L’Encyclopédie/1re édition/LAURIER

Daubenton (
(Tome 9p. 316-321).
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LAURIER, laurus, s. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur monopétale, faite en forme de bassin & découpée ; il sort du fond de la fleur un pistil qui devient dans la suite un fruit en forme d’œuf ou une baie ; il y a sous l’écorce de cette baie une coque qui renferme une semence presque de la même forme que la baie. Tournefort. Inst. rei. herb. V. Plante.

Le laurier est un arbrisseau dont il y a différens genres qui se divisent en plusieurs especes ou variétés. Par le mot laurier simplement, on entend ordinairement l’espece de laurier qui a été connue dans la plus haute antiquité, & que l’on nomme laurier-franc, laurier commun ou laurier-jambon, & en Bourgogne laurier-sauce ; mais il y a encore plusieurs autres arbrisseaux, auxquels on donne aussi le nom de laurier, quoique d’un genre tout différent, & quoiqu’il n’aient aucune analogie ni ressemblance avec le laurier-franc ; tels sont le laurier-royal, le laurier-cerise, le laurier-tin, le laurier-rose, le laurier-alexandrin ; tous ces arbrisseaux ont une qualité qui leur est commune : ils sont toujours verds ; mais il y a tant de différence dans leur culture, leur tempérament & leurs propriétés, dans la façon de les multiplier, de les cultiver & conduire, qu’il faut traiter de chacun séparément.

Le laurier-franc est connu de tout le monde. C’est un arbre toujours verd, de moyenne grandeur, qui se plaît dans les pays chauds : on le trouve communément en Grece & en Italie. Il ne s’éleve dans nos provinces septentrionales qu’à environ vingt piés ; mais plus ordinairement, on ne l’y voit que sous la forme d’un arbrisseau. Il prend une tige droite & sans nœud, dont l’écorce est brune & unie ; ses feuilles sont entieres, luisantes & fermes ; elles sont placées alternativement sur les branches & de la plus belle verdure. Ses fleurs d’un blanc jaunâtre, ont peu d’agrément ; elles paroissent au commencement de Mai, & elles durent près d’un mois. Les fruits qui leur succedent, sont de la grosseur d’une petite cerise ; ce sont des baies oblongues, vertes au commencement & noires en murissant ; elles sont odorantes, aromatiques, huilleuses & ameres au goût. Cet arbre vient dans tous les terreins ; mais il se plaît sur-tout dans une terre fraîche, bien substantielle, & il aime l’ombre. On peut le multiplier de semences, de branches couchées & de boutures. Ce dernier moyen est aussi long qu’incertain ; on avance un peu plus en couchant les branches, mais elles ne produisent que des plans défectueux & languissans ; il vaut mieux semer, c’est la voie la plus courte, la plus sure & la plus satisfaisante à tous égards. Il faut cueillir les baies du laurier au mois de Janvier, qui est le tems de leur maturité. On peut les semer tout de suite, ou les mettre dans du sable pour attendre le mois de Mars. On fera bien de les faire tremper dans l’eau pendant vingt-quatre heures avant de les semer. Dans ce dernier cas, elles leveront au bout de deux mois : les jeunes plants prendront cette premiere année trois ou quatre pouces de hauteur, & la plûpart s’éleveront l’année suivante à environ un pié. Alors ils seront plus en état qu’à tout autre âge, d’être transplantés dans la place qu’on leur destine. Pendant les trois ou quatre premieres années, l’hiver est un tems bien critique pour ces arbres ; il faudra avoir grand soin de les couvrir de paille dans cette saison, & sur-tout durant le hâle de Mars qui est le fléau des arbres toujours verds, lorsqu’ils sont jeunes ou nouvellement transplantés. Le laurier est peut-être de tous les arbres de cette qualité celui qui réussit le moins à la transplantation. Le mois d’Avril est le tems le plus convenable pour cette opération ; c’est-à-dire un peu avant qu’il ne commence à pousser. Si on vouloit en faire des plantations un peu considérables, en avancer le progrès, s’assurer du succès & se procurer de beaux arbres ; il faudroit les semer sur la place & dans l’arrangement où ils devroient rester. Le plus grand agrément qu’on puisse tirer de cet arbre, c’est de le mettre en palissade pour garnir un mur. On fait quelqu’usage des baies du laurier ; elles servent aux teinturiers : on en tire une huile qui est de quelqu’utilité en Médecine ; mais les maréchaux l’appliquent dans bien des cas. Ses feuilles, lorsqu’elles sont seches, entrent dans plusieurs ragoûts de la vieille cuisine. Il y a plusieurs variétés de cet arbre. Le laurier à larges feuilles, qui est le plus robuste de tous : le laurier à fleur double, dont la rareté fait le mérite : le laurier à feuilles ondées, minutie dont on fait peu de cas : & le laurier à feuilles panachées de jaune, qui a plus d’agrément que les autres, mais aussi il est plus délicat ; il faut le traiter comme les arbrisseaux de l’orangerie. On peut le multiplier par la greffe comme les autres variétés.

