L’Encyclopédie/1re édition/MYROBOLANS

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MYROBOLANS, s. m. plur. (Bot. exot.) fruits des Indes orientales desséchés, dont on fait usage en Médecine.

Ils ont été inconnus aux anciens Grecs, mis en vogue par les Arabes, & connus seulement des nouveaux Grecs, depuis Actuarius, que Fabricius fait vivre au commencement du xiv. siecle. Ce que Théophraste, Pline, & Dioscoride appellent myrobolanum, n’est point les myrobolans des modernes, c’est le gland unguentaria, la noix ben des boutiques, qu’on employoit dans les parfums & les onguens précieux.

Avicenne & Sérapion comptent quatre especes de myrobolans sous le nom de helilége, les citrins, les chébules, les indiens ou noirs, & les chinois. Les modernes ne connoissent point ces derniers, mais ils connoissent cinq sortes de myrobolans, les citrins, les chébules, les indiens, les bellirics, & les emblics : ces cinq especes paroissent être les fruits d’atbres différens, & non d’un même arbre.

Les myrobolans citrins, myrobolani citrinæ off. sont des fruits desséchés, oblongs, gros comme des olives, arrondis en forme de poire, mousses par les deux bouts, de couleur jaunâtre ou citrine. Il regne le plus souvent cinq grandes cannelures d’un bout à l’autre, & cinq autres plus petites, qui sont entre les grandes. L’écorce extérieure est glutineuse, & comme gommeuse, épaisse d’une demi-ligne, amere, acerbe, un peu acre ; elle couvre un noyau d’une couleur plus claire, anguleux, oblong, & comme sillonneux, renfermant une amande très fine : on ne se sert que de l’écorce, ou de la chair qui est séche.

Ces fruits viennent sur un arbre qui est de la grosseur du prunier sauvage, à feuilles conjugées comme celles du frêne ou du sorbier : cet arbre est nommé par Jonston dans sa Dendrologie, arbor myrobolanifera, sorbi foliis, mais nous n’en avons aucune description.

Les myrobolans chébules, myrobolani chebulæ off. sont des fruits desséchés, semblables aux citrins, plus grands, imitant mieux la forme des poires, & pareillement relevés de cinq côtés : ils sont rides, d’une couleur presque brune en-dehors, d’un roux noirâtre en-dedans ; ils ont le même goût que les myrobolans citrins, mais leur pulpe est plus épaisse, & renferme un gros noyau anguleux, creux, qui contient une amande grasse, oblongue, du même goût que celle des précédens.

L’arbre qui porte ces fruits a des feuilles simples, non conjugées, & semblables à celles du pêcher : il s’appelle arbor myrobolanifera persicæ folio. Dans Jonston Dendrol. la description de cet arbre nous manque. L’arbre que Veslingius dans ses notes sur Prosper Alpin décrit sous le nom d’arbre qui porte les myrobolans chébules, & qu’on cultive au grand Caire, n’est point celui de Jonston, car outre que ses rameaux sont garnis de longues épines pointues, ses feuilles different entierement de celle du pêcher, puisqu’elles sont deux-à-deux sur une queue commune, arrondies & terminées en pointe mousse.

Les myrobolans indiens ou noirs, myrobolani indicæ, seu nigræ, off. sont des fruits desséchés, plus petits que les citrins, oblongs, de la longueur de neuf lignes, larges de quatre ou cinq, ridés plûtôt que cannelés, mousses aux deux extrémités, noirs au-dehors, brillans en-dedans comme du bitume ou de la poix solide, & creusés intérieurement d’un sillon : c’est par cette raison qu’ils paroissent plûtôt des fruits qui ne sont pas mûrs, que des fruits parfaits, car cette cavité semble destinée à recevoir l’amande, & en effet, on en trouve une imparfaite dans quelques-uns. Ils ont un goût un peu acide, acerbe, méle de quelque amertume, avec une certaine âcreté qui ne se fait pas d’abord sentir. Ils s’attachent aux dents, & excitent la salive. On trouve quelquefois dans les boutiques, parmi ces myrobolans, d’autres fruits plus anguleux & plus grands, renfermant un noyau ; on soupçonne que ce sont aussi des myrobolans indiens, mais qui sont mûrs.

L’arbre qui les porte est de la grosseur du prunier sauvage ; ses feuilles sont semblables à celles du saule. Il s’appelle arbor myrobolanifera, salicis folio, dans Jonston Dendrol. voilà tout ce que nous en savons.

Les myrobolans bellirics, myrobolani belliricæ, off. sont des fruits arrondis, un peu anguleux, de la figure & de la couleur de la noix muscade, tirant sur le jaune, presque de la longueur d’un pouce, environ de dix lignes de largeur, se terminant en un pédicule un peu gros. Son écorce est amere, austere, astringente, épaisse d’une ligne, molle, contenant un noyau de couleur plus claire, dans la cavité duquel se trouve une amande semblable à une aveline, arrondie & pointue.

L’arbre qui les porte est appellé arbor myrobolanus, sauli folio, subcinericio, dans Jonston Dendrol. Il a les feuilles de laurier, mais elles sont plus pâles, & de la grandeur de celles du prunier sauvage ; c’est toute la description que nous en avons.

Les myrobolans emblics, myrobolani emblicoe, off. sont des fruits desséchés, presque sphériques, à six angles, d’un gris noirâtre, gros comme des noix de galle, & quelquefois davantage ; ils contiennent sous une pulpe charnue, qui s’ouvre en huit parties en murissant, un noyau léger, blanchâtre, de la grosseur d’une avéline, anguleux, divisé en trois cellules. On nous apporte le plus souvent les segmens de la chair ou de la pulpe desséchée. Ils sont noirâtres, d’un goût aigrelet, austere, mêlé d’un peu d’âcreté ; l’arbre qui les porte est nommé par Jonston, arbor myrobolanifera foliis minutim incisis.

Non-seulement cet arbre surpasse les autres par sa hauteur, mais il en differe par la figure de ses feuilles, qui sont petites, & découpées fort menu, on n’en trouve aucune description exacte : de-là vient que Dale prend cette espece de myrobolanier pour le nilicamara, & Ray pour le tanus du jardin de Malabar.

Tous les myrobolans que nous venons de décrire, naissent dans les Indes orientales, savoir à Bengale, à Camboge, & dans le Malabar. Les Indiens s’en servent pour tanner le cuir & pour faire de l’encre. Ils purgent légerement, & resserrent en même tems les intestins ; mais la Médecine en fait peu d’usage, parce que nous recevons rarement les myrobolans bien choisis, frais, pesans, & en bon état ; & parce que nous avons nos prunes, nos acacias, nos tamarins, qui méritent à tous égards la préférence. (D. J.)