L’Encyclopédie/1re édition/MANTOUAN, le

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MANTOUAN, le, (Géogr.) pays d’Italie en Lombardie le long du Po, qui le coupe en deux portions. Son nom lui vient de Mantoue sa capitale ; ses bornes sont au septentrion, la Véronese ; au midi, les duchés de Reggio, de Modene & de la Mirandole ; à l’orient, le Ferrarois ; à l’occident, le Crémonois & le Bressan. Son étendue irréguliere peut avoir en quelques endroits 35 milles, en d’autres seulement 6 ou 7 ; celle de l’est à l’ouest est d’environ 60 milles dans sa plus grande largeur ; il comprend les duchés de Mantoue, de Guastalla & de Sabioneta, les principautés de Castiglione, de Solferino & de Bozolo, & le comté de Novellara. (D. J.)

Mantoue, le duché de, (Géog.) Il occupe la plus grande partie du Mantouan, & tout ce qui a été donné en apanage aux cadets de cette maison. Ainsi le domaine de Charles IV. dernier duc de Mantoue, consistoit d’un côté dans le Mantouan, diminué par le partage entre les diverses branches de sa maison, & de l’autre en une partie du Montferrat. L’empereur s’est à-peu-près saisi du total en 1710, malgré les plaintes des héritiers ; la raison du plus fort est toujours la meilleure : ensuite il s’est accommodé du Montferrat avec le roi de Sardaigne qui possédoit déjà une portion considérable de cette province. (D. J.)

Mantoue, Mantua, (Géog.) ancienne ville d’Italie, dans la Lombardie, capitale du duché auquel elle donne le nom, avec un archevêché, une université, & une bonne citadelle.

Mantoue, si l’on en croit Eusebe, est une des anciennes villes du monde, & avoit été bâtie 430 ans avant Rome. Virgile pour l’ennoblir encore davantage, déclare qu’elle fut fondée par Œnus fils du Tibre, & de la devineresse Manto, & qu’il la nomma du nom de sa mere.

Pline la place dans l’Istrie, & insinue qu’elle appartenoit aux Toscans.

Après la décadence de l’empire romain. Mantoue fut envahie par les Lombards, & ensuite conquise sur ceux-ci par Charlemagne : sous les descendans de cet empereur, l’Italie étant devenue le partage de divers princes, Mantoue passa de tirans en tirans, jusqu’à Louis de Gonzague, qui s’y établit en 1328. Son petit-fils Jean François fut créé marquis de Mantoue par l’empereur, en 1433 ; & Frédéric II. en fut fait duc par Charles-quint, en 1530. L’alliance de la France que le dernier duc de Mantoue crut devoir préférer à celle de la maison d’Autriche, devint fatale à ce prince dans la guerre de 1700. Il fut contraint de se retirer dans l’état de Venise où il mourut en 1708. L’empereur s’empara de sa succession, que les ducs de Lorraine & de Guastalla se disputoient.

Il y avoit déjà long-tems que le palais du duc de Mantoue, si renommé par ses ameublemens précieux, ses peintures, ses statues, ses vases, & ses autres raretés, avoit été pillé par les Impériaux, dans le sac de cette ville, en 1630.

Mantoue est bâtie dans un terrein bas & ferme, sur un côté du marais formé par le Mincio, & qui est dix fois plus long que large, à 14 lieues N. O. de Modène, & 36 N. O. de Florence. Long. selon de la Hire & Desplaces, 28. 30. 30. lat. 45. 11.

Mais cette ville est à jamais fameuse dans les écrits des anciens & des modernes, pour avoir donné la naissance à Virgile qui dit lui-même dans ses Géorgiques, l. III. ℣ xij.

Primus idumæas referam tibi Mantua palmas,

Et viridi campo templum de marmore ponam.

Marone felix Mantua, s’écrie Martial ! & Silius Italicus en fait ce magnifique éloge, en disant :

Nectat adoratas & Smyrna, & Mantua lauros.

Toutefois Virgile n’étoit pas né dans la ville de Mantoue, mais dans un village voisin nommé Andes, aujourd’hui Petula. Nous parlerons de l’excellence de sa muse, à l’article Poetes latins.

Il suffit de remarquer ici qu’il est ridicule que la majesté de l’Enéide ait été travestie par Scarron en burlesque, & décousue par des modernes pour former d’autres sens, en donnant aux vers du prince des poëtes, d’autres arrangemens.

Cependant Capilupi (Lélio), né à Mantoue en 1498, s’est rendu célebre en employant ses talens à se jouer des vers de Virgile, pour décrire satyriquement l’origine des moines, leurs regles & leur vie ; car voilà ce que c’est que le centon virgilien de Capilupi, dont tout le monde connoît le passage suivant :

Non absunt illi saltus, armentaque læta ;
Celati argenti sunt, aurique multa talenta.
Sacra Deûm, sanctique patres, & chara sororum
Pectore merentum tenebris, & carcere cæco
Centum ærei claudunt vectes ; & sæpè sine ullis
Conjugiis, vento gravidæ, mirabile dictu !
Religione sacræ ! Non hæc sine numine Divûm !
Jam nova progenies cœlo dimittitur alto ;
Credo equidem, nec vana fides, genus esse Deorum.

On vante ce morceau entre plusieurs autres comme très-heureux & très-ingénieux ; mais il est encore plus méchant ; & certainement Capilupi pouvoit mieux employer son esprit & ses veilles : il mourut dans sa patrie en 1560. (D. J.)