Le laurier-cerise est un bel arbre de moyenne grandeur, qui est toujours verd : il nous est venu de la Natolie en Turquie, son pays naturel, il y a environ deux cens ans. On ne voit guere ce laurier sous la forme d’un arbre dans la partie septentrionale de ce royaume, parce qu’il n’est pas assez robuste pour y prendre tout son accroissement ; & comme on est réduit à le tenir en palissade à des expositions qui lui conviennent, on ne le connoît que sous la forme d’un arbrisseau. Il pousse des tiges assez droites, grosses & fermes. Son écorce est brune & unie sur le vieux bois, mais elle est d’un verd jaunâtre sur les nouvelles branches. Ses feuilles sont grandes, oblongues, unies, douces & fermes au toucher, d’un verd tendre des plus brillans. Ses fleurs paroissent au commencement de Mai ; elles sont blanches, sans odeur, & disposées en longues grappes. Les fruits qui en viennent sont rouges, charnus, & ressemblent à une cerise ; ce qui a fait donner à l’arbre le nom de laurier-cerise : ils sont doux, assez agréables au goût ; on peut les manger sans inconvénient. Cet arbre s’accommode de tous les terreins, pourvû qu’il y ait de la profondeur, de la fraîcheur & de l’ombre. Il se plaît sur-tout parmi les autres arbres. Il croît très promptement, il lui faut peu de culture, & il se multiplie aisément de semence, de branches couchées, de boutures, & par les rejettons qui croissent au pié des vieux arbres. On seme les noyaux du fruit en automne, les branches couchées se font au printems, & les boutures au mois de Juillet : par ce dernier moyen on peut avoir au bout de quatre ans des plans de 8 à 9 piés de haut. Cet arbre réussira difficilement à la transplantation, si les plants sont âgés de plus de deux ou trois ans. L’automne est le tems le plus propre à cette opération. Suivant les auteurs anglois qui ont écrit sur la culture des arbres, le laurier-cerise se greffe sur le cerisier, & il forme un bel arbre ; cependant par quantité d’épreuves que j’ai vû faire à ce sujet, cette greffe ne réussit que pendant deux ou trois années, & souvent dès la seconde la greffe meurt avec le sujet. Ce laurier n’est pas assez robuste pour résister au froid dans des places isolées ; il seroit souvent exposé dans ce cas à être mutilé par les gelées des hivers rigoureux, & même à être desséché jusqu’au pié. Il est vrai que ses racines donnent de nouveaux rejettons, mais cela ne dédommage pas suffisamment. Le meilleur parti qu’on en puisse tirer pour l’agrément, c’est de le placer dans des bosquets d’arbres toujours verds, où il se fera distinguer par la brillante verdure de son feuillage. On peut aussi en former de hautes palissades contre des murs à l’exposition du nord, il y sera moins sujet à être endommagé par la gelée que s’il étoit placé au midi. La feuille de ce laurier est de quelque usage à la cuisine pour donner au lait & à sa crême un goût d’amandes ameres. Mais la liqueur tirée de ces mêmes feuilles par la distillation, peut produire des effets très-pernicieux. On connoît deux variétés & deux especes différentes de cet arbre ; l’une des variétés a les feuilles panachées de jaune, & l’autre de blanc. Toutes les deux n’ont pas grande beauté. Les autres especes de ce laurier sont le laurier-cerise de la Louisiane ou laurier-amande : cet arbre est encore si rare en France, qu’on ne peut entrer dans un détail circonstancié à son sujet. Il y a lieu de croire qu’il pourra venir en plein air dans ce climat, puisqu’il a déja passé plusieurs hivers en pleine terre dans les jardins de M. le duc d’Ayen à Saint-Germain-en laye. Sa feuille a beaucoup de ressemblance avec celle du laurier-franc, néanmoins elle a l’odeur & le goût de l’amande amere. La seconde espece est le laurier-cerise de Portugal, ou l’azarero des Portugais ; c’est l’un des plus jolis arbrisseaux toujours verds. Il s’éleve bien moins que le laurier-cerise ordinaire ; sa feuille est aussi moins grande, mais elle est d’un verd encore plus brillant : la queue des feuilles & l’écorce des jeunes rejettons sont d’une couleur rougeâtre fort vive. L’arbrisseau se couvre au mois de Juin de grosses grappes de fleurs, dont la blancheur & la douce odeur frappent & saisissent de loin ; & en automne, les fruits ne font pas un moindre agrément lors de leur maturité. L’azarero est plus délicat que l’espece commune ; il lui faut un bon terrein, qui ne soit ni trop sec, ni trop humide, & la meilleure exposition pour résister en pleine terre à nos hivers ordinaires. On peut le multiplier par les mêmes moyens, & aussi facilement que le laurier-cerise commun, sur lequel on peut aussi le greffer. Cet arbrisseau se garnit au pié de beaucoup de branches qui s’étendent & s’inclinent, ensorte qu’il faut le soigner pour lui faire prendre une tige & lui former une tête ; encore en viendra-t-on difficilement à bout, s’il a été élevé de boutures ou de branches couchées ; ce n’est qu’en le faisant venir de semence, qu’on peut l’avoir dans sa perfection. L’azarero est encore rare en France.

