L’Encyclopédie/1re édition/MUSÉE

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MUSÉE, s. m. (Gram.) lieu de la ville d’Alexandrie en Egypte, où l’on entretenoit aux dépens du public, un certain nombre de gens de lettres distingués par leur mérite, comme l’on entretenoit à Athenes dans le Prytane les personnes qui avoient rendu des services importans à la république. Le nom des Muses, déesses & protectrices des beaux Arts, étoit incontestablement la source de celui du musée.

Le musée situé dans le quartier d’Alexandrie appellé Bruchion, étoit selon Strabon, un grand bâtiment orné de portiques & de galeries pour se promener, de grandes salles pour conférer des matieres de Littérature, & d’un sallon particulier où les savans mangeoient ensemble. Cet édifice étoit un monument de la magnificence des Ptolemées amateurs & protecteurs des Lettres.

Le musée avoit ses revenus particuliers pour l’entretien des bâtimens & de ceux qui l’habitoient. Un prêtre nommé par les rois d’Egypte, y présidoit. Ceux qui demeuroient au musée, ne contribuoient pas seulement de leurs soins à l’utilité de la bibliotheque ; mais encore par les conférences qu’ils avoient entr’eux, ils entretenoient le goût des belles-Lettres, & excitoient l’émulation ; nourris & entretenus de tout ce qui leur étoit nécessaire, ils pouvoient se livrer tout entiers à l’étude. Cette vie heureuse & tranquille étoit la récompense, & en même tems la preuve du mérite & de la science.

On ne sait positivement si le musée fut brûlé dans l’incendie qui consuma la bibliotheque d’Alexandrie, lorsque Jule-Cesar assiégé dans le Bruchion, fut obligé de mettre le feu à la flotte qui étoit dans le port voisin de ce quartier. Si le musée fut enveloppé dans ce malheur, il est certain qu’il fut rétabli depuis ; car Strabon qui écrivoit sa géographie sous Tibere, en parle comme d’un édifice subsistant de son tems.

Quoi qu’il en soit, les empereurs romains devenus maîtres de l’Egypte, se réserverent le droit de nommer le prêtre qui présidoit au musée, comme avoient fait les Ptolemées.

L’empereur Claude fonda encore un nouveau musée à Alexandrie, & lui donna son nom. Il ordonna qu’on y lût alternativement les Antiquités d’Etrurie, & celles des Carthaginois, qu’il avoit écrites en grec. Il y avoit donc des leçons réglées & des conférences faites par des professeurs, très fréquentées, & auxquelles les princes même ne dédaignoient point d’assister. Spartien nous apprend qu’Hadrien étant venu à Alexandrie, y proposa des questions aux philosophes, & répondit à celles qu’ils lui firent, & qu’il accorda des places dans le musée à plusieurs savans.

La ville d’Alexandrie s’étant révoltée sous l’empire d’Aurelien, le quartier du bruchion où étoit aussi la citadelle, fut assiégé, & le musée détruit. Depuis ce tems-là le temple de Serapis & son musée furent la demeure des livres & des savans. Mais sous Théodore, Théophile patriarche d’Alexandrie, homme ardent, fit démolir & le temple & le musée ; ensorte que la réputation de cette derniere école fut tout ce qui en subsista jusqu’à l’année 630 de Jesus-Christ, que les Sarrasins brûlerent les restes de la bibliotheque d’Alexandrie. Mém. de l’Acad. tome IX.

Le mot de musée a reçu depuis un sens plus étendu, & on l’applique aujourd’hui à tout endroit où sont renfermées des choses qui ont un rapport immédiat aux arts & aux muses. Voyez Cabinet.

Le musée d’Oxford, appellé musée ashmoléen, est un grand bâtiment que l’Université a fait construire pour le progrès & la perfection des différentes sciences. Il fut commencé en 1679 & achevé en 1683. Dans le même tems, Élie Ashmole, écuyer, fit présent à l’université d’Oxford d’une collection considérable de curiosités qui y furent acceptées, & ensuite arrangées & mises en ordre par le docteur Plott, qui fut établi premier garde du musée.

Depuis ce tems, cette collection a été considérablement augmentée, entr’autres d’un grand nombre d’hiéroglyphes, & de diverses curiosités égyptiennes que donna le docteur Huntingdon, d’une momie entiere donnée par M. Goodgear, d’un cabinet d’histoire naturelle dont M. Lister fit présent, & de diverses antiquités romaines, comme autels, médailles, lampes, &c.

A l’entrée du musée, on lit cette inscription : Musœum ashmoleanum, Schola naturalis historiæ, Officina chimica.

Musée, (Géog. anc.) colline de l’Attique dans la ville d’Athenes. On la trouve aujourd’hui au sud-ouest de la citadelle. Cette colline avoit tiré son nom de l’ancien poëte Musée fils d’Eumolpus. Une inscription trouvée par Spon dans ce même lieu, dit que le tombeau de ce poëte étoit au port Phalere ; & Pausanias écrit qu’il étoit à la colline musée. L’Illissus passe au pié de cette colline ; mais il est presque toujours sec dans cet endroit, à moins que les pluies ou les neiges du mont Hymette ne lui fournissent de l’eau, car les Turcs en ont détourné le lit. Ce n’est pas de cette colline d’Athènes, mais du fameux bâtiment d’Alexandrie, que l’on a pris l’usage de nommer musœum le cabinet des gens de lettres, ainsi que tous les lieux où l’on s’applique à la culture des sciences & des beaux Arts. (D. J.)