L’Encyclopédie/1re édition/LAO-KIUN

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LAO-KIUN, (Hist. mod. & Philosophie.) c’est le nom que l’on donne à la Chine à une secte qui porte le nom de son fondateur. Lao-Kiun naquit environ 600 ans avant l’ere chrétienne. Ses sectateurs racontent sa naissance d’une maniere tout-à-fait extraordinaire ; son pere s’appelloit Quang ; c’étoit un pauvre laboureur qui parvint à soixante & dix ans, sans avoir pu se faire aimer d’aucune femme. Enfin, à cet âge, il toucha le cœur d’une villageoise de quarante ans, qui sans avoir eu commerce avec son mari, se trouva enceinte par la vertu vivifiante du ciel & de la terre. Sa grossesse dura quatre-vingt ans, au bout desquels elle mit au monde un fils qui avoit les cheveux & les sourcils blancs comme la neige ; quand il fut en âge, il s’appliqua à l’étude des Sciences, de l’Histoire, & des usages de son pays. Il composa un livre intitulé Tau-Tsé, qui contient cinquante mille sentences de Morale. Ce philosophe enseignoit la mortalité de l’ame ; il soutenoit que Dieu étoit matériel ; il admettoit encore d’autres dieux subalternes. Il faisoit consister le bonheur dans un sentiment de volupté douce & paisible qui suspend toutes les fonctions de l’ame. Il recommandoit à ses disciples la solitude comme le moyen le plus sûr d’élever l’ame au-dessus des choses terrestres. Ces ouvrages subsistent encore aujourd’hui ; mais on les soupçonne d’avoir été altérés par ses disciples ; leur maître prétendoit avoir trouvé le secret de prolonger la vie humaine au-delà de ses bornes ordinaires ; mais ils allerent plus loin, & tâcherent de persuader qu’ils avoient un breuvage qui rendoit les hommes immortels, & parvinrent à accréditer une opinion si ridicule ; ce qui fit qu’en appella leur secte la secte des Immortels. La religion de Lao-Kiun fut adoptée par plusieurs empereurs de la Chine : peu-à-peu elle dégénéra en un culte idolâtre, & finit par adorer des demons, des esprits, & des génies ; on y rendit même un culte aux princes & aux héros. Les prêtres de cette religion donnent dans les superstitions de la Magie, des enchantemens, des conjurations ; cérémonies qu’ils accompagnent de hurlemens, de contorsions, & d’un bruit de tambours & de bassins de cuivre. Ils se mêlent aussi de prédire l’avenir. Comme la superstition & le merveilleux ne manquent jamais de partisans, toute la sagesse du gouvernement chinois n’a pu jusqu’ici décréditer cette secte corrompue.