Le laurier-rose, arbrisseau toujours verd, d’un grand agrément, & qui est fort connu. Si on le laisse croître sans le conduire, il pousse quantité de tiges de pié qui ne forment qu’un buisson. Il se garnit de beaucoup de feuilles longues, étroites & pointues, elles sont sans dentelures, fort unies en-dessus, mais relevées en-dessous d’une seule nervûre ; elles conservent toujours la même verdure, qui est terne & foncée. L’arbrisseau donne aux mois de Juillet & d’Août une grande quantité de fleurs rassemblées par bouquets à l’extrémité des branches, qui sont d’une belle apparence. Lorsqu’elles sont passées, il leur succede de longues siliques qui renferment des semences garnies d’aigrettes, mais ce n’est que dans les années chaudes & bien favorables que cet arbrisseau donne de la graine dans ce climat. Il faut soigner ce laurier dans sa jeunesse pour lui faire prendre une tige droite ; & il ne faut pas moins d’attention par la suite pour lui former une tête par rapport à l’irrégularité qu’il contracte naturellement. On connoît à présent sept especes différentes de cet arbrisseau ; comme elles ne sont pas également robustes, il sera plus convenable de les traiter séparément, & d’en faire deux classes. La premiere comprendra ceux qui exigent moins de précaution pour passer les hivers ; tels sont le laurier-rose ordinaire à fleurs rouges, celui à fleurs blanches, & celui dont les fleurs sont mêlées de rouge & de blanc ; il faut à ces arbrisseaux les mêmes ménagemens que pour les grenadiers, c’est-à-dire, qu’il faut les serrer pendant l’hiver, & que la plus mauvaise place de l’orangerie leur suffit : il est vrai qu’on en a vû dans le climat de Paris qui ont passé plusieurs hivers de suite en plein air ; mais les plants qu’on avoit ainsi exposés en ont été quelquefois si endommagés & si fatigués, qu’ils perdoient beaucoup de leur agrément. L’usage est de les tenir ou dans des pots ou dans des caisses, & c’est le meilleur parti. Rien de plus aisé que de multiplier ce laurier, soit par les rejettons qu’il produit au pié, soit en semant ses graines, soit en couchant des jeunes branches, ou en greffant ses especes les unes sur les autres. Tous ces moyens sont bons, si ce n’est que celui de semer sera le plus difficile & le plus long. Le commencement d’Avril est le tems propre pour faire les branches couchées ; il sera presque égal de ne les faire qu’au mois de Juillet, elles feront des racines suffisantes pour être transplantées au printems suivant. Il faut à ces arbrisseaux beaucoup d’eau pendant l’été, sans quoi ils feroient peu de progrès, & ne produiroient pas beaucoup de fleurs. Si l’on veut même en tirer tout le parti possible, c’est de les ôter des caisses, & de les mettre en pleine terre pendant toute la belle saison jusqu’au 20 d’Octobre qu’il faudra les remettre dans leur premier état ; on leur donne par ce moyen de la vigueur, de la durée, de la hauteur, & infiniment plus de beauté. Les lauriers-rose de la seconde classe sont infiniment plus délicats que ceux dont on vient de parler, il leur faut une serre chaude pour passer l’hiver & des soins tous différens : ceux-ci sont le laurier rose à fleurs rougeâtres, simples & odorantes, le même à fleurs doubles, celui à fleurs doubles, mêlées de rouge & de blanc, & un autre à grandes fleurs rouges. Ces arbrisseaux viennent de la Nouvelle Espagne, d’où ils ont passé aux colonies angloises d’Amérique, & de-là en Europe. Les deux variétés à fleurs doubles sont de la plus grande beauté ; elles donnent pendant tout l’été de gros bouquets de fleurs très-doubles, dont la vive couleur, l’élégance & la bonne odeur rendent ces arbrisseaux très-précieux. Mais il faut des précautions pour les faire fleurir ; car si on les laisse en plein air pendant l’été, quoique dans la meilleure exposition, ils ne donneront point de fleurs ; il faut absolument les mettre sous des chassis, & les traiter durant cette saison comme les plantes les plus délicates des pays chauds. Ces arbrisseaux, dans les pays d’où on les a tirés, croissent naturellement sur les bords des rivieres & le long des côtes maritimes ; on ne sauroit donc trop recommander de les faire arroser souvent. Du reste on peut les multiplier comme les especes qui sont plus robustes.

