L’Encyclopédie/1re édition/PROMESSE

◄  PROMENOIR
PROMETHÉE  ►

PROMESSE, s. s. (Morale.) La promesse est un engagement que nous contractons de faire à un autre quelqu’avantage dont nous lui donnons l’espérance. C’est par-là une sorte de bien que nous faisons en promettant, puisque l’espérance en est un des plus doux ; mais l’espérance trompée devient une affliction & une peine, & par-là nous nous rendons odieux en manquant à nos promesses.

C’étoit donc un mauvais raisonnement joint à une plus mauvaise raillerie, que celui du roi de Syracuse, Denis, à un joueur de luth. Il l’avoit entendu jouer avec un si grand plaisir, qu’il lui avoit promis une récompense considérable pour la fin du concert. Le musicien animé par la promesse, touche le luth avec une joie qui ranime en même tems son talent & son succès. Le prince, au lieu de lui donner ce qu’il avoit promis, lui dit qu’il devoit être content du plaisir d’avoir espéré la récompense, & que cela seul étoit au-dessus de ce qu’il lui pourroit donner. La plaisanterie, pour être supportable, auroit dû au-moins être suivie de la libéralité, ou plûtôt de la justice qu’attendoit le musicien.

Toute promesse, quand elle est sérieuse, attire un devoir d’équité. Il est de la justice de ne tromper personne ; & la tromperie dans le manque de parole est d’autant plus injuste, qu’on étoit plus libre de ne rien promettre. Ce qui souleva davantage l’esprit des Athéniens contre Démétrius Poliocertes, est l’offre qu’il leur fit d’accorder à chacun des citoyens la grace particuliere que le pouvoir souverain lui permettroit de faire. Il fut investi de placets, & bientôt surchargé. Comme il passoit sur un pont, il prit le parti, pour se soulager tout-à-coup, de jetter tous les placets dans la riviere, donnant à entendre qu’il n’y pouvoit suffire. La promesse effectivement ne pouvoit guere s’accomplir ; mais pourquoi avoit-il promis ?

Si avant que de donner sa parole on y pensoit, on ne seroit pas dans la suite embarrassé à la tenir ; il ne faut s’engager qu’avec circonspection, quand on veut se dégager avec facilité.

Au reste, quel est le principe des promesses vaines ou fausses ? ce n’est pas un bon cœur, comme on le suppose quelquefois, c’est la présomption d’en avoir l’apparence, & de s’en donner le relief ; c’est un air de libéralité qui n’est d’aucune dépense ; souvent c’est l’envie de gagner les esprits, sans penser à le mériter : mais la crainte de déplaire aux autres, en leur manquant de parole, empêcheroit de la donner quand on n’est pas sûr de la pouvoir tenir ; & détermineroit à la tenir infailliblement quand on en a le pouvoir. C’est une chose indispensable, non-seulement dans les choses importantes, mais encore dans les plus légeres ; ce qui de soi n’intéressoit pas, intéresse par l’attente qu’on en a fait naître.

Cependant pour ne pas pousser l’obligation au-delà des bornes, il est à-propos d’observer certaines circonstances. Il est certain d’abord que dans les choses de la vie on ne veut point en promettant s’engager à des difficultés plus grandes que celles qui sont communément attachées à la chose promise ; quand ces difficultés augmentent, ou qu’il en survient de particulieres, on n’a pas prétendu s’engager à les surmonter, comme on n’a pu raisonnablement ne les pas prévoir. Ce doit être néanmoins un motif de circonspection, pour ne pas aisément promettre : mais ce doit être une raison pour dispenser de l’exécution

D’ailleurs ce qu’on appelle communément promesse, n’est souvent qu’un desir, une disposition, un projet actuel de celui qui parle, & qui semble promettre. Il a la pensée, la volonté même d’effectuer ce qu’il dit, mais il n’a ni la pensée, ni la volonté de s’y engager. Le terme de promettre dont il se sert, équivaut à celui de prendre la résolution ou le dessein : on ne laisse pas d’être blâmable d’y manquer ; mais c’est moins à un autre qu’à soi-même qu’on en est responsable, puisque c’est plutôt inconsidération ou nonchalance que l’on doit se reprocher, qu’une infidélité ou une injustice. Ainsi au même tems que les autres doivent nous passer ces fautes, comme n’étant point soumises à leurs droits particuliers, nous ne devons pas nous les pardonner à nous-mêmes, étant contraires à notre devoir & aux regles d’une exacte sagesse.

La réflexion auroit lieu sur-tout si la faute devenoit habituelle ; quand elle est fortuite, elle est excusable. Ce seroit être peu sociable de trouver étrange que d’autres à notre égard se laissassent échapper quelqu’inattention.

Nous avons déja observé que des regles sont pour une promesse sérieuse. S’il s’agissoit, comme il arrive souvent, de ce qu’on promet en plaisantant, ou en donnant à entendre qu’on le fait seulement pour se tirer d’embarras, ce qui n’est pas sérieux n’étant pas un engagement, ne sauroit être aussi une véritable promesse ; & ceux qui la prendroient pour telle, manqueroient d’usage dans les choses de la vie.

Pour réduire en deux mots ce que nous avons dit sur le sujet des promesses, évitons deux défauts ou inconvéniens ; trop de liberté à exiger des promesses, & trop de facilité à les faire : l’un & l’autre vient de foiblesse dans l’esprit. Les personnes qui aiment à se faire promettre, sont les mêmes qui sont accoutumés à demander, à souhaiter, à sentir des besoins, & en avoir de toutes les sortes. Rien n’est plus opposé à la vraie sagesse & à notre propre repos. Tous les besoins sont des desirs, & par conséquent des miseres : retranchons-les, nous n’aurons presque jamais rien à attendre des autres pour nous le faire promettre ; nous en serons beaucoup plus indépendans, & eux moins importunés.

