L’Encyclopédie/1re édition/PILLAGE

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PILLAGE, s. m. se dit à la guerre du dégât, du ravage, & de l’enlevement que le soldat fait à la guerre de tout ce qui peut satisfaire son avidité pour le butin. Voyez Dégat & picorée.

Les lois de la guerre permettent d’abandonner au pillage les villes prises d’assaut ; mais comme dans le désordre qui s’ensuit il n’est point de licences ni de crimes que le soldat ne se croye permis, l’humanité doit engager, lorsque les circonstances le permettent, à ne rien négliger pour empêcher ces horreurs. On peut obliger les villes à se racheter du pillage, & si l’on distribue exactement & fidelement au soldat l’argent qui peut en revenir, il n’a point lieu de se plaindre d’aucune injustice à cette occasion, au contraire tous en profitent alors également, au lieu que dans le pillage le soldat de mérite est souvent le plus mal partagé ; ce n’est pas seulement parce que le hasard en décide, mais c’est, dit M. le marquis de Sancta-Crux, qu’un soldat qui a de l’honneur reste à son drapeau jusqu’à ce qu’il n’y ait rien à craindre de la garnison ni des habitans, tandis que celui dont l’avidité prévaut sur toute autre chose, commence à piller en entrant dans la ville, sans attendre qu’il lui soit permis de se débander.

Outre le pillage des villes, qui arrive très-rarement, il y en a un autre qui produit le relâchement de la discipline, c’est la dévastation que fait le soldat dans le pays où le théâtre de la guerre est établi : ce pillage accoutume le soldat à secouer le joug de l’obéissance & de la discipline ; l’envie de conserver son butin peut amortir sa valeur, & l’engager même à se retirer : d’ailleurs, en ruinant le pays on le met hors d’état de payer les contributions, & on expose l’armée à la disette ou à la famine. On se prive ainsi par cette licence, non-seulement des ressources que le pays fournit pour s’y soutenir, mais l’on se fait encore autant d’ennemis qu’il contient d’habitans : le pillage de tout ce qu’ils possedent les mettant au desespoir, les engage à profiter de tous les moyens de nuire à ceux qui les oppriment aussi cruellement.

Le pays où l’on fait la guerre, quelquefois l’exactitude de la discipline qu’on fait observer aux troupes, se ressent toujours beaucoup des calamités qui en sont inséparables : c’est pourquoi l’équité devroit engager à ne faire que le mal qui devient absolument inévitable, à ne point ruiner les choses dont la perte n’affoiblit point l’ennemi, & qui ne servent qu’à indisposer les peuples : telles sont les églises, les maisons, châteaux, &c. les animaux & les instrumens qui servent à la culture des terres, devroient être conservés avec soin. Diodore de Sicile nous apprend que parmi les Indiens, les laboureurs étoient regardés comme sacrés ; qu’ils travailloient paisiblement & sans avoir rien à craindre à la vûe même des armées, & qu’on ne savoit ce que c’étoit que brûler ou couper les arbres en campagne.

La fermeté est très-nécessaire dans un général pour réprimer l’ardeur du pillage parmi les troupes ; les exemples de sévérité sont souvent à propos pour cet effet ; mais il faut les faire de bonne heure, afin que le trop grand nombre de coupables n’oblige point à leur pardonner.

Lorsque des troupes sont une fois accoutumées au pillage, au défaut de l’ennemi elles pillent leur propre pays, & même leurs magasins ; c’est ce qu’on a vû dans plusieurs occasions, entre autres dans la guerre de Hollande de 1672 ; mais M. de Louvois fit retenir sur le payement de toute l’armée, ce qui étoit nécessaire pour dédommager les entrepreneurs, & il ordonna d’en user de même toutes les fois que pareille chose arriveroit. (Q)

Pillage, (Marine.) le pillage est la dépouille des coffres & des hardes de l’ennemi pris, & l’argent qu’il a sur lui jusqu’à trente livres : le reste qui est le gros de la prise s’appelle butin.

Le capitaine ou les capitaines qui auront abordé un vaisseau ennemi, & qui l’auront pris, retiendront par préférence tous les vivres & les menues armes, & les matelots auront le pillage : mais pour le corps de la prise, le prix en sera distribué selon les divers réglemens qui sont faits pour diverses occasions.