L’Encyclopédie/1re édition/POUSSIERE

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POUSSIERE, s. f. (Physique.) se dit des particules les plus insensibles d’un corps dur que l’on a brisé. Voyez Particule, Corpuscule, Atome.

La matiere subtile de Descartes est une sorte de poussiere produite par le frottement & le choc des particules du second élément. Voyez Elément, Matiere subtile, Cartésianisme, &c.

Poussiere des étamines, (Botan.) voyez Etamines. Il suffit de répéter ici que le sentiment adopté par les grands botanistes de nos jours, veut avec raison qu’on ait une idée plus noble de cette poussiere que ne l’avoit M. de Tournefort. Il veut qu’on la regarde comme destinée par la nature à rendre le germe des plantes fécond. Il veut que les graines restent stériles, quand elles n’ont pas été vivifiées par cette poussiere, &c. D’un autre côté, la science microscopique a découvert que les grains de poussiere des étamines d’une même plante ont tous une même figure, & que toutes les plantes de différens genres ont une poussiere différemment figurée. Voyez Poussiere fécondante, (Science microscopique.)

Enfin ceux qui n’envisagent que les choses utiles, nous font considérer la poussiere des étamines, comme la matiere unique dont est faite la cire que nous consommons ; c’en est assez pour ne pas négliger de porter nos regards sur la poussiere des étamines. (D. J.)

Poussiere farineuse, (Science microsc.) la poussiere farineuse qui se trouve sur le sommet des étamines, varie en couleur dans les diverses especes de fleurs ; le microscope a fait voir que tous les grains de cette poussiere sont de petits corps réguliers, uniformes, constamment de la même figure & de la même grandeur dans les plantes de la même espece, tandis que dans celles de différentes especes ils sont aussi différens que les plantes mêmes.

Il est impossible de remarquer cet ordre & cette configuration de la poussiere farineuse, sans conclure que la Providence s’est proposé dans les corps qu’elle a formés si régulierement quelque usage plus noble que celui de les abandonner au gré des vents pour les perdre & les dissiper. Cette réflexion a donné lieu à un plus grand examen microscopique, & cet examen a fait connoître, 1°. que cette poussiere étoit produite & conservée avec un soin extrème dans des vaisseaux nouvellement construits pour s’ouvrir, & la décharger lorsqu’elle est parvenue à sa maturité ; 2°. qu’il y a un pistil, un vaisseau séminal ou utérus dans le centre de la fleur propre à recevoir les petits grains de cette poussiere à mesure qu’ils tombent d’eux-mêmes, ou qu’ils sont tirés de leurs cellules ; 3°. l’expérience fondée sur quantité d’observations prouve que de-là dépend la fertilité de la semence ; car si l’on coupe les vaisseaux farineux ou étamines avant qu’ils soient ouverts & qu’ils aient épanché leur poussiere, la semence devient stérile & incapable de rien produire.

Cette poussiere farineuse doit donc être regardée comme la semence mâle des plantes, & chaque petit grain de semence contient peut-être une petite plante de l’espece de celle où il se trouve. On ne sauroit observer sans surprise les précautions que la nature prend pour empêcher que cette poussiere ne se dissipe inutilement, & pour l’aider à entrer dans le pistil, vaisseau séminal ou utérus qu’elle lui a préparé. La tulipe, par exemple, qui est toujours droite, a son pistil plus court que les étamines afin que la poussiere puisse y tomber directement ; mais dans le martagon qui panche en-bas, le pistil est plus long que ses vaisseaux, & il est enflé à son extrémité pour saisir la poussiere qui pend sur lui à mesure qu’elle s’épanche.

C’est un plaisir d’examiner la variété des poussieres d’especes différentes de végétaux. Dans celles de la mauve, chaque petit grain paroît être une balle opaque avec des pointes qui en sortent de tous côtés. La poussiere du tournesol paroît composée de petits corps plats & circulaires, affilés tout-au-tour des côtés, transparens au milieu, & ayant quelque ressemblance avec la fleur qui les produit. La poussiere de la tulipe ressemble à la semence des concombres & des melons. La poussiere du pavot paroît comme de l’orge, avec un sillon semblable qui s’étend d’un bout à l’autre ; celle du lis approche de celle de la tulipe.

