L’Encyclopédie/1re édition/NOSTOCH

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NOSTOCH, s. m. (Botan.) espece de mousse membraneuse, un peu onctueuse, d’un verd pâle, insipide au goût. Cette mousse croît & s’étend le long des prés & de leurs bords herbeux ; elle se montre sur-tout au soleil levant dans l’équinoxe du printems, & celui de l’autonne, après les pluies ; bien-tôt après elle se séche.

Le nom bisarre de nostoch lui vient de Paracelse, qui la regardoit comme une vapeur subtile, exhalée du cœur de la terre, & qui s’épaississoit sur sa surface par la chaleur de l’air ; mais le nostoch n’a point cette origine, c’est un corps herbacé, d’une figure irréguliere, d’un verd brun, un peu transparent, & tremblant au toucher comme une gelée ; ce corps ne se fond cependant pas entre les doigts, on a quelque peine à le déchirer comme si c’étoit une feuille, & néanmoins on n’y voit ni fibres, ni nervures. On le trouve sur divers terreins, mais principalement sur des sables, sur des allées de jardin, & après de grandes pluies d’été. Il se conserve tant que le tems est humide, se desseche & périt par le vent & le soleil.

On n’a pas soupçonné d’abord que ce pût être une plante. Il venoit subitement, par une espece de miracle, ou de la terre ou même du ciel ; on l’appelloit flos terræ, flos cœli, cœlifolium ; & il a tiré de l’obscurité de son origine cet avantage, qu’on a cru qu’il contenoit l’esprit universel destiné à la transmutation des métaux en or. M. Magnol de Montpellier & M. de Tournefort ont été les premiers qui ont osé le ranger parmi les plantes. M. de Reaumur en a un peu plus approfondi le caractere. Il a trouvé que le nostoch est une feuille qui boit très-avidement l’eau ; quand elle s’en est abreuvée, elle paroît dans son état naturel ; hors de-là, elle se plisse, se chiffonne ; de-là vient qu’elle semble naître subitement, & presque miraculeusement après la pluie.

M. Geoffroi avoit cru y remarquer des racines, M. de Reaumur s’est assuré qu’il n’en a point. Ayant observé sur la surface de quelques nostochs, en certains tems, une infinité de petits grains ronds de différentes grosseurs, qu’il soupçonna pouvoir être la semence de la plante, il en sema dans des vases, & en effet les graines leverent, mais jamais il ne vit nulle apparence de racines aux petits nostochs qu’il en tiroit ; il a remis dans le vase ces feuilles naissantes, qui étoient la plante entiere, du côté opposé à celui où elles étoient d’abord, & d’où seroient sorties leurs racines, mais elles n’en végétoient pas plus mal, du-moins ne périssoient-elles pas.

Si le nostoch est sans racines, il végete donc à la maniere des plantes marines qui n’en ont point, & qui s’imbibent, par tous les pores de leur substance, d’une eau qui les nourrit. Ces plantes-là n’en manquent jamais, au lieu que le nostoch en manque souvent ; & apparemment il ne croît que dans les tems où il est suffisamment abreuvé, & croît toûjours à chaque fois qu’il l’est. M. de Reaumur prétend avoir observé qu’il peut croître au-moins pendant un an : cette observation est bien douteuse ; ce qui est sûr, c’est que quelquefois le nostoch ne paroît que comme une feuille applatie, & d’autres fois cette feuille est frisée & goudronnée. Il est bien singulier que nous ne sachions rien de plus sur le nostoch ; & qu’après avoir débité tant de fausses merveilles de ses vertus, on soit venu jusqu’à ne le plus regarder. (D. J.)