L’Encyclopédie/1re édition/PASTEL
PASTEL, s. m. (Hist. nat. Bot.) isatis, genre de plante à fleur en forme de croix, composée de quatre pétales. Le pistil sort du calice & devient dans la suite un fruit en languette applatie sur les bords ; ce fruit s’ouvre en deux parties : il n’a qu’une capsule, & il renferme une semence ordinairement oblongue. Tournefort. Inst. rei herb. Voyez Plante.
Le pastel & le voüede ne sont qu’une seule & même plante, nommée pastel en Languedoc, & vouede en Normandie. Tournefort compte trois especes de ce genre de plante, dont nous décrirons la commune à larges feuilles, isatis sativa, vel latifolia, S. R. H. en anglois, the broad leaved woed.
Elle pousse des tiges à la hauteur de trois piés, grosses comme le petit doigt, rondes, roides, lisses, rougeâtres, se divisant vers leurs sommités en beaucoup de rameaux revêtus d’un grand nombre de feuilles rangées sans ordre, oblongues, larges comme celles de la langue de chien, sans poil, de couleur verte foncée, & quelquefois tirant sur le verd de mer. Ses rameaux sont chargés de beaucoup de petites fleurs à quatre pétales jaunes, disposées en croix, attachées à des pédicules menus. Quand ces fleurs sont passées, il naît en leur place des petits fils coupés en languettes, & applatis sur les bords, de couleur noirâtre, contenant chacun une ou deux semences oblongues ; sa racine est longue d’un pié & demi ou de deux piés, grosse en haut comme le pouce, & diminuant peu-à-peu, ligneuse, blanche ; on cultive le pastel particulierement en Languedoc & en Normandie : son goût est amer & astringent ; on fait avec le suc des feuilles de cette plante précieuse, une pâte seche qu’on appelle aussi pastel, & dont les Teinturiers font un grand usage. Voyez Pastel, Teinture.
Je me rappelle à l’occasion du pastel, que Cambden, le chevalier Temple, & plusieurs autres, prétendent que la Grande-Bretagne tire son nom du mot brith, qui en langage breton signifie du pastel, parce que les anciens Bretons avoient coûtume de se peindre le corps avec le suc de cette plante, qui leur rendoit la peau bleue. Je ne crois pas que cette étymologie soit la véritable quoique le fait soit certain. Ces anciens peuples se faisoient dans la peau, comme font aujourd’hui les sauvages, des incisions qui représentoient des fleurs, des arbres, des animaux, ensuite en y faisant couler du jus de pastel, ils donnoient à ces figures une couleur bleue qui ne s’effaçoit jamais ; c’est ce qui leur tenoit lieu de parure, & que Tertullien appelloit Britannorum stigmata. Leurs successeurs sont bien differens : ils ne se peignent point le corps, mais ils cultivent soigneusement la plante du pastel à cause de son profit, car un arpent de terre où l’on a semé sa graine, rapporte depuis dix jusqu’à trente livres sterling par an. (D. J.)
Pastel, peinture au, (Peinture mod.) c’est une peinture où les crayons font l’office des pinceaux ; or le mot de pastel qu’on a donné à cette sorte de peinture, vient de ce que les crayons dont on se sert sont faits avec des pâtes de différentes couleurs. L’on donne à ces especes de crayons, pendant que la pâte est molle, la forme de petits rouleaux aisés à manier ; c’est de toutes les manieres de peindre celle qui passe pour la plus facile & la plus commode, en ce qu’elle se quitte, se reprend, se retouche, & se finit tant qu’on veut.
Le fond ordinaire sur lequel on peint au pastel est du papier dont la couleur la plus avantageuse est d’être d’un gris un peu roux ; & pour s’en servir plus commodément, il faut le coller sur un ais fait exprès d’un bois léger. Le plus grand usage que l’on tire du pastel, est de faire des portraits ; on est obligé de couvrir toujours cette peinture d’une glace fort transparente qui lui sert de vernis.
Les crayons mis en poudre imitent les couleurs
Que dans un teint parfait offre l’éclat des fleurs,
Sans peinceau le doigt seul place & fond chaque teinte ;
Le duvet du papier en conserve l’empreinte,
Un crystal la défend ; ainsi de la beauté
Le pastel a l’éclat & la fragilité.
Aussi a-t-on vû long-tems avec peine, que cette agréable peinture, qui ne tient aux tableaux que par la ténuité de ses parties, fût sujette à s’affoiblir & à se dégrader par divers accidens inévitables. Des peintres célebres étoient parvenus à la fixer ; mais ils étoient dans la nécessité de redonner, après l’opération, quelques touches dans les clairs, pour leur rendre tout leur éclat. Enfin le sieur Loriot a trouvé en 1753 le moyen de fixer, d’une maniere plus solide, toutes les parties d’un tableau en pastel, & même de n’en point changer les nuances. Il peut par son secret faire revivre quelques couleurs qui ont perdu leur vivacité ; l’académie de Peinture & de Sculpture, paroît avoir approuvé par ses certificats, la nouvelle invention de cet artiste. (D. J.)