L’Encyclopédie/1re édition/NYMPHE

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NYMPHE, s. f. (Mythol.) ce mot signifie en latin une nouvelle mariée ; mais c’est toute autre chose dans la Mythologie : les Poëtes l’ont donné à des divinités subalternes, dont ils ont peuplé l’univers. Il y en avoit qu’on appelloit uranies ou célestes, qui gouvernoient la sphere du ciel ; d’autres terrestres ou épygies : celles-ci étoient subdivisées en nymphes des eaux, & nymphes de la terre.

Les nymphes des eaux étoient encore divisées en plusieurs classes ; les nymphes marines appellées océanides, néréides, & mélies. Les nymphes des fontaines, ou naïades, crénées, pégées : les nymphes des fleuves & des rivieres, ou les potamides : les nymphes des lacs, étangs, ou lymnades.

Les nymphes de la terre étoient aussi de plusieurs classes ; les nymphes des montagnes qu’on appelloit oréades, orestiades ou orodemniades : les nymphes des vallées, des bocages, ou les napées : les nymphes des prés ou limoniades : les nymphes des forêts, ou les dryades, & hamadryades. Tous ces noms marquoient le lieu de leur habitation.

Elles ont encore eu plusieurs autres noms : comme ionides, isménides, lysiades, thémistiades, & cent autres qu’elles tiroient du lieu de leur naissance, ou plutôt des lieux où elles étoient adorées, comme Pausanias & Strabon les interpretent.

On n’accordoit pas tout à fait l’immortalité aux nymphes ; mais Hésiode les fait vivre quelques milliers d’années. On leur offroit en sacrifice du lait, de l’huile, & du miel, & on leur immoloit quelquefois des chevres.

Il n’est pas aisé de découvrir l’origine de l’existence des nymphes, & des fables qu’on a débitées sur leur compte. Cette idée des nymphes est peut-être venue de l’opinion où l’on étoit anciennement, que les ames des morts erroient auprès des tombeaux, ou dans les jardins & les bois délicieux qu’elles avoient fréquentés pendant leur vie. On avoit même pour ces lieux un respect religieux ; on y invoquoit les ombres de ceux qu’on croyoit y habiter ; on tâchoit de se les rendre favorables par des vœux & des sacrifices, afin de les engager à veiller sur les troupeaux & sur les maisons. Meursius remarque que le mot grec nymphé, n’est autre que le mot phénicien néphas, qui veut dire ame ; & il ajoute que cette opinion, ainsi que plusieurs autres de ce tems-là, tiroient leur origine des Phéniciens.

Cette conjecture sur l’origine des nymphes peut encore être appuyée par l’idée que l’on avoit que les astres étoient animés ; ce qu’on étendit ensuite jusqu’aux fleuves, aux fontaines, aux montagnes & aux vallées, auxquelles on assigna des dieux tutélaires.

Dans la suite on a pris pour des nymphes des dames illustres par quelques aventures ; c’est pour cela sans doute qu’Homere appelle nymphes, Phaëtuse & Lampetie, qui gardoient en Sicile les troupeaux du soleil.

On a même été jusqu’à honorer de simples bergeres du nom de nymphe, & tous les poëtes anciens & modernes ont embelli leurs poésies de cette nouvelle idée. Mais comme Diodore rapporte que les femmes des Atlantides étoient communément appellées nymphes, il semble que c’est dans ce pays-là, que prit naissance l’opinion de l’existence de ces déesses ; parce qu’on disoit que c’étoit dans les jardins délicieux de la Mauritanie tingitane, auprès du mont Atlas, qu’habitoient après leur mort les ames des héros.

Quant aux métamorphoses de tant de personnes changées en nymphes, en naïades, en oréades, en néréïdes, en dryades, en hamadryades, &c on peut penser que lorsque quelques dames illustres étoient enlevées à la chasse, qu’elles périssoient dans la mer, dans les bois ; la ressource ordinaire étoit de dire que Diane ou quelqu’autre divinité les avoit changées en nymphes. Tel étoit la prétendue Egérie, cette célebre nymphe que Numa Pompilius alloit souvent consulter dans la forêt d’Aricie. Après la mort de ce prince, les Romains ne trouvant plus cette nymphe merveilleuse, mais seulement une fontaine, ils imaginerent la métamorphose de la nymphe en fontaine.

Nous ne dirons rien ici de la belle description que fait Homere de l’antre des nymphes, ni de ces vers où Horace nous représente Bacchas instruisant ces déesses : vidi Bacchum docentem nymphas. On ne seroit sûrement pas content des allégories que quelques auteurs y ont trouvées, & encore moins des obscénités qu’un philosophe stoïcien, homme grave & sérieux, a débitées sur ce sujet dans son hexaméron rustique.

Mais nous pouvons bien dire un mot de la fureur qu’éprouvoient ceux qui par hasard avoient vû quelque nymphe dans le bain. Ovide lui même craignoit cet evénement, comme il nous l’apprend au IV. liv. des Fastes, quand il dit,

Nec Dryadas, nec nos videamus labra Dianæ,
Nec faunum medio dùm premit aura die.

« Jamais ne puissions-nous appercevoir Diane, Ni les nymphes des bois, ni les faunes cornus, Lorsqu’au milieu du jour ils battent la campagne ».

C’est à quoi Properce, liv. III. élég. xij. fait allusion, lorsque décrivant la félicité des premiers siecles il dit :

Nec fuerat nudas pœna videre deas.

