L’Encyclopédie/1re édition/PERSICAIRE

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PERSICAIRE, s. f. (Hist. nat. Bot.) persicaria, genre de plante dont la fleur n’a point de pétales, elle est composée de plusieurs étamines qui sortent d’un calice profondément découpé. Le pistil devient dans la suite une semence applatie, de figure ovoïde-pointue, & renfermée dans une capsule qui a servi de calice à la fleur. Tournefort, Inst. rei. herb. Voyez Plante.

Les fleurs sont disposées en épi aux sommets des tiges & des branches : le calice est découpé en quatre quartiers ; quelques Botanistes l’ont pris par erreur pour une fleur à quatre pétales : les étamines sont au nombre de six ; l’ovaire qui est au centre du calice est fécond, de figure oblique ou circulaire ; il est muni d’un pistil découpé en deux levres, & dentelé : la semence est plate & terminée en forme d’ovale ; une peau environne la tige à l’endroit d’où les feuilles sortent, & entoure aussi les petites branches à l’opposite des feuilles.

Toutes les persicaires sont douces ou âcres, & forment dix-neuf espèces dans Tournefort. La persicaire douce commune est fort bien nommée par C. Bauhin, persicaria mitis, maculosa, & non maculosa, en anglois, the common mild-arsmart.

Elle pousse plusieurs tiges rondes à la hauteur d’un pié & plus, creuses, rougeâtres, rameuses, branchues, noueuses, & couvertes d’une peau fort déliée. Ses feuilles sont disposées alternativement, longues & pointues, plus larges & plus amples que celles de la persicaire âcre : elles sont lisses, marquées quelquefois au milieu d’une tache noirâtre ou de couleur plombée, faite en forme de croissant, & quelquefois sans tache.

Ses fleurs naissent aux extrémités des tiges en forme de gros épis, elles sont petites & attachées à de longs pédicules ; chacune de ces fleurs est de monopétale, fendue en cinq parties, à six étamines de couleur ordinairement purpurine, quelquefois blanchâtre. Lorsque les feuilles sont tombées, il leur succede des semences applaties, faites en ovale pointue, lisses & noirâtres ; la racine est grêle & toute fibreuse.

Cette plante a une saveur un peu acide, elle vient aux lieux humides, sur le bord des étangs & des fossés, & fleurit au mois de Juillet ; ses feuilles sont estimées rafraichissantes.

La persicaire âcre ou brûlante, nommée vulgairement curage, persicaria urens, seu hydropiper, I. R.H. 509. pousse plusieurs tiges semblables à celle de la persicaire douce ; les feuilles ressemblent aux feuilles du pêcher, ce qui lui a fait donner le nom de persicaria, mais elles ne sont point tachetées, & leur saveur est presque aussi brûlante que celle du poivre, les fleurs sont un peu plus pâles que celles de l’espece précédente, mais elles produisent les mêmes semences ; toute la plante est d’un goût poivré, âcre & mordicant, elle est annuelle.

On trouvera dans les Mémoires de l’acad. des Sciences, année 1703, la description donnée par Tournefort de la persicaire du levant, qu’il nomme persicaria orientalis, nicotianæ folio, calice florum purpureo ; c’est la plus grande & la plus belle espece de persicaire. (D. J.)

Persicaire, (Mat. méd.) persicaire douce, tachée ou ordinaire.

Tournefort assure dans les mémoires de l’académie royale des Sciences, année 1703, que cette plante est un des plus grands vulnéraires qu’il connoisse, & que sa décoction dans du vin arrête la gangrene d’une maniere surprenante. Cette vertu qui seroit bien précieuse, si elle étoit réelle, devroit être reconnue sur une aussi grande autorité que celle de Tournefort ; s’il y avoit en médecine des autorités qui pussent tenir lieu de l’observation répetée & constante. La persicaire n’est point employée dans les gangrenes malgré cet éloge de Tournefort, peut-être par une négligence blâmable des Médecins, peut-être aussi parce qu’on a éprouvé que son inefficacité, que ses qualités extérieures rendent très-vraisemblable, étoit aussi très-réelle.

La tisanne de cette plante est aussi recommandée dans la dyssenterie & dans les maladies de la peau.

Persicaire brulante, (Mat. méd.) piment ou poivre d’eau, curage.

Cette plante est regardée comme très-propre contre l’hydropisie, la jaunisse & les obstructions du bas ventre ; on peut donner ses feuilles à la dose d’une poignée en décoction dans l’eau simple ou dans un bouillon, mais sa saveur âcre & brulante empêche qu’on ne l’employe communément pour l’usage intérieur ; son application extérieure est plus commune, du moins plus praticable, car cette plante est en tout assez peu usitée ; ses feuilles étant écrasées & appliquées sur les parties actuellement affligées de la goutte, passent pour en soulager les douleurs ; on dit la même chose d’une petite tente formée avec ses feuilles & introduite dans le creux d’une dent qui cause de la douleur. On la vente encore comme rongeant les chairs baveuses des vieux ulceres, les détergeant & les disposant à la cicatrice, comme dissipant les enflures des jambes, &c.

Il est à peine utile de rapporter que la persicaire brûlante a passé pour exercer ses vertus sur les parties internes en étant portée dans les souliers ; qu’étant appliquée sur la joue dans la douleur des dents, ou sur les plaies & sur les ulceres, tous ces maux disparoissent : dès qu’elle a été détruite par la putréfaction ou la combustion, quoique ce soient des Médecins de réputation qui aient imaginé ou adopté ces pauvretés, ce n’est qu’une anecdote toute commune de la crédulité ou de la charlatannerie médicale. (b)