n’en ont point dans l’hébreu ; qu’à la vérité ceux qui sont des anciens auteurs ou prophetes, ou d’Esdras, sont inspirés & canoniques, mais que ceux qui ont été ajoutés depuis, ou qui sont contraires à l’histoire ou à l’esprit du pseaume, & il y en a de cette sorte, ne méritent pas ces titres. P. Alexandr. hist. veter. testam. dissert. 24. quæst. j. art. j. Dupin, préface sur les pseaumes. Calmet, dictionn. de la bibl. tome III. lettre P, au mot pseaumes, p. 3. & suiv. Quant au style des pseaumes, voyez Cantique, Hymne, Lyrique, Ode, Poésie.

Pseaumes graduels, on donne ce nom à quinze pseaumes du pseautier, qui sont le 119 & les suivans jusqu’au 134 inclusivement. L’hébreu les nomme cantiques des montées, ce que la vulgate traduit par canticum graduum. Le chaldéen les nomme cantique qui fut chanté sur les degrés de l’abysme, mais sur une tradition fabuleuse.

Le sens de ce mot cantique des degrés ou des montées partage les interpretes de l’Ecriture. Les uns veulent qu’on ait ainsi nommé ces pseaumes, parce qu’on les chantoit sur les quinze degrés du temple ; d’autres, parce qu’on les chantoit sur une tribune qui étoit dans le parvis d’Israël, où les lévites lisoient quelquefois la loi ; d’autres enfin, parce qu’il y avoit différens degrés de dignités entre les prêtres qui les chantoient, ou enfin parce qu’on les chantoit sur différens tons ou modes plus élevés les uns que les autres ; mais toutes ces conjectures sont peu solides.

Le P. Calmet en propose une qui paroît mieux fondée, & traduit l’hébreu par cantique de la montée ou du retour de la captivité de Babylone, parce que l’Ecriture emploie ordinairement le verbe monter lorsqu’elle parle de ce retour, comme dans Esdras, c. j. vers. 1, 3, 5. c. ij. vers. 2. c. vij. vers. 7. Ps. cxxj. Jérém. xxvij. 22. Ezéch. xxxix. 2.

D’où il conclut qu’il est fort naturel de nommer cantiques des montées les pseaumes qui ont été composés à l’occasion de la délivrance de la captivité de Babylone, soit pour la demander à Dieu, soit pour lui en rendre graces. Ils ont tous rapport à ce grand évenement, ils en parlent en plusieurs endroits, & la plûpart ne peuvent s’expliquer sans cette hypothese, comme il est aisé de s’en convaincre en lisant ces pseaumes. Calmet, dictionn. de la bible.

Pseaume, psalmus, (Littérat.) du latin psallere, chanter ; hymne ou cantique en l’honneur de la divinité.

Ce nom est demeuré affecté aux pieces que David composoit pour être chantées au son des instrumens par les lévites dans les cérémonies religieuses des Hébreux, & aux prieres qu’il composa pour louer, invoquer ou remercier Dieu dans les plus importantes ci constances de sa vie. Tous ceux qui sont contenus dans le livre de l’Ecriture intitulé, liber psalmorum, qu’on appelle autrement psalterium, ne sont pas de ce prince, quelques-uns sont postérieurs à son tems. Leurs titres ne sont pas non plus les mêmes dans la vulgate, la plûpart ont celui de psalmus David, d’autres ceux d’intellectus David, oratio David ; alleluia, canticum, psalmi ; canticum graduum, psalmus cantici, &c. selon leurs différens objets.

Ces pseaumes sont des cantiques & des odes sacrées, par lesquelles les enfans d’Israël célébroient au milieu de leurs assemblées, & dans le secret de leurs maisons, les louanges de Dieu, la sainteté de sa loi, les bienfaits qu’ils avoient reçus de sa bonté, les merveilles de sa puissance, la sagesse & la justice de toutes ses œuvres.

Le style & toute l’économie des pseaumes est poétique ; c’est ce style hardi qui s’affranchit quelquefois des liaisons ordinaires du discours, ce style nombreux qui ne forme pas moins des sons que des paroles, avec cette tendresse de la poésie qui pénétre jusqu’au fond de l’ame, avec toute la délicatesse des sentimens du cœur. C’est cette naïveté qui représente la nature dans ses mouvemens, dans ses saillies, dans ses transports ; & avec cette simplicité, c’est toute la sublimité & la force de l’éloquence, c’est une dignité d’expression qui répond à la grandeur du sujet. On n’y rencontre point de réflexions filées & subtilisées, mais c’est un mot plein d’énergie qui renferme tantôt une menace, tantôt une exhortation : un trait peint un évenement & forme une instruction, une image présente tout-d’un-coup ce qu’une abondance de paroles n’exprimeroit pas. On peut dire cependant que l’onction fait le principal caractere des pseaumes.

« Il seroit difficile, dit M. Fourmont, de trouver chez les païens des ouvrages aussi beaux que les pseaumes, & S. Jérôme dit fort bien que le pseautier seul peut nous tenir lieu de toutes les pieces lyriques des profanes. David, Simonides noster, Pindarus, Alcæus, Flaccus quoque, &c ». Le même auteur pense que les pseaumes étoient écrits en vers, & même en vers rimés en quelques endroits. Voyez les mémoires de l’académie des Belles-Lettres, tome IV. p. 467. & suiv.

Les pseaumes seuls, dit M. Rollin, fournissent une infinité de traits admirables pour tous les genres d’éloquence, pour le style simple, le sublime, le tendre, le véhément, le pathétique. M. Bossuet, dans sa préface sur les pseaumes, a fait un chapitre de grandiloquentiâ & suavitate psalmorum. où il prouve par des exemples que David est plus véritablement poëte qu’Homere & que Virgile. Voyez M. Rollin, traité des études, tome II. p. 598.