L’Encyclopédie/1re édition/P

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P, s. m. c’est la seizieme lettre & la douzieme consonne de notre alphabeth. Nous la nommons communément pé ; les Grecs l’appelloient pi, πῖ. Le système naturel de l’épellation exige qu’on la désigne plûtôt par le nom pe, avec un e muet. Les anciennes langues orientales ne paroissent pas avoir fait usage de cette consonne.

L’articulation représentée par la lettre p, est labiale & forte, & l’une de celles qui exigent la réunion des deux levres. Comme labiale, elle est commuable avec toutes les autres de même organe. Voyez Labiale. Comme formée par la réunion des deux levres, elle se change plus aisément & plus fréquemment avec les autres labiales de cette espece b & m, qu’avec les sémilabiales v & f. Voyez B & M. Enfin comme forte, elle a encore plus d’analogie avec la foible b, qu’avec toutres les autres, & même qu’avec m.

Cette derniere propriété est si marquée, que quoique l’on écrive la consonne foible, le méchanisme de la voix nous mene naturellement à prononcer la forte, souvent même sans que nous y pensions. Quintilien, inst. orat. I. vij. en fait la remarque en ces termes : Cùm dico obtinuit, secundam B litteram ratio poscit, aures magis audiunt P. L’oreille n’entend l’articulation forte que parce que la bouche la prononce en effet, & qu’elle y est contrainte par la nature de l’articulation suivante t, qui est forte elle-même ; & si l’on vouloit prononcer b, ou il faudroit insérer après b un e muet sensible, ce qui seroit ajouter une syllabe au mot obtinuit, ou il faudroit affoiblir le t & dire obdinuit, ce qui ne le défigureroit pas moins. Nous prononçons pareillement optus, optenir. apsent, apsoudre, quoique nous écrivions obtus, obtenir, absent, absoudre. C’est par une raison contraire que nous prononçons prezbytere, dizjoindre, quoique l’on écrive presbytere, disjoindre ; la seconde articulation b ou j étant foible, nous mene à affoiblir le s & à le changer en z.

M. l’abbé de Dangeau, opusc. 148. remarque que si dans quelque mot propre il y a pour finale un b ou un d, comme dans Aminadab ou David, on prononce naturellement Aminadap, Davit, parce que si l’on vouloit prononcer la finale foible, on seroit nécessité à prononcer un petit e féminin. Mais, dit M. Harduin, secrétaire perpétuel de l’académie d’Arras, Rem. div. sur la prononc. p. 120, « il me semble qu’on prononce naturellement & aisément Aminadab, David comme ils sont écrits. Si nos organes en faisant sonner le b ou le d à la fin de ces mots, y ajoutent nécessairement un e féminin, ils l’ajoutent certainement aussi après le p ou le t, & toute autre consonne articulée ». Cette remarque est exacte & vraie, & l’on peut en voir la raison article H.

Si l’on en croit un vers d’Ugution, le p étoit une lettre numérale de même valeur que c, & marquant cent.

P Similem cùm C numerum monstratur habere.

Cependant le p surmonté d’une barre horisontale, vaut, dit-on, 400000 ; c’est une inconséquence dans le système ordinaire : heureusement il importe assez peu d’éclaircir cette difficulté ; nous avons dans le système moderne de la numération, de quoi nous consoler de la perte de l’ancien.

Dans la numération des Grecs, π’ signifie 80.

Les Latins employoient souvent p par abbréviation. Dans les noms propres, P. veut dire Publius ; dans S. P. Q. R. c’est populus, & le tout veut dire Senatus Populusque Romanus ; R. P, c’est-à-dire Respublica ; P. C, c’est Patres conscripti ; C. P, c’est Constantinopolis, &c.

La lettre p sur nos monnoies indique qu’elles ont été frappées à Dijon. (M. E. R. M.)

P p p, (Ecriture.) dans sa figure est le milieu de la lettre t, la 4, 5, 6, 7 & 8e parties d’o, & la queue de la premiere partie d’x. L’o italien & le coulé se forment en deux tems du mouvement simple des doigts dans leur premiere partie, & des doigts & du poignet dans leur seconde. L’o rond se fait du mouvement mixte des doigts & du poignet. Voyez le volume des Planches à la table de l’Ecriture, Pl. I. des alphabets.

P, en Musique par abréviation, signifie piano ou doux. Voyez Doux. Le double pp signifie très-doux. (S)

P, dans le Commerce, seul ou joint à quelques autres lettres, forme plusieurs abréviations usitées parmi les banquiers, marchands-teneurs de livres, &c. Ainsi P signifie protesté, A. S. P. accepté sous protêt ; A. S. P. C. accepté sous protêt pour mettre à compte ; P pour cent. Voyez Abréviation. Dictionnaire de Commerce, tome III. p. 663.