Le laurier-tin, arbrisseau toujours verd, l’un des plus jolis que l’on puisse employer pour l’agrément dans les jardins ; il prend de lui-même une tige droite, il se garnit de beaucoup de rameaux, la verdure de son feuillage ne change point ; & quoiqu’un peu brune, elle plaît aux yeux par son brillant ; ses fleurs blanchâtres & sans odeur viennent en ombelles au bout des branches ; elles sont d’un ordre assez commun, mais ce laurier en donne une grande quantité, elles sont de longue durée ; elles paroissent dès que la saison s’adoucit à la fin de l’hiver, & l’arbrisseau en produit encore quelques-unes pendant l’automne. Les fruits qui succedent sont de petites baies d’un noir bleuâtre & luisant, qui renferment chacune une semence presque ronde. Cet arbrisseau n’est nullement délicat sur la qualité du terrein ; & quoique dans les pays où il vient naturellement, comme en Espagne, en Portugal, en Italie & en France, aux environs de Narbonne, il croisse de lui-même dans des lieux escarpés, pierreux & incultes, cependant il se plaira encore mieux dans une terre franche & humide, à l’exposition du nord & à l’ombre des autres arbres ; qualité très-avantageuse dont on pourroit profiter pour former dans des endroits couverts & serrés, des haies, des séparations & des palissades qui s’éleveroient facilement à huit ou dix piés, ou que l’on pourra retenir, si l’on veut, à hauteur d’appui. Il n’y a peut-être aucun arbrisseau que l’on puisse multiplier aussi aisément que celui-ci ; il vient de rejettons, de semence, de branches couchées, de boutures & par la greffe comme bien d’autres : mais on peut encore le multiplier par ses racines, & même en piquant dans la terre ses feuilles, qui font racine assez promptement ; la queue de la feuille fait de petites racines, il s’y forme ensuite un œil qui donne bien-tôt une tige. Il ne faut presque aucune culture à ce laurier, & peu d’attention sur le tems propre à coucher ses branches, ou à en faire des boutures ; tous les tems conviennent pour cela, pourvû que la saison soit douce, & il arrive souvent que les branches qui touchent contre terre y font racine, sans qu’il soit besoin de les couvrir de terre. Si l’on vouloit se procurer une grande quantité de ces arbrisseaux, il faudroit en semer des graines, quoique ce soit le parti le plus long & le plus incertain : le tems de les semer est en automne, aussi-tôt qu’elles sont en maturité. Cet arbrisseau est susceptible de toutes les formes qu’on veut lui faire prendre. Il faut le tailler au printems, après que les fleurs sont passées ; si on le faisoit plûtôt, on supprimeroit les fleurs de l’arriere saison. La serpette convient mieux pour cette opération que le ciseau qui dégrade les feuilles. Sa transplantation demande des précautions, il participe en cela du défaut qui est commun aux arbres toujours verds, qui reprennent difficilement. La meilleure saison de le transplanter est au commencement d’Avril, immédiatement avant qu’il ne pousse ; on ne peut être assuré de la reprise que quand on a enlevé ces arbrisseaux avec la motte de terre. On doit les arroser souvent, & les tenir couverts de paille jusqu’à ce qu’ils commencent à pousser. Ce laurier n’est pas aussi robuste qu’on pourroit le desirer ; il est quelquefois endommage par les hivers rigoureux, mais il s’en releve aisément.

Les différentes especes de ce laurier que l’on connoît jusqu’à présent, sont 1°. le laurier ordinaire. Sa fleur est blanche, & ses feuilles sont d’un verd luisant en-dessus, mais qui est terne en-dessous.

2°. Le laurier-tin ordinaire à feuilles panachées de blanc. C’est une belle variété qui est fort rare.

