L’Encyclopédie/1re édition/PICTES, les

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PICTES, les, (Hist. Géog.) en latin Picti ; anciens peuples de la grande Bretagne, mais dont l’origine est fort obscure. Lorsque les Romains s’emparerent de la grande Bretagne, les Pictes occupoient la partie orientale de l’île, depuis la Tine jusqu’à l’extrémité septentrionale.

Sous les premiers empereurs romains il ne se passa rien de remarquable où les Pictes paroissent avoir eu part ; mais sous Valentinien I. les Romains les attaquerent, parce que ces peuples, de concert avec leurs voisins, avoient fait des irruptions dans la province romaine. Nectaridius, gardien des côtes, Buchobandes, Severe & Jovin entreprirent inutilement de les soumettre, car ils furent défaits tour-à-tour. Enfin Théodose l’ancien y ayant été envoyé, augmenta les terres des Romains d’un grand pays qui appartenoit aux Pictes. Dans la suite Stilicon, tuteur d’Honorius, envoya Victorinus pour réprimer fortement ces peuples, qui depuis la mort de Théodose, recommençoient à faire de nouvelles courses dans la province romaine. Victorinus agissant en maître, leur défendit de nommer un successeur à Hengist leur roi qui venoit de mourir. Cette action de hauteur irrita les Pictes, qui crurent qu’il vouloit les chasser de leur île, comme il en avoit chassé les Scots par leur secours. Dans cette crainte, ils rappellerent les Scots ; & Ferjus, prince du sang royal d’Ecosse, ravagea les terres des Romains, & se fit céder tout le pays au nord de l’Humber.

Vers l’an 511, les Pictes s’étant alliés des Saxons, assiégerent Aréclute, mais Arthur les battit, & ruina leur pays d’un bout à l’autre.

Depuis l’irruption des Anglois, la Bretagne avoit été partagée entre les Bretons ou Gallois, les Ecossois, les Pictes & les Anglo-Saxons. Les Pictes & les Ecossois habitoient la partie septentrionale de l’île. L’Esca & la Ewede ; & les montagnes qui sont entre ces deux rivieres, les séparoient des Anglo-Saxons. Les Pictes étoient à l’orient, les Ecossois à l’occident. Le mont Gratbain faisoit leur borne commune depuis l’embouchure de la Nysse jusqu’au lac Lomon. Alberneth étoit la capitale des Pictes, & Edimbourg étoit encore à eux. Ils ne se contenterent pas de ces terres, ils attaquerent en 670 Egfrid, roi de tout le Northumberland, qui les battit, & les contraignit de lui céder une partie de leur pays pour avoir la paix.

Peu de tems après ils eurent leur revanche, & s’emparerent d’une province de la Bernicie. Enfin, dans l’année 840, ayant perdu deux grandes batailles contre Kneth roi d’Ecosse, le vaiqueur qui vouloit vanger la mort de son pere, qu’ils avoient tué, & dont ils avoient traité le corps avec indignité, agit envers eux de la maniere la plus inhumaine. Il les extermina tellement que depuis lors il n’est plus resté que la mémoire de cette nation belliqueuse, qui avoit fleuri si long-tems dans la grande Bretagne ; & c’est par la destruction des Pictes que Kneth est regardé par les Ecossois comme un des principaux fondateurs de leur monarchie.

Au reste, l’origine des Pictes, ainsi que celle de leur nom, est entierement inconnue. On ne voit dans l’histoire romaine des deux premiers siecles, que le nom de Calédoniens, & jamais celui de Pictes, ni celui des Scots. Tacite qui connoissoit bien la grande Breragne, par les voyages & par les conquêtes de son beau-pere Agricola, dont il a écrit la vie, ne parle que des Calédoniens, qu’il met au rang des Bretons.

Résumons. De tout ce qui précede, on voit que les Pictes furent un peuple qui du tems des Romains habitoit la partie orientale de l’ile de la Grande-Bretagne vers le nord, c’est-à-dire dans le royaume d’Ecosse ; qu’on croit qu’ils étoient un peuple différent des anciens Bretons, & que Bede pense qu’ils étoient venus de Scythie ; par où il a peut-être voulu désigner la Norwege conquise par les Scythes sous la conduite d’Odin ; que leur nom vint, dit-on, de Picti, que les Romains leur avoient donné parce qu’ils étoient dans l’usage de se peindre ; & qu’ils furent subjugués par l’empereur Julien, par Théodose & par Constantin.

Pictes, Murailles des, (Géog. anc. & antiq.) c’est un monument des Romains. Lorsqu’ils s’établirent en Angleterre par la force des armes, ils se trouvoient continuellement harcelés par les Pictes, du côté de l’Ecosse. Pour arrêter leurs courses, Adrien éleva une muraille de plâtre qui tenoit depuis l’Océan germanique jusqu’à la mer d’Irlande, l’espace de 27 lieues de France, & la fortifia par des palissades en l’an 123. L’empereur Sévere la fit faire de pierre avec des tours de mille en mille, où il y avoit garnison. Les Pictes néanmoins s’ouvrirent un passage plusieurs fois en abattant cette muraille. Enfin Aëtius, général romain, la rebâtit de brique l’an 430 ; mais les Pictes ne furent pas long-tems à la renverser. Elle avoit 8 piés d’épaisseur, & 12 de haut. On en voit aujourd’hui des traces en divers endroits des provinces de Cumberland & de Northumberland. (D. J.)