L’Encyclopédie/1re édition/MILLE-FEUILLE

MILLE-FEUILLE, mille folium, s. f. (Botan.) genre de plante à fleur radiée, dont le disque est composé de plusieurs fleurons ; la couronne de cette fleur est formée par des demi-fleurons qui sont posés sur des embryons, & soutenus par un calice écailleux, & presque cylindrique. Ces embryons deviennent dans la suite des semences minces. Ajoutez aux caracteres de ce genre que les découpures des feuilles sont très petites, & que les fleurs naissent en bouquets fort serrés. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante.

Tournefort compte neuf especes de ce genre de plante, d’entre lesquelles nous décrirons la commune à fleur blanche, nommée par la plûpart des Botanistes, mille folium vulgare album, & par les Anglois, the common white-flowerd yarrow.

Sa racine est ligneuse, fibreuse, noirâtre, traçante. Elle jette des tiges nombreuses à la hauteur d’un pié ou d’un pié & demi, roides quoique menues, cilyndriques, cannelées, velues, rougeâtres, moëlleuses & rameuses vers leurs sommités. Ses feuilles sont rangées sur une côte, découpées menu, ressemblantes en quelque maniere à celles de la camomille, mais plus roides, aîlées, ou représentant des plumes d’oiseaux, d’une odeur agréable, & d’un goût un peu âcre.

Ses fleurs naissent à la cime des branches, en ombelles ou bouquets fort serrés, ronds. Chaque fleur est petite, radiée, blanche, ou un peu purpurine, odorante, soutenue par un calice écailleux, cilyndrique ou oblong. Lorsque les fleurs sont tombées, il leur succede des semences menues. Cette plante croît presque par-tout, le long des grands chemins, dans les lieux incultes, secs, dans les cimetieres & dans les pâturages. Elle fleurit en Mai, Juin, & pendant tout l’été.

Elle est un peu âcre, amere, & aromatique. Elle rougit considérablement le papier bleu, & ses fleurs donnent par la distillation une huile fine, d’un bleu foncé. Les fleurs de camomille en donnent aussi, mais je ne sache pas d’autres plantes qui aient cette propriété singuliere.

On regarde avec raison la mille feuille comme vulnéraire & astringente ; en conséquence on l’emploie intérieurement pour arrêter toutes sortes d’hémorrhagies. Dans ces cas, l’expérience a prouvé qu’une forte décoction (& non pas une simple infusion) de toute la plante, racine & feuilles, est la meilleure méthode. On applique cette décoction, ou la plante fraichement pilée, sur les plaies ou sur les coupures, & elle y fait des merveilles ; d’où vient qu’on appelle vulgairement la mille feuille, l’herbe aux voituriers, aux charpentiers, parce qu’elle n’a pas moins de vertu pour arrêter le sang des coupures, que la brunelle, la grande consoude, l’orpin, & quelques autres plantes employées à cet usage. (D. J.)

Mille-feuille, (Chimie, Pharmac. & Mat. méd.) cette plante a une odeur forte, & une saveur un peu âcre & amere ; elle donne dans la distillation avec l’eau une petite quantité d’huile essentielle de couleur bleue ; elle est analogue en cela avec la camomille, avec laquelle elle a d’ailleurs les plus grande rapports. M. Cartheuser observe que l’huile de mille feuille n’a cette couleur bleue que lorsque la plante d’où on l’a retirée avoit cru dans un terrein fertile & chargé d’engrais, & que celle qui étoit fournie par la même plante, qu’on auroit cueillie dans un lieu sec & sablonneux, étoit jaunâtre.

On emploie en Médecine les fleurs & l’herbe de cette plante : chacune de ces parties fournit les mêmes principes & dans la même proportion ; selon les analyses de Cartheuser & de Neuman, seulement l’herbe les donne en plus grande quantité.

La mille-feuille tient un rang distingué parmi les plantes vulnéraires, résolutives & astringentes ; elle est célébrée encore comme anti-épileptique, fébrifuge, bonne contre l’asthme, anti-pestilentielle, propre à prévenir l’avortement ; mais son usage le plus ordinaire, soit intérieur, soit extérieur, est contre les hémorrhagies, les plaies & les ulceres ; encore ce dernier emploi est-il absolument sorti hors du sein de l’art, comme presque toutes les applications de plantes dans ces cas, qui ne sont plus pratiquées que par les paysans & les bonnes femmes. La mille-feuille se donne intérieurement ou en en faisant bouillir une petite poignée dans du bouillon, ou sous forme d’infusion théiforme. On peut aussi la réduire en poudre, & la dose en est d’environ deux gros.

Fr. Hoffman nous a laissé une longue dissertation sur la mille-feuille, qu’il vante principalement contre les affections spasmodiques, qui sont accompagnées de vives douleurs ; & c’est là la seule chose qu’il assure d’après sa propre expérience ; il ne fonde toutes les autres merveilles qu’il en publie que sur le témoignage des auteurs, entre lesquels on peut distinguer Sthaal, qui en célebre beaucoup l’usage contre la passion hypochondriaque. On retire une eau distillée simple de la mille-feuille, qu’on prétend posséder éminemment ses vertus antispasmodiques, nervines, utérines, sédatives, &c.

On prépare un sirop avec le suc, & ce sirop renferme à peu près les mêmes propriétés que l’infusion, & sur-tout celles qui dépendent principalement des parties fixes, savoir la vertu vulnéraire astringente, résolutive, mondifiante, &c.

Les feuilles de cette plante entrent dans la composition de l’eau vulnéraire, du baume vulnéraire, & de l’onguent mondificatif de cepio. (b)