L’Encyclopédie/1re édition/POPULAIRE

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POPULAIRE Etat, (Gouvernement.) L’état populaire est celui où le peuple en corps a la souveraine puissance ; on l’appelle autrement démocratie. Voyez Démocratie.

Deux mots suffiront ici. Dans un état populaire, le particulier regne par la puissance de la loi, & par la liberté des suffrages ; s’il souffre qu’on lui enleve ce double gage de son pouvoir, il anéantit lui-même sa souveraineté ; sa conservation dépend principalement de l’exacte observation des lois. La vertu, c’est-à-dire, l’amour des lois & de la patrie, est le principe de ce gouvernement. Lorsque cette vertu cesse, l’état est déja perdu ; l’ambition entre dans les cœurs qui peuvent la recevoir, & l’avarice entre dans tous. Si les Romains, disoit Pontius général des Samnites, pouvoient jamais se laisser entamer par l’avarice, & par la corruption, c’est alors que je demanderois à naître : je dompterois bien vîte cette nation, actuellement invincible. Cicéron ajoute sur ce beau mot : puisque Pontius auroit sû si bien dompter les Romains corrompus, j’aime mieux qu’il ait vécu du tems de nos peres que du nôtre. (D. J.)

Populaire, (Hist. Morale, Politique.) on nomme populaires, ceux qui cherchent à s’attirer la bienveillance du peuple. Dans tous les états libres, on s’est toujours défié des hommes trop populaires ; nous voyons que dans les tems de la république romaine, plusieurs citoyens illustres ont été punis pour s’être rendus trop agréables au peuple. Ce traitement paroîtra sans doute injuste, ou trop rigoureux ; mais, si l’on y fait attention, on sentira que dans un état républicain, toute distinction doit faire ombrage ; qu’il est dangereux de montrer au peuple un chef à qui il puisse s’adresser dans ses mécontentemens ; enfin, que comme le peuple n’est point aimable, il faut supposer des vûes secretes à ceux qui le caressent. César n’asservit sa patrie, qu’après avoir épuisé son patrimoine en largesses, & en spectacles donnés aux Romains. Les tyrans les plus odieux qui ont opprimé Rome, ne manquoient pas de se rendre populaires, par les amusemens qu’ils procuroient à un peuple qui leur pardonnoit tous leurs excès, pourvu qu’il eût du pain & des spectacles, panem & circenses.

Populaires, qui concerne le peuple, voyez Commun. La noblesse romaine étoit divisée en deux factions, les grands, optimates, qui étoient étroitement attachés au ministere, au sénat, & par opposition au peuple ; & les populaires, qui favorisoient les droits & les prétentions du peuple. Voyez Optimates.

Populaire, erreur populaire. Voyez Erreur.

Populaire, ou Endémique, ἐνδέμιος, maladies populaires ; ce sont celles qui deviennent communes, & qui courent par-tout ; on les appelle aussi endémiques, ou maladies épidémiques. Voyez Epidémique & Endémique.

Hippocrate a écrit expressément de morbis popularibus ; ces maladies sont sur-tout ordinaires dans l’été, dans le tems des équinoxes, à cause de la quantité des fruits & de la variété des influences de l’air.

Telles sont dans l’été les fievres malignes & inflammatoires, le pourpre & la porcelanie, qui attaquent les habitans de la campagne ; les fatigues & le poids de la chaleur & du jour que ces pauvres forçats de l’été endurent du matin au soir, épaississent le sang, le brûlent, y occasionnant des miasmes putrides qui portent leur action & leur malignité dans toute la machine. Les évacuans modérés & les cordiaux doux acides & froids, sont excellens dans ces cas.

Dans l’automne, & sur-tout vers la fin de l’été, les fievres intermittentes, les continues putrides, viennent de la quantité des fruits & de la chaleur immodérée ; l’un & l’autre produisent dans les visceres une fermentation qui donnent naissance à des levains qui se répandent dans tous les habitans d’une même contrée.

L’air infecté, raréfié & chargé des vapeurs malignes, est aussi une cause ordinaire de ces maladies.

Le manque d’alimens restaurans, & de boisson adoucissante ou rafraîchissante dans les grandes chaleurs, joint aux travaux qui épuisent les forces continuellement, sans qu’on ait le tems ou le moyen de les réparer, sont une cause commune & plus que suffisante pour produire les maladies populaires qui désolent les campagnes.

Les meilleurs remedes seroient des alimens nourrissans & restaurans pris de tems à autre & en petite quantité ; le repos aideroit le recouvrement des forces & l’effet de ces secours.