L’Encyclopédie/1re édition/PASQUES

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PASQUES, s. f. (Théolog.) fête solemnelle célébrée chez les Juifs le quatorzieme jour de la lune d’après l’équinoxe du printems. Voyez Fete.

Les anciens Grecs & Latins ont appellé cette fête pascha, non du grec πασχειν, souffrir, comme l’ont imaginé faussement Lactance & quelques autres peres ; mais de l’hébreu pesach on pasach, qui signifie passer, Le but de cette fête étant de rappeller le passage de l’ange exterminateur qui mit à mort tous les premiers nés des Egyptiens, & épargna ceux des Israélites dans la nuit qui précéda leur sortie d’Egypte.

D’autres ont avancé qu’elle avoit été instituée en mémoire du passage de la mer Rouge, mais sans fondement, puisqu’elle fut célébrée & nommée pour la premiere fois avant que les Hébreux se fussent mis en marche pour sortir de l’Egypte, & par conséquent plusieurs jours avant le passage de la mer Rouge.

On peut voir dans l’Exod. chap xij. toutes les cérémonies que Moïse prescrivit pour la célébration de la pâque : l’obligation de la faire étoit telle, que quiconque auroit négligé ce devoir étoit condamné à mort : Exterminabitur anima illa de populis suis, Num. jx. 23. Mais ceux qui avoient quelqu’empêchement légitime, comme de voyage ou de maladie, ou de quelque impureté volontaire ou involontaire, par exemple ceux qui avoient assisté à des funérailles, ou qui s’étoient trouvés souillés par quelqu’accident, devoient remettre la célébration de la pâque au second mois ecclésiastique, ou au 14 du mois Jiar, qui répond à Avril & Mai : on en voit un exemple frappant sous Ezechias II. Paralip. xxx. 2. & 3.

Leon de Modene, cérem. des Juifs, part. III. ch. iij. décrit fort au long les cérémonies que les Juifs modernes observent dans la célébration de la pâque. Elle dure huit jours, suivant une ancienne coutume du Sanhedrin ; les deux premiers & les deux derniers jours sont solemnels : on ne peut pendant leur durée ni travailler ni traiter d’affaires ; il est néanmoins permis de toucher au feu, d’apprêter à manger, de manier de l’argent, &c. Pendant ces huit jours il est défendu aux Juifs d’avoir chez eux du pain levé ni aucun levain : ensorte qu’ils ne mangent alors que du pain sans levain ou azyme. Dès le soir de devant la veille de la fête, le maître de chaque maison cherche par-tout pour voir s’il n’y a point de pain levé ; sur les onze heures du jour suivant, on brûle du pain levé, pour marquer que la défense de ce pain est commencée ; incontinent après on s’applique à faire des azymes qu’on appelle mazzoth. Quelques-uns font de ces gâteaux avec des œufs & du sucre, pour les personnes délicates ou malades ; ils les nomment mazza aschiras, c’est-à-dire riche gâteau sans levain. Le quatorzieme jour de Nisan, veille de la pâque, les premiers nés des familles ont coutume de jeûner, en mémoire de ce que la nuit dont la suivante est l’anniversaire, Dieu frappa de mort tous les premiers nés des Egyptiens. Le soir ils vont à la priere, & mangent ensuite l’agneau avec du pain sans levain & des herbes ameres ; tenant en main des tasses de vin, ils récitent les malheurs que leurs peres souffrirent en Egypte, les merveilles que Dieu opéra pour les en délivrer, & finissent par le pseaume 112 & les suivans, qui sont des pseaumes de louange ou d’action de graces ; ensuite ils soupent & récitent encore des pseaumes, ce qu’ils reiterent le lendemain & recommencent les deux derniers jours.

Les rabbins ajoutent encore d’autres détails, tant sur la recherche du pain levé, que sur la façon du pain azyme, mais si petits & si ridicules, que nous ne croyons pas devoir en charger ce Dictionnaire : on les trouvera exposés fort au long dans celui de la Bible de dom Calmet, tome III. lettre P. au mot Pâque.

Pour fixer le commencement du mois lunaire, & par conséquent la fête de Pâques qui se célébroit le 14 de la lune de Mars, les rabbins, & entr’autres Maimonides, enseignent que leurs ancêtres avoient placé des sentinelles sur le sommet des montagnes, pour observer le moment de l’apparition de la nouvelle lune, & qu’aussi-tôt que ceux-ci l’avoient vûe, ils couroient en diligence en donner avis au sanhedrin, qui dépéchoit des couriers aux villes voisines, pour les avertir que la néomenie commençoit. Mais outre qu’on ne trouve nulle trace de cet usage dans l’Ecriture, ni dans Philon, ni dans Josephe, il paroît d’ailleurs certain que les anciens Hébreux ne se servoient pas de mois lunaires, ce qui détruit la prétention des rabbins.