3°. Le laurier-tin ordinaire à feuilles d’un verd brun très-luisant. Ses fleurs sont plus grandes, & ont plus d’apparence que celles des autres especes, mais il fleurit plus tard, & il est un peu moins robuste.

4°. Le laurier-tin à feuilles rudes & à fleurs purpurines. Il est plus branchu que les précédens, ses feuilles sont plus étroites & plus longues ; l’écorce des jeunes rejettons est rougeâtre.

5°. Le laurier-tin à petites feuilles. Cette espece s’éleve moins que les autres ; il se garnit de beaucoup plus de feuilles, & son fruit est bien plus âcre & plus brûlant à la bouche que celui des especes précédentes. Les deux dernieres especes sont plus robustes que les autres, fleurissent plutôt, & donnent une plus grande quantité de fleurs.

6°. Le laurier-tin à feuilles rudes panachées de jaune & à fleurs purpurines. Cette variété est de la plus grande beauté ; elle est encore très-rare.

On observe que les deux variétés panachées ne sont pas assez robustes pour passer les hivers en pleine terre, & qu’il faut les mettre dans l’orangerie.

Le laurier royal ou laurier des Indes, arbre toujours verd, dont le feuillage fait toute la beauté. Il est trop délicat pour passer les hivers en plein air dans ce climat : il faut le traiter comme les orangers. Il prend de lui-même une tige tort droite ; il se garnit de quantité de feuilles assez ressemblantes à celles du laurier-cerise, mais plus grandes & moins brillantes ; ses fleurs sont blanches, & viennent en gros bouquets ; elles n’ont point d’odeur, & il n’y a nul goût aromatique dans toutes les parties de cet arbre. On le cultive beaucoup dans le Portugal, où on l’emploie à faire des allées. Il vient aisément de graines qui ne mûrissent point dans ce climat, & qu’il faut tirer de Portugal : il demande pour la culture les mêmes soins que l’oranger ; tout ce qu’il y a de particulier pour le laurier royal, c’est qu’il craint la sécheresse, & qu’il lui faut de fréquens arrosemens. On peut aussi le multiplier de branches couchées, qu’il faudra marcoter, & qui n’auront de bonnes racines qu’au bout de deux ans.

Le laurier-alexandrin, c’est une sorte de plante vivace dont les tiges durent deux années, & qui se renouvelle tous les ans à-peu-près comme le framboisier. Ce laurier pousse de bonne heure au printems de nouvelles tiges qui sortent des racines & qui s’élevent à environ deux piés : chaque tige se divise en plusieurs branches, qui sont garnies de feuilles ressemblantes à celles du mirthe à large feuille. Dans la plûpart des especes de ce laurier, la graine sort du milieu de la feuille, & cette graine est une baie de la grosseur d’une petite cerise & d’un rouge assez vif : cette singularité jointe à ce que ce laurier conserve ses feuilles, ses fruits & ses tiges pendant l’hiver suivant, voilà ce qui en fait tout le mérite ; on peut le multiplier de graine, mais il sera plus court & plus aisé d’en tirer du plant en divisant ses racines au printems avant qu’il ne commence à pousser. Cette plante se plaît à l’ombre, & n’exige aucun soin particulier. C’est bien gratuitement qu’on lui a donné le nom de laurier ; elle n’a ni rapport ni ressemblance avec les arbres de ce nom, & elle ne mérite pas d’ailleurs de leur être associée : il y a plusieurs especes de cette plante.

1°. La premiere se nomme fragon, houx, frelon, buits piquant, brusque, housson, houx-fragon, & petit houx en Bourgogne. Elle vient naturellement dans plusieurs provinces de ce royaume ; elle ne s’éleve qu’à un pié environ, & elle est de quelqu’usage en Medecine.

2°. Le laurier-alexandrin à larges feuilles.

3°. Le laurier-alexandrin à feuilles étroites.

Dans ces trois especes les fruits sortent du milieu des feuilles.

4°. Le laurier alexandrin à feuilles étroites, qui porte son fruit à l’extrémité de ses branches. Cette espece s’éleve un peu plus que les autres ; aussi la nomme-t-on le grand laurier-alexandrin.

5°. Le laurier-alexandrin à larges feuilles, dont les fruits viennent aux aisselles des feuilles.

Quoique les quatres dernieres especes soient originaires de l’Egypte, elles résistent très-bien au froid de ce climat : il arrive quelquefois qu’une partie des branches sont flétries dans les hivers rigoureux, mais les racines n’en souffrent point.

