L’Encyclopédie/1re édition/MUSCADIER

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MUSCADIER, s. m. (Botan. exot.) c’est l’arbre des Indes orientales qui porte le macis & la noix muscade. Voyez Macis ou Muscade (noix).

Il y a deux especes de muscadiers : le muscadier cultivé, & le muscadier sauvage. Le muscadier cultivé est nommé arbor nucem moschatam ferens, ou nux moschata, fructu rotundo, par C. B. P. 407. pala, dans Pison, mant. arom. 173.

C’est un arbre de la hauteur du poirier ; ses branches sont flexibles ; son fruit vient entre les branches comme dans le noisetier ; son bois est moëlleux, & son écorce cendrée.

Les feuilles naissent le plus souvent deux à deux, quoiqu’elles ne soient pas exactement opposées. Elles sont d’un verd foncé en-dessus, blanchâtres en-dessous, longues d’une palme, lisses, semblables à celles du laurier, terminées par une grande pointe, sans queue. Elles ont une côte dans le milieu qui s’étend d’un bout à l’autre, d’où sortent des nervures obliques qui vont tantôt par paires, tantôt alternativement, jusqu’à la circonférence. Non-seulement ses feuilles fraîches, froissées entre les mains, répandent une odeur pénétrante, mais même elles sont âcres & aromatiques, étant séches.

Les fleurs sont jaunâtres, à cinq pétales, semblables à celles du cerisier. Il leur succede un fruit arrondi, attaché à un long pédicule, semblable à une noix ou à une pêche, dont le noyau est couvert de trois écorces.

La premiere écorce est charnue, molle, pleine de suc, épaisse d’environ un doigt, velue, rousse, parsemée de taches jaunes & purpurines, ainsi que nos abricots ou nos pêches ; elle s’ouvre d’elle-même dans le tems de la maturité, elle est d’un goût acerbe & astringent.

Sous cette premiere écorce, se trouve une enveloppe réticulaire ou plutôt partagée en plusieurs lanieres, d’une substance huileuse, onctueuse & comme cartilagineuse, d’une odeur aromatique, mélée d’un peu d’amertume ; c’est-là ce qu’on appelle le macis.

A-travers les mailles de cette seconde enveloppe, il en paroît une troisieme qui est une coque dure, mince, ligneuse, cassante, & d’un brun roussâtre. Cette coque contient le noyau qui est ovale, sillonné sans ordre, cendré en-dehors, panaché intérieurement de jaunâtre & de rouge brun, d’une excellente odeur, d’une saveur âcre & suave quoiqu’amere ; c’est là la noix muscade même.

Lorsqu’on fait une incision dans le tronc d’un muscadier, ou que l’on en coupe les branches, il en découle un suc visqueux, d’un rouge pâle comme le sang dissous : ce suc devient bien-tôt d’un rouge foncé, & laisse des marques rouges sur la toile que l’on a de la peine à effacer.

Les muscadiers sont presque toûjours chargés en même tems de fleurs & de fruits, dont on fait la récolte en Avril, en Août, & en Décembre.

On ne cultive ces arbres que dans les trois îles de Banda, nommées Néero, où le gouverneur réside ; 2°. Hogeland, qui est proprement Banda ; & 3°. Puloway, situées à quatre degrés au sud de la ligne & d’Amboine, Ces trois îles sont les plus fertiles de celles que possede la compagnie hollandoise, & celles qui lui procurent le plus de profit ; car c’est-là qu’on recueille toutes les noix muscades & le macis, que les habitans apportent aux magasins de la compagnie, & dont elle fait le trafic dans tout le monde. Si les autres îles qui dépendent de Banda & qui sont un peu éloignées, se trouvent avoir quelques muscadiers, on les coupe, on les brûle, on les déracine soigneusement, afin qu’aucune nation ne puisse en avoir du fruit. Ainsi, jusqu’à ce jour, les Hollandois y ont si bien pourvu, qu’ils sont dans l’univers les seuls maîtres de ce commerce.

Ils n’ont laissé subsister dans ces mêmes îles que très-peu de muscadiers sauvages, dont il a plû à quelques botanistes d’appeller le fruit noix muscade mâle. Bauhin nomme le muscadier sauvage, nux mosckata, fructu oblongo ; Pison, palamet-sird, seu nux moschata, mas dicta. Il est plus haut que le muscadier cultivé, moins rameux, & moins feuillu ; mais les feuilles sont plus grandes, longues d’un empan & demi, d’un verd foncé, d’un goût desagréable. Ses fruits sont plus gros, plus charnus, plus solides, plus fermes, donnant un macis sans suc, desséché, pâle, & de mauvais goût. Le noyau est couvert d’une coque dure, ligneuse, épaisse, d’une substance assez semblable à la vûe à celle de la muscade femelle, mais presque sans odeur, & d’un goût disgracieux. (D. J.)