L’Encyclopédie/1re édition/MOLY

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MOLY, (Botan. exot.) nom d’une plante qu’Homere a rendue célebre, & que les Botanistes de tous les âges ont tàché de connoître. Ce n’est pas sûrement la rue sauvage, comme le pensent les interpretes de ce poëte ; mais Théophraste semble avoir rencontré juste quand il assure que le moly d’Homere abondoit en Arcadie ; que cette plante avoit une longue racine bulbeuse, & des feuilles épaisses & vertes comme celles de l’oignon. Pline au contraire a rassemblé toutes les contradictions qui avoient été débitées par ses prédécesseurs sur le moly, & il a fait dire à Théophraste tout l’opposé de ce que cet habile auteur avoit écrit.

Comme les médecins d’Italie se persuadent que le moly d’Homere croissoit dans la campagne de Rome, Pline adopte leur idée, & raconte qu’on lui avoit apporté une racine de moly, qu’on avoit tirée avec beaucoup de peine d’entre les pierres & les rochers, & qui avoit néanmoins 30 piés de long, quoiqu’elle ne fût pas entiére. C’étoit vraissemblablement la racine de quelque espece de luzerne sauvage, & non pas la racine d’une plante bulbeuse. Il est vrai qu’Homere dit que la racine du moly étoit difficile à arracher ; mais il avoit été mal instruit à cet égard ; car aucune racine bulbeuse ne s’arrache difficilement. Je trouve encore que Pline donne des fleurs jaunes au moly, tandis qu’Homere déclare qu’elles sont blanches, & c’est un des caracteres essentiels de sa plante, que Théophraste n’a point perdu de vue. Aussi tous nos modernes s’en tiennent à l’opinion de cet ancien botaniste, & rangent le moly d’Homere parmi les aulx : c’est l’espece d’ail nommé allium latifolium lilistorum par Bauhin & Tournefort. Nous pourrions l’appeller le grand moly.

Cette plante pousse de sa racine cinq feuilles longues d’un à deux piés, larges de deux ou trois pouces, épaisses, pointues, vertes, couvertes d’une poudre qui n’est pas adhérente. Il s’éleve d’entre ces feuilles une tige à la hauteur de trois ou quatre piés, ronde, nue, verte, creuse, portant à son sommet un bouquet de petites fleurs à six pétales, pointues, disposées en rond, & blanches comme celles du lis. Lorsque ces fleurs sont passées, il leur succede de petits fruits triangulaires, divisés intérieurement en trois loges, qui contiennent des semences presque rondes, noires, ressemblantes à celle de l’oignon. Sa racine est bulbeuse, grosse ordinairement comme le poing, noire en dehors & blanche en dedans. On cultive cette plante dans les jardins. Elle a peu d’odeur & de force. (D. J.)