6°. Le laurier-alexandrin à larges feuilles, dont le fruit vient sur le bord de la feuille. Cette espece est originaire de Madere : elle n’est pas assez robuste pour passer en pleine terre ; il lui faut l’abri de l’orangerie pendant l’hiver. Elle s’éleve à sept ou huit piés. Article de M. Daubenton.

Laurier-cerise, lauro-cerasus, genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond. Le calice a la forme d’un entonnoir ; il en sort un pistil qui devient dans la suite un fruit mou, assez semblable à une cerise. Il renferme une coque qui contient une semence arrondie. Ajoutez aux caracteres de ce genre le port de la plante. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

Laupier-franc, (Botaniq.) plante du genre du laurier. Voyez Laurier.

Laurier-rose, nerion, genre de plante à fleur monopétale découpée, & presqu’en forme d’entonnoir ; il sort du calice un pistil qui est attaché comme un clou à la partie postérieure de la fleur, & qui devient dans la suite un fruit presque cylindrique, composé de deux graines ou siliques remplies de semences à aigrettes. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

Laurier-tin, tinus, genre de plante à fleur monopétale rayonnée & découpée ; le milieu est percé par l’extrémité du calice, qui devient un fruit en forme d’olive avec un ombilic ; il renferme une semence qui a la figure d’une poire. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

Laurier, (Chymie, Pharm. Mat. med. & Diete.) On se sert indifféremment des deux especes, ou plûtôt des deux variétés de laurier, connues dans les boutiques sous le nom de laurier-franc & de laurier-royal.

Le laurier étoit d’un grand usage dans la pratique des anciens medecins, qui le regardoient comme une espece de panacée. Ils employoient les feuilles, les baies & l’écorce des racines : cette derniere partie est absolument inusitée aujourd’hui ; les feuilles sont assez communément employées pour l’usage extérieur ; on les fait entrer dans les décoctions & les infusions pro fotu ; on emploie aussi la décoction de ces feuilles en lavement pour dissiper la colique : ce secours est cependant peu usité. On les fait entrer aussi dans les especes pour les fumigations, qu’on emploie quelquefois dans les descentes & les relâchemens de matrice, & dans la stérilité des femmes.

Les baies de laurier sont plus employées que les feuilles ; on s’en sert intérieurement & extérieurement ; elles sont regardées comme stomachiques, vulnéraires, résolutives, excitant les urines & les regles ; elles passent sur-tout pour utiles dans les concrétions bilieuses du foie : on peut les ordonner dans ce cas en infusion ou en substance à la dose de trois ou quatre. Appliquées extérieurement elles résolvent & fortifient puissamment, & appaisent les douleurs.

On peut s’appuyer des connoissances que l’analyse chymique nous en fournit, pour établir la réalité de la plûpart de ces vertus. En effet, les baies de laurier contiennent une quantité considérable d’une huile grasse de la nature des huiles par expression (voyez Huile), & une autre huile éthérée & aromatique, qu’on peut séparer de ces baies par une seule & même opération ; savoir, la distillation avec l’eau ; car l’huile grasse ou beurre de baie de laurier en est séparée par la décoction, & vient nager sous la forme d’une graisse verdâtre, & ensuite se figer sur la surface de l’eau employée dans la distillation.

C’est cette derniere huile ou beurre qui constitue la partie médicamenteuse vraiment spéciale de ces baies ; elle est résolutive, adoucissante, discussive, vulnéraire.

Les baies de laurier épuisées des deux huiles dont nous venons de parler, en fournissent encore une troisieme si on les pile & qu’on les mette à la presse : celle-ci est principalement fournie par la semence ou amende contenue dans le noyau de la baie : elle est moins douce que les huiles ordinaires tirées par expression des semences émulsives, parce qu’elle est chargée d’un peu de beurre ou d’huile essentielle : on l’emploie, mais très-rarement, dans les linimens, les onguens & les emplâtres.

On recommande ces deux dernieres huiles contre la galle ; mais elles ne fournissent par elles-mêmes qu’un secours fort impuissant contre cette maladie. Si on les mêle avec du soufre, qui est dans ce cas le véritable spécifique, elles pourront être utiles, comme correctif de l’odeur desagréable.

Les feuilles, les baies de laurier, & les trois différentes huiles dont nous venons de parler, entrent dans un grand nombre de préparations officinales, tant extérieures qu’intérieures. Les baies donnent leur nom à un électuaire stomachique, hystérique & emménagogue, qui est fort peu employé dans la pratique ordinaire de la Medecine.

Outre les huiles de baies de laurier dont nous avons parlé ci-dessus, on en prépare encore une quatrieme en les faisant infuser & bouillir dans de l’huile d’olive : on emploie celle-ci aux mêmes usages que l’huile par décoction & l’huile par expression ; elle est parfaitement analogue à la matiere qui résulteroit du mélange de ces deux dernieres.

