L’Encyclopédie/1re édition/PROMETHÉE

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PROMETHÉE, s. m. (Astron.) nom que les anciens astronomes donnoient à une constellation de l’hémisphere boréal que les modernes appellent hercules. Voyez Hercules.

Promethée, (Mythol.) fils de Japet & de la belle Climene, une des océanides, selon Hésiode, ou de Thémise, selon Eschyle : il fut le premier, dit la fable, qui forma l’homme du limon de la terre, on sait le reste de la fable sur son compte : en voici l’explication, selon les mythologues.

Cet homme formé par Promethée, étoit une statue qu’il sçut faire avec de l’argille : il fut le premier qui enseigna aux hommes la statuaire. Promethée étant de la famille des Titans, eut part à la persécution que Jupiter leur fit : il fut obligé de se retirer dans la Scythie, où est le mont Caucase, d’où il n’osa sortir pendant le regne de Jupiter. Le chagrin de mener une vie misérable dans un pays sauvage, est le vautour qui lui dévoroit le foie ; ou bien ce vautour ne seroit-il point une image vivante des profondes & pénibles méditations d’un philosophe ? Les habitans de la Scythie étoient extrèmement grossiers, & vivoient sans lois & sans coutume. Promethée, prince poli & savant, leur apprit à mener une vie plus humaine ; c’est peut-être ce qui a fait dire qu’il avoit formé l’homme avec l’aide de Minerve. Enfin, ce feu qu’il emprunta du ciel, ce sont des forges qu’il établit dans la Scythie ; peut-être que Promethée, craignant de ne pas trouver du feu dans ce pays, y en apporta dans la tige d’une férule, qui est une plante fort propre à le conserver pendant plusieurs jours. Enfin Promethée, ennuyé du triste séjour de la Scythie, vint finir ses jours en Grece, où on lui rendit les honneurs divins, ou du-moins les honneurs des héros. Il avoit un autel dans l’académie même d’Athènes, & on institua en son honneur des jeux qui consistoient à courir depuis cet autel jusqu’à la ville avec des flambeaux qu’il falloit empêcher de s’éteindre.

Eschyle avoit composé trois tragédies sur Promethée ; savoir sur son vol, ses liens, & sa délivrance. Il ne nous reste que la seconde piece, dont le sujet est le supplice de Promethée, que le poëte a imaginé de représenter un peu différemment des autres. Jupiter ordonne à Vulcain d’attacher Promethée sur un rocher, pour le punir d’avoir volé le feu céleste, & d’en avoir fait part aux hommes. Vulcain obéit à regret ; il enchaîne Promethée, dont il cloue les fers au rocher, & perce avec de gros clous de diamans la poitrine même de la victime. Dans cet état le malheureux dieu, car on le suppose tel, appelle l’ether, les vents, les fontaines & la mer, la terre & le soleil à témoins de l’injustice que lui font les divinités du ciel : il déclare qu’il est l’inventeur de tous les arts, l’auteur de tout ce qu’il y a de connoissances utiles dans le monde, & cependant il n’a pas le pouvoir de se délivrer de la tyrannie de Jupiter, parce que le destin l’emporte sur toutes les puissances. Mais il sait lire dans l’avenir, & prévoit qu’il doit venir un jour un fils de Jupiter plus puissant que son pere, qui le délivrera de son tourment. Jupiter instruit de cette prophétie, envoie Mercure pour obliger Promethée de dire ce qu’il sait là-dessus ; Promethée refuse d’obéir, quand même sa délivrance seroit le prix de sa soumission. Mercure le menace que s’il résiste, il va être précipité dans les débris du rocher, & qu’il ne reverra le jour que pour livrer ses entrailles renaissantes en proie à des vautours ; Promethée demeure inflexible. Alors on entend un bruit épouvantable dans les airs, le tonnerre gronde, la terre tremble, les éclairs brillent, les vents mugissent, des monceaux de poussiere s’élevent, l’air & la mer sont confondus ; & à l’instant ce malheureux disparoît ; il est englouti dans le sein de la terre, ou enlevé dans un tourbillon : que tout ce spectacle devoit être beau ! (D. J.)

Promethée, (Botan.) plante fabuleuse, mais trop célebre chez les anciens pour la passer sous silence. Voici ce qu’ils racontent de ses vertus, de son lieu natal, de sa fleur, & de sa racine.

Appollonius de Rhodes, l. III. de l’expédition des argonautes, v. 843. & suiv. dit qu’elle rendoit invulnérable. Plutarque, ou l’auteur du livre περὶ ποταμῶν qu’on lui attribue, rapporte d’après Cléanthes, que Médée la mettoit souvent en usage. Valerius Flaccus ajoute, que cette plante étoit toujours verte, immortale virens, & qu’elle soutenoit la violence du feu sans en être endommagée : Stat flumina contra sanguis, & in mediis florescunt ignibus herbæ. Si l’on en croit Properce, elle guérissoit de l’amour Liv. I. eleg. 12.

Tous s’accordent à nous assurer que cette herbe naissoit sur la montagne où Promethée fut attaché, c’est-à-dire sur le mont Caucase. Sa fleur, suivant la description qu’en fait Apollonius de Rhodes, étoit longue d’une coudée, portée sur deux tiges, & ressembloit au crocus de Colcos, si vanté dans l’antiquité. Sa racine, continue-t-il, est rougeâtre, & jette un suc noir, tel que celui du hêtre sauvage. Enfin, Seneque & les auteurs que j’ai cités, nous font entendre que cette plante naissoit de gouttes de sang qui dégouttoient des morceaux de foie de Promethée, que le vautour emportoit. Nous ignorons d’autant plus le fondement de tous ces récits fabuleux, qu’il n’est parlé dans les naturalistes d’aucune herbe du Caucase, & que la fable de Promethée ne conduit point à la fiction poétique d’une plante merveilleuse de son nom. (D. J.)

Promethées, les, (Antiq. grecq.) προμήθεια, fête qu’on célébroit à Athenes, en courses avec des flambeaux ardens en l’honneur de Promethée, & en mémoire de ce qu’il avoit le premier enseigné aux hommes l’usage du feu. Potter, archæol. græc. tom. I. pag. 427.