D’un autre côté, ceux qui promettent si aisément, sont disposés à donner sans trop savoir pourquoi. Si c’étoit en eux une vraie libéralité, elle seroit attentive ; car donner pour donner, sans regle, sans mesure, sans motif, ce n’est pas vertu, c’est fantaisie, ou envie de se faire valoir par la promesse. L’expérience fait voir que les gens si prompts à donner ou à faire des promesses à quoi ils ne sont point obligés, sont les moins exacts à rendre ou à payer ce qu’ils doivent par une obligation étroite.

Promesse, (Jurisp.) Il y a des promesses verbales, & d’autres par écrit.

Chez les Romains les promesses verbales n’étoient obligatoires que quand elles étoient revêtues de la solemnité de certaines paroles ; mais parmi nous toutes promesses verbales en quelques termes qu’elles soient contractées, sont valables, pourvu qu’elles soient avouées, & que l’on en ait la preuve par témoins, & que ce soit pour sommes qui n’excedent pas 100 livres, sauf néanmoins les cas où la preuve par témoins est admissible au-dessus de 100 livres, suivant l’ordonnance.

Les promesses par écrit peuvent être sous seing privé, ou devant notaire ; mais les promesses proprement dites ne s’entendent que de celles qui sont sous seing privé ; on les appelle aussi billets : au lieu que quand elles sont passées devant notaire, on les appelle obligations ou contrats, selon la forme & les clauses de l’acte.

La promesse de payer ne peut être éludée.

Il en est de même de la promesse de donner ou d’instituer faite par contrat de mariage : une telle promesse vaut donation ou institution, même en pays coutumier, où toute institution d’héritier faite par testament est nulle quant à l’effet de faire un héritier. La raison pour laquelle ces sortes de promesses sont valables, est que les contrats de mariage sont susceptibles de toutes sortes de clauses qui ne sont pas contraires au droit public ni aux bonnes mœurs. Voyez Donation & Institution contractuelle, Contrat de mariage.

Mais il n’en est pas de la promesse de faire quelque chose, comme de la promesse de payer. La promesse de faire quelque chose se résout en dommages & intérêts, lorsque celui qui l’a faite ne veut pas la tenir.

Ainsi la promesse de vendre ou de louer, lorsqu’elle est indéterminée, n’est point une vente ni une location, & se résout en dommages & intérêts.

Pour que la promesse de vendre vaille une vente, il faut que quatre circonstances concourent ; qu’elle soit rédigée par écrit, & qu’il y ait res, pretium & consensus ; car en ce cas la vente est parfaite, & la promesse de passer contrat n’a d’autre objet que de procurer l’hypotheque & l’exécution parée.

Les promesses causées pour valeur en argent, sont nulles. à moins que le corps du billet ne soit écrit de la main de celui qui l’a signé, ou du-moins que la somme portée au billet ne soit reconnue par une approbation écrite en toutes lettres aussi de sa main. La déclaration du 22 Septembre 1733, qui l’a ainsi ordonné, excepte néanmoins les promesses faites par des banquiers, négocians, marchands, manufacturiers, artisans, fermiers, laboureurs, vignerons, manouvriers, & autres de pareille qualité.

Une promesse de passer contrat de constitution, & cependant de payer l’intérêt du principal, est valable. Elle ne differe du contrat même qu’en ce qu’elle ne produit pas hypotheque, & n’est point exécutoire jusqu’à ce qu’elle soit reconnue en justice ou par-devant notaire. Si celui qui a promis de passer contrat refuse de le faire, on peut obtenir contre lui sentence, laquelle vaut contrat.

Les auteurs qui ont traité de l’effet des diverses sortes de promesses, sont Dumolin sur Paris, article 78 ; Henrys, tome I. liv. IV. ch. vj. quest. 40 ; Bardet, tome I. liv. II. ch. xxxj. & c ; Boniface, tome II. liv. IV. titre I. ch. j ; Basset, tome I. liv. IV. titre XII. ch. j ; Brillon, verbo bail.

Par rapport aux promesses de mariage, & singulierement pour les promesses par paroles de présent, il faut voir ce qui en a été dit aux mots Empêchement, Mariage, Official, Paroles de présent.

Sur les promesses de passer une lettre-de-change, de faire ratifier quelqu’un, de fournir & faire valoir, voyez Change, Lettres de change, Ratification, Fournir & Faire valoir. Voyez aussi les mots Billet, Contrat, Engagement, Obligation. (A)

Promesse, (Critiq. sacrée.) ἐπαγγελία ; ce mot dans le vieux Testament se dit quelquefois pour vœu. Si une femme fait un vœu, & que son mari n’y consente pas, elle ne sera pas tenue à sa promesse ; c’est-à-dire à son vœu, Nomb. xxx. 13. Promesse dans le nouveau Testament désigne en général la vie éternelle, qui est l’objet de l’espérance du chrétien, Hébreux, x. 36.

Les enfans de la promesse, sont les Israélites descendus d’Isaac, les juifs convertis, & les chrétiens : Galat. iv. 28.

L’Esprit saint de la promesse, c’est Dieu lui-même, qui a promis le salut à tous ceux qui croiront en lui, & qui suivront ses commandemens ; Ephes. j. 13. (D. J.)