On connoît assez l’emploi qu’on fait dans nos cuisines des feuilles de laurier. La consommation en est assez considérable à Paris pour que certains paysans trouvent moyen de gagner leur vie en apportant de plus de 50 lieues de grosses branches de laurier avec leurs feuilles, qu’ils y viennent vendre. On les fait entrer sur-tout comme assaisonnement dans les sauces que l’on fait à certains poissons. Plusieurs medecins ont prétendu qu’elles étoient nuisibles à l’estomac ; d’autres ont cru au contraire qu’elles le fortifioient & qu’elles aidoient la digestion. L’opinion des premiers paroît pouvoir tirer quelque appui de l’analogie du laurier-franc avec le laurier-rose, qui a été de tous les tems reconnu pour un poison, & de la découverte qu’on a faite depuis quelques années en Angleterre, des qualités dangereuses d’un autre arbre de la même classe ; savoir, le laurier-cerise. Voyez Laurier-rose & Laurier-cerise. Cependant cette induction ne suffit point assurément pour rendre l’usage des feuilles de laurier suspect. (b)

Laurier-rose, (Medecine.) le laurier-rose doit être regardé comme un poison non-seulement pour les hommes, mais encore pour toute sorte d’animaux qui en mangent, selon le sentiment de Galien, & contre celui de Dioscoride & de Pline, qui disent que les fruits & les feuilles de laurier-rose sont un poison pour la plûpart des quadrupedes, mais que les hommes peuvent en user intérieurement contre les morsures des serpens, &c.

Les remedes contre ce poison sont ceux qu’on prescrit contre tous les poisons corrosifs en général ; savoir, les huiles par expression, le lait, le beurre, la décoction des fruits doux, des racines & des graines mucilagineuses, &c.

Les feuilles de laurier-rose écrasées & appliquées extérieurement, sont bonnes, selon Galien, contre la morsure des bêtes venimeuses.

Ces mêmes feuilles sont employées dans la poudre sternutatoire de la pharmacopée de Paris. Extrait de la suite de la mat. med. de Geoffroy.

Laurier, (Littér. & Mythol.) cet arbre, nommé daphné (δάφνη) par les Grecs, est de tous les arbres celui qui fut le plus en honneur chez les anciens. Ils tenoient pour prodige un laurier frappé de la foudre. Admis dans leurs cérémonies religieuses, il entroit dans leurs mysteres, & ses feuilles étoient regardées comme un instrument de divination. Si jettées au feu elles rendoient beaucoup de bruit, c’étoit un bon présage ; si au contraire elles ne pétilloient point du tout, c’étoit un signe funeste. Vouloit-on avoir des songes sur la vérité desquels on pût compter, il falloit mettre des feuilles de cet arbre sous le chevet de son lit. Vouloit-on donner des protecteurs à sa maison, il falloit planter des lauriers au-devant de son logis. Les Laboureurs, intéressés à détruire ces sortes de mouches si redoutées des bœufs pendant l’été, qu’elles les jettent quelquefois dans une espece de fureur, ne connoissoient point de meilleurs remedes que les feuilles de laurier. Dans combien de graves maladies son suc préparé, ou l’huile tirée de ses baies, passoient-ils pour des contre-poisons salutaires ? On mettoit des branches de cet arbre à la porte des malades ; on en couronnoit les statues d’Esculape. Tant de vertus qu’on attribue au laurier, le firent envisager comme un arbre divin, & comme l’arbre du bon génie.

Mais personne n’ignore qu’il étoit particulierement consacré à Apollon, & que c’est pour cela qu’on en ornoit ses temples, ses autels & le trépié de la pythie. L’amour de ce dieu pour la nymphe Daphné, est la raison qu’en donnent les Mythologistes ; cependant la véritable est la croyance où l’on étoit qu’il communiquoit l’esprit de prophétie & l’enthousiasme poétique. De-là vint qu’on couronnoit les Poëtes de laurier, ainsi que ceux qui remportoient les prix aux jeux pythiques. On prétend que sur la coupole du tombeau de Virgile, qui est près de Pouzzoles, il est né des lauriers qui semblent couronner l’édifice, & que ceux qu’on a coupés sont revenus, comme si la nature même eût voulu célébrer la gloire de ce grand poëte.

Les faisceaux des premiers magistrats de Rome, des dictateurs & des consuls, étoient entourés de lauriers, lorsqu’ils s’en étoient rendus dignes par leurs exploits. Plutarque parlant de l’entrevue de Lucullus & de Pompée, nous apprend qu’on portoit devant tous les deux des faisceaux surmontés de lauriers, en considération de leurs victoires.