« Alors pour avoir vû quelques déesses nues,
« On n’étoit point puni si rigoureusement ».

Ceux qui étoient épris de cette fureur des nymphes, s’appelloient en grec νυμφολήπτοι, en latin lymphatici. Les eaux, dit Festus, s’appellent lymphes, du nom de nymphes ; car on croyoit autrefois que tous ceux qui avoient seulement vû l’image d’une nymphe dans une fontaine, étoient épris de fureur le reste de leur vie. Les Grecs les nommoient nympholepti, & les latins lymphatici.

Plutarque dans la vie d’Aristide, dit : « la caverne des nymphes sphragitides est située à l’une des croupes du mont Cythéron ; il y avoit anciennement un oracle, de l’esprit duquel plusieurs devenoient insensés ; ce qui les fit nommer nympholepti ». (D. J.)

Nymphe, (Littérat.) ce mot se prend quelquefois dans les auteurs grecs & latins pour une femme simplement. C’est ainsi que l’emploie Homere, Iliad, p. v. 130. Callimaque, hymn. in Del. v. 215. Hymn. in Apoll. v. 90. &c. Ovide applique ce mot aux femmes des Grecs, lorsqu’il dit : Grata ferunt nymphæ pro salvis dona maritis. C’est une chose assez commune dans les auteurs, d’appeller nymphes, les épousées & les nouvelles mariées. Elles portent le nom de nymphes, dit Phornutus, parce qu’alors elles paroissent en public pour la premiere fois, ayant été auparavant cachées, pour ainsi dire, dans leurs maisons. (D. J.)

Nymphes, s. f. pl. (Anatom.) Ces deux especes de crêtes d’un rouge vermeil dans les jeunes filles, une de chaque côté, qui descendent en grossissant jusque vers le milieu de la vulve, s’appellent nymphes, parce qu’on a cru qu’elles dirigeoient le cours de l’urine. Elles ne sont ni de même longueur dans tous les sujets, ni toujours de même grosseur l’une que l’autre ; & elles s’alongent tellement dans quelques femmes, particulierement de certains pays, qu’on est obligé de les couper.

Les nymphes, en latin nymphæ, sont deux plis prominens de la peau intérieure de la grande aîle extérieure, étendus depuis le prépuce du clitoris jusqu’au grand orifice de la matrice, de l’un & de l’autre côté. Ces plis sont d’abord fort étroits ; ils prennent de la largeur à mesure qu’ils descendent, & ils vont ensuite en se retrécissant vers leur extrémité inférieure.

Ils sont d’une substance spongieuse, composée de membrane délicate, de vaisseaux très-deliés & parsemés de petites glandes sebacées, dont plusieurs sont sensibles à la vûe. Cette disposition intérieure les rend capables de se gonfler à proportion du clitoris, lorsque le sang & les esprits leur sont portés en abondance.

La situation des nymphes est oblique ; leurs extrémités supérieures sont fort approchées : la distance qui est entre leurs extrémités inférieures est plus grande ; elles sont pourvues de quantité de mamelons qui les rendent fort sensibles ; elles reçoivent des arteres & des veines des vaisseaux honteux, & leurs nerfs viennent des intercostaux.

Les filles ont ces parties si fermes & si solides, que l’urine sort de l’uretre entre leurs parois avec une espece de sifflement ; mais elles sont plus ou moins flasques & flétries dans les femmes mariées, à proportion des enfans qu’elles ont eu & de leur âge.

Les nymphes sont quelquefois si larges ou si alongées, qu’elles prominent hors des levres des parties naturelles, & qu’elles incommodent en marchant, en s’asseyant, & même dans les plaisirs de l’amour : quand ce cas existe, on est obligé de les couper. Mauriceau dit avoir fait à Paris le retranchement des deux nymphes à une femme qui l’en pria très-instamment, tant parce qu’étant obligée, à ce qu’elle lui dit, d’aller souvent à cheval, l’alongement de ses nymphes, qu’elle avoit très-grandes, lui causoit par le froissement une douloureuse cuisson, que parce que cette difformité lui déplaisoit fort, aussi bien qu’à son mari.

Pour faire cette opération, on étend la personne sur le dos, on lui écarte les cuisses & les levres des parties naturelles : ensuite le chirurgien prend avec sa main gauche l’une ou l’autre des nymphes, & en coupe, avec une paire de ciseaux qu’il tient de la droite, autant qu’il est nécessaire. Il a soin de se pourvoir de styptiques pour arrêter l’hémorrhagie, & des autres remedes dont il pourroit avoir besoin si la malade tomboit en défaillance. Il panse ensuite la blessure avec quelques baumes vulnéraires, & il parvient facilement à la guérir d’après cette méthode. On trouve dans Solingen, observat. 80. un cas dans lequel la mortification des nymphes en rendit l’amputation nécessaire.

L’excision des nymphes a été pratiquée chez les Egyptiens, & dans quelques endroits de l’Arabie & de Perse. Strabon dit que les femmes égyptiennes recevoient la circoncision. Bélon nous apprend, dans ses observations, livre III. chap. xxviij. que cet usage, qui subsistoit encore de son tems, étoit simplement fondé sur des raisons naturelles qui même n’ont pas lieu dans toutes les femmes de ce pays-là.

Cette incommodité est assez commune en Afrique, & il y a des hommes, si l’on en croit Léon l’africain, qui n’ont d’autre métier que de savoir retrancher aux femmes les nymphes trop alongées ; ils crient à haute voix dans les rues : Qui est celle qui veut être coupée, &c. (D. J.)