L’Encyclopédie/1re édition/MURAILLE

MURAILLE, s. f. (Maçonnerie.) il se dit de toute élévation en pierre, ou en moilon, ou en brique, ou en plâtre, qui forme la cage ou la clôture d’une maison, d’un jardin, d’un espace, quel qu’il soit. Il y a des murailles de clôture, des murs muoyens, des murs de refend, des murs en l’air, des murs en allée, coupé en décharge, de douve, sans moyen, de parpin, plante, en surplomb, déversé, &c.

Muraille, s. f. (Minéralog.) c’est ainsi que les ouvriers des mines de France nomment la pierre ou le banc de terre, de table ou de roche qui sert d’appui à un filon métallique ou à une couche de charbon de terre. Cette partie s’appelle aussi le sol. Voyez Filon.

Muraille de Cesar, (Géogr. anc.) Murus Cæsaris ; muraille dont parle César dans ses commentaires, liv. I. ch. viij. Quelques-uns croient encore en trouver des vestiges entre le lac de Geneve du côté de Nyon & le mont Jura ; d’autres veulent que ce mur ait été au-delà du Rhône, entre le lac de Genève & le pas de Cluze, dans l’endroit où le mont Jura traverse le Rhône, & continue dans la Savoie. Cette derniere opinion paroît mieux convenir au texte de Cesar. (D. J.)

Muraille de la Chine, (Architect. ancienne.) fortification de l’empire Chinois, monument supérieur par son immensité aux pyramides d’Egypte, quoique ce rempart n’ait pas empêché les Tartares Mantcheoux de subjuguer la Chine. Cette grande muraille, qui séparoit & défendoit la Chine des Tartares, bâtie 137 ans avant l’ere chrétienne, subsiste encore dans un contour de 500 lieues, s’éleve sur des montagnes, descend dans des précipices, & a presque par-tout 20 de nos piés de largeur, sur plus de trente de hauteur. (D. J.)

Muraille des Pictes, (Hist. anc.) c’étoit un ouvrage des Romains très-célebre, commencé par l’empereur Adrien, sur les limites septentrionales d’Angleterre, pour empêcher les incursions des Pictes & des Ecossois. Voyez Muraille.

Ce n’étoit d’abord qu’une muraille gasonnée, fortifiée de palissades ; mais l’empereur Severe étant venu en Angleterre, la fit bâtir de pierres solides. Elle s’étendoit huit milles en longueur, depuis la mer d’Islande jusqu’à la mer d’Allemagne, ou depuis Carlisle jusqu’à Newcastle, avec des guérites & des corps-de-garde à la distance d’un mule l’un de l’autre.

Les Pictes la ruinerent plusieurs fois, & les Romains la réparerent ; enfin Ætius, un général romain, la fit construire en brique, & les Pictes l’ayant détruite l’année suivante, on ne la regarda plus que comme une limite qui séparoit les deux nations.

Cette muraille étoit épaisse de huit piés, haute de douze, à compter du sol ; elle s’alongeoit sur le côté septentrional des rivieres de Tyne & d’Irthing, passant par dessus les collines qui se trouvoient sur son chemin. On peut encore en voir aujourd’hui les vestiges en différens endroits de Cumberland & de Northumberland.

Muraille, (Maréchall.) c’est les murs du manege, & ce qu’on appelle le dehors dans certaines occasions. Voyez Dehors. Passéger la tête à la muraille, voyez Passeger. Porter la main à la muraille, aller droit à la muraille, arrêter droit à la muraille, sont différentes actions que le cavalier fait faire à son cheval pour l’assouplir. Voyez Assouplir.

Muraille, (Géogr. anc.) en latin murus, en grec τεῖχος ; mais le mot grec désigne une maison fortifiée, que nous appellerions aujourd’hui château.

Les anciens ont bâti des murailles extraordinaires, pour mettre leurs frontieres à l’abri des invasions subites. Telle étoit la muraille que les empereurs de Constantinople firent élever pour garantir cette ville & ses environs des incursions des Barbares. Telle étoit la muraille qui fermoit l’entrée du Péleponnese ou de la Morée, du côté de l’Isthme. Telles étoient celles qui embrassoient tout le Pirée & le joignoient à Athènes ; on les nommoit μαϰρὰ τείχη : elles étoient longues de 40 stades, qui font cinq mille pas, hautes de 40 coudées, & si larges, que deux chariots y pouvoient passer de front. On n’avoit employé à leur construction que de grosses pierres de taille jointes ensemble avec du fer & du plomb fondu. Ce fut Cimon qui en jetta les fondemens, au rapport de Plutarque, & Périclès les fit achever. Il faut encore mettre au rang des fortifications de ce genre les deux fameuses murailles qui séparoient l’Angleterre soumise aux Romains du reste de l’île, dont les habitans refusoient de se soumettre. Telle est enfin de nos jours la grande muraille de la Chine. (D. J.)