Virgile fait remonter jusqu’au siecle de son héros la coûtume d’en ceindre le front des vainqueurs : il est du moins certain que les Romains l’adoptérent de bonne heure ; mais c’étoit dans les triomphes qu’ils en faisoient le plus noble usage. Là les généraux le portoient non-seulement autour de la tête, mais encore dans la main, comme le prouvent les médailles. On décoroit même de laurier ceux qui étoient morts en triomphant : ce fut ainsi qu’Annibal en usa à l’égard de Marcellus.

Parmi les Grecs, ceux qui venoient de consulter l’oracle d’Apollon, se couronnoient de laurier s’ils avoient reçu du dieu une réponse favorable ; c’est pourquoi dans Sophocle, Œdipe voyant Oreste revenir de Delphes la tête ceinte de lauriers, conjecture qu’il rapporte une bonne nouvelle. Ainsi chez les Romains tous les messagers qui en étoient porteurs, ornoient de lauriers la pointe de leurs javelines. La mort de Mithridate fut annoncée de cette maniere à Pompée. On entouroit semblablement de laurier les lettres & les tablettes qui renfermoient le récit des bons succès : on faisoit la même chose pour les vaisseaux victorieux. Cet ornement se mettoit à la poupe, parce que c’étoit là que résidoient les dieux tutelaires du vaisseau, & que c’étoit à ces dieux que les matelots menacés du naufrage adressoient leurs vœux & leurs prieres. J’ajoûte encore que le laurier étoit un signe de paix & d’amitié, car au milieu de la mêlée l’ennemi le tendoit à son ennemi, pour marquer qu’il se rendoit à lui.

Enfin l’adulation pour les empereurs introduisit l’usage de planter des branches de laurier aux portes de leurs demeures : voilà d’où vient que Pline appelle cet arbre, le portier des Césars, le seul ornement & le fidele gardien de leurs palais, gratissima domibus janitrix, quæ sola & domos exornat, & ante limina Cæsarûm excubat. Voyez, si vous êtes curieux de plus grands détails, la Dissertation de Madrisio dell’Alloro, e suoi vari usi presso gli Antichi.

Mais parcourez tant que vous voudrez tout ce qu’on a pris soin de recueillir en littérature à l’honneur du laurier, vous ne trouverez rien au dessus de l’éloge charmant qu’Ovide en a fait. Je ne connois point de morceau dans ses ouvrages sur un pareil sujet, qui soit plus joli, plus agréable & plus ingénieux ; c’est dans l’endroit de ses métamorphoses, où Apollon ayant atteint Daphné deja changée en laurier, la sent encore palpiter sous la nouvelle écorce qui l’enveloppe : lisez cette peinture.

Complexusque suis ramos, ut membra lacertis,
Oscula dat ligno : refugit tamen oscula lignum.
Cui deus : At quoniam conjux mea non potes esse,
Arbor eris certè, dixit, mea ; semper habebunt
Te coma, te citharæ, te nostræ, laure, pharetræ.
Tu ducibus lætis aderis, cum læta triumphum
Vox canet, & longas visent capitolia pompas.
Postibus augustis, eadem fidissima custos,
Ante fores stabis, mediamque tuebere quercum.
Utque meum intonsis caput est, uvenile capillis,
Tu quoque perpetuos semper gere frondis honores ;
Finierat Pæan : factis modo laurea ramis,
Annuit, utque caput, visa est agitasse cacumen.

« Apollon serre entre ses bras les rameaux du laurier, comme si c’étoit encore la belle nymphe qu’il vient de poursuivre. Il applique au bois des baisers que le bois semble dédaigner. Ce dieu lui adresse alors ces paroles : puisque tu ne peux être mon épouse, tu seras du-moins mon arbre chéri ; laurier, tu seras à jamais l’ornement de ma tête, de ma lyre & de mon carquois. Tu seras l’ornement dés généraux qui monteront triomphans au capitole, au milieu d’une pompe magnifique, & des chants de victoire & d’allégresse. Tu décoreras l’entrée de ces demeures augustes où sont renfermées les couronnes civiques que tu prendras sous ta protection. Enfin, comme la chevelure de ton amant ne vieillit jamais, & qu’elle n’est jamais coupée, je veux que tes rameaux soient toujours verds & toujours les mêmes. Ainsi parla le dieu. Le laurier applaudit à ce discours, & parut agiter son sommet, comme si la nymphe encore vivante eut fait un signe de tête ». (D. J.)