Je ne veux point prévenir le plaisir des curieux, ou les arrêter par la description d’un plus grand nombre de ces poussieres que chaque fleur les met à portée d’examiner par eux-mêmes ; je leur conseillerai seulement de ne pas négliger les vaisseaux qui contiennent cette poussiere, car ils y trouveront des beautés qui les dédommageront de leurs peines.

Ramassez la poussiere farineuse au milieu d’un jour sec & serein, lorsque toute la rosée est dissipée ; ayez soin de ne pas l’écraser ou trop presser ; mais secouez la doucement avec un petit pinceau de poil fort doux, sur un morceau de papier blanc bien net. Prenez ensuite un simple talc avec vos pincettes ; & ayant soufflé dessus, vous l’appliquerez immédiatement après à la poussiere ; l’humidité de votre bouche l’attachera au talc. S’il vous paroît qu’il s’y soit attaché une trop grande quantité de poussiere, ôtez-en ; s’il n’y en a pas assez, soufflez de nouveau sur votre talc, & touchez-en la poussiere comme auparavant ; placez-le dans le trou d’un glissoir, & appliquez-le au microscope pour voir si les petits grains sont placés à votre fantaisie : & lorsque vous les trouverez bien, vous les couvrirez doucement d’un autre talc que vous arrêterez avec l’anneau de cuivre ; mais prenez garde que vos talcs ne pressent pas trop la farine, car vous détruiriez sa véritable figure, & vous en verriez les grains tout autres qu’ils ne sont.

Une collection des poussieres les plus remarquables ainsi conservées, servira d’amusement à ceux qui veulent étudier la nature ; c’est à eux que je recommande d’examiner avec soin les petites cellules qui contiennent cette poussiere, les pistils & autres parties de la génération des fleurs. Ils peuvent commencer par la scrophulaire à fleur blanche, ou par la mauve commune. Comme toutes les autres fleurs ont des organes pour la même destination, quoique d’une figure & construction différente, on aura de quoi s’occuper.

Je n’ajoute qu’une observation, c’est que les petits grains qui composent la poussiere farineuse des étamines, ne sont pas gros ou petits à proportion de la grandeur des plantes qui les produisent ; mais ils ont souvent des proportions directement contraires, comme nous le voyons dans la poussiere de la petite mauve rampante, dont les globules sont plus gros que ceux du tournesol gigantesque. (D. J.)

Poussiere, (Critique sacrée.) ce mot dans l’Ecriture est pris figurément & proverbialement. Il désigne l’homme, la multitude, le tombeau. Je vais bien-tôt mourir, dit Job, nunc in pulverem dormiam. Qui pourra compter la multitude des enfans de Jacob, pulverem Jacob ? Nomb. xxiij. 10.

La poussiere des piés de Dieu, dans Nahum, j. 3. signifie la quantité de troupes qui devoient attaquer les Assyriens ; leur multitude feroit des nuages de poussiere qui s’éleveroient jusqu’au ciel.

Le Sauveur dit à ses disciples, secouez la poussiere de vos piés en sortant de la ville ou de la maison de ceux qui ne voudront ni vous écouter, ni vous recevoir, Matt. x. 4. & Marc, vj. 11. c’étoit une expression proverbiale qui signifioit de n’avoir plus de commerce avec de telles gens, parce qu’il n’y a rien de bon à gagner avec les méchans.

Jetter de la poussiere en l’air, étoit chez les Juifs un signal de colere & d’emportement. On lit dans les Act. xxij. 23. que quelques-uns d’eux furieux contre S. Paul, se mirent à crier, à secouer leurs habits & à jetter de la poussiere en l’air, pour indiquer qu’il falloit le mettre en pieces.

Jetter de la poussiere sur sa tête, étoit une marque de deuil & d’affliction, comme celle de se rouler dans la poussiere. (D. J.)