L’Encyclopédie/1re édition/PARESSE

PARESSE, s. f. (Morale.) nonchalance qui empêche l’homme de travailler, de vaquer à ses affaires, & de remplir ses devoirs.

Un poëte anglois a peint cette reine du monde comme une indolente divinité :

A careless deity
No probleme puzzle his lethargick brain :
But dull oblivion guards his peaceful bed,
And lazy fogs bedew his gracious head.
Thus at full length, the pamper’d monarch lay,
Fatt’ning in case, and slumb’ring life away.

De tous nos défauts, celui dont nous tombons le plus aisément d’accord, c’est de la paresse ; parce que nous nous persuadons qu’elle tient à toutes les vertus paisibles ; & que, sans détruire les autres, elle en suspend seulement les fonctions. De-là vient qu’elle regne souverainement dans ce qu’on appelle le beau monde ; & si quelquefois on trouble son empire, c’est plutôt pour chasser l’ennui, que par goût pour l’occupation.

L’esprit contracte aussi facilement l’habitude de la paresse que le corps. Un homme qui ne va jamais qu’en voiture, est bien-tôt hors d’état de se servir de ses jambes. Comme il faut lui donner la main pour qu’il marche, de même il faut aider l’autre à penser, & même l’y forcer ; sans cela, l’homme craignant l’application, soupire vainement après la science qui est pour lui une plante succulente, mais dont il n’a pas le courage d’exprimer le suc. L’esprit ne devient actif que par l’exercice ; s’il s’y porte avec ardeur, il trouve celui des forces & des ressources, qu’il ne connoissoit pas auparavant.

Au surplus la paresse de l’esprit & du corps, est un vice que les hommes surmontent bien quelquefois, mais qu’ils n’étouffent jamais. Peut-être est-ce un bonheur pour la société que ce vice ne puisse pas être déraciné. Bien des gens croient que lui seul a empêché plus de mauvaises actions, que toutes les vertus réunies ensemble. (D. J.)

Paresse, Fainéantise, (Synon.) La paresse est un moindre vice que la fainéantise. Celle-là semble avoir la source dans le tempérament, & celle-ci dans le caractere de l’ame. La premiere s’applique à l’action de l’esprit comme à celle du corps ; la seconde ne convient qu’à cette derniere sorte d’action. Le paresseux craint la peine & la fatigue, il est lent dans ses opérations, & fait traîner l’ouvrage. Le fainéant aime à être desœuvré, il hait l’occupation, & fuit le travail. Girard. (D. J.)