Les Grecs, & même quelques docteurs catholiques, prennent occasion du xij. chap. de S. Jean, v. 1. 12. & suiv. & du xviij. chap. du même évangeliste, de conclure que l’année même de sa mort Jesus-Christ anticipa le jour marqué dans la loi pour célébrer la pâque ; le P. Lamy entr’autres a soutenu ce sentiment. D’autres, comme le P. Calmet, dissertation sur la derniere pâque de Notre Seignenr, ont prétendu que la derniere année de sa vie Jesus-Christ n’avoit pas fait la pâque, du-moins que les Juifs ne l’avoient faite que le vendredi, jour de sa mort, & qu’il étoit mort sur le calvaire à la même heure que les Juifs immoloient dans le temple la victime paschale ; ensorte que la figure & la réalité se rencontrerent & s’exécuterent ensemble comme à point nommé. On cite pour ce sentiment Tertull. contr. jud. c. viij. l’auteur des questions orthodoxes, sous le nom de S. Justin martyr, quest. 65. S. Chrysostome, homel. 82. in Joann. S. Cyrill. d’Alex. liv. XII. in Joann. Théophyl. act. S. Epiphane & plusieurs autres peres & théologiens.

D’autres, comme le P. Hardouin, ont prétendu que les Galiléens avoient fait cette année-là la pâque le jeudi, de même que Jesus-Christ, & que les Juifs l’avoient faite le vendredi, mais le sentiment le plus suivi dans l’Eglise chrétienne, tant greque que latine, est que Jesus-Christ a fait la pâque légale le jeudi au soir, de même que tous les autres Juifs ; & outre les trois évangelistes S. Matthieu, S. Luc & S. Marc, qui sont favorables à ce sentiment, il est fondé sur la tradition la plus constante.

Le nom de pâque se prend dans l’Ecriture en divers sens ; 1°. pour le passage de l’ange exterminateur ; 2°. pour l’agneau paschal ; 3°. pour le repas où on le mangeoit ; 4°. pour la fête instituée en mémoire de la sortie d’Egypte & du passage de l’ange exterminateur ; 5°. pour toutes les victimes particulieres qu’on offroit durant la solemnité paschale ; 6°. pour les pains sans levain dont on usoit pendant toute l’octave de Pâque ; 7°. pour toutes les cérémonies qui précédoient & accompagnoient cette cérémonie ; 8°. pour Jesus-Christ immolé comme l’agneau paschal pour la rédemption du genre humain. Calmet, Dictionnaire de la Bible.

Pour trouver la fête de Pâque dans chaque année, il faut d’abord connoître l’épacte de cette année, ce qui donnera la nouvelle lune de chaque mois, & par conséquent en y ajoutant 13 jours, le jour de la pleine lune après le 21 de Mars. Le dimanche qui suit le jour de la pleine lune, & qu’on trouve par le moyen de la lettre dominicale, est le jour de Pâque. Voyez Epacte, Lettre dominicale, Calendrier, Fêtes mobiles.

Si la pleine lune tombe le 21 de Mars, & que le lendemain soit un dimanche, ce dimanche est le jour de Pâque ; c’est le plûtôt que le jour de Pâque puisse arriver. Si la pleine lune est le 20 de Mars, la pleine lune suivante ne peut tomber que le 18 Avril ; & si ce 18 est un dimanche, Pâque tombera au dimanche suivant, qui est le 25 Avril : c’est le plûtard qu’il puisse arriver, & ce dernier cas arrive rarement. Depuis la réformation du calendrier, Pâque a été le 25 Avril en 1666 & 1734.

Si la pleine lune tombe le 21 même de Mars, le dimanche suivant est le jour de Pâque. (O)

Pasque-clos, pascha clausum, signifie l’octave de Pâque ou le dimanche d’après Pâque, qui fait la clôture de cette solemnité. Dans quelques anciens actes d’Angleterre on en trouve quelques-uns datés die N. post pascha clausum, & entr’autres le premier statut de Westminster de la troisieme année d’Edouard I. qui porte avoir été fait lendesmenda de la close de Pasche, c’est-à-dire le lundi d’après la semaine de Pâque.

Cette expression de Pâque-clos est aussi en usage en France dans les provinces, pour exprimer le dimanche de Quasimodo, ou le dimanche de l’octave de Pâque. Voyez Quasimodo.