L’Encyclopédie/1re édition/LAMENTATION

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LAMENTATION, (Gram.) c’est une plainte forte & continuée ; la plainte s’exprime par le discours ; les gémissemens accompagnent la lamentation ; on se lamente dans la douleur, on se plaint du malheur. L’homme qui se plaint, demande justice ; celui qui se lamente, implore la pitié.

Lamentation funebre, (Littérat.) en latin lassum, terme générique, qui désigne les cris de douleurs, les plaintes, les gémissemens qu’on répandoit aux funérailles chez plusieurs peuples de l’antiquité.

Diodore de Sicile nous apprend qu’à la mort des souverains en Egypte toute la face du pays étoit changée, & que l’on n’entendoit de toutes parts, à leurs pompes funebres, que des gémissemens & des lamentations.

Cette même coutume régnoit chez les Assyriens & les Phéniciens, au rapport d’Herodote & de Strabon. Delà viennent ces fêtes lugubres des femmes d’Egypte & de Phénicie, où les unes pleuroient leur dieu Apis, & les autres se désoloient sur la perte d’Adonis. Voyez Adonis.

Les Grecs imiterent une pratique qui convenoit si bien à leur génie. On sait assez tout ce que les poëtes ont chanté des lamentations de Thétis, à la mort le son fils Achille ; & des voyages des muses en habit de deuil à Lesbos, pour y assister aux funérailles & y faire leurs lamentations. Mais c’est certainement à cet usage des lamentations funebres qu’il faut rapporter l’origine de l’élegie.

Enfin la flûte accommodée aux sanglots de ces hommes & de ces femmes gagées, qui possédoient le talent de pleurer sans affliction, fit un art ingénieux des lamentations, qui n’étoient auparavant ni liées ni suivies. Elle en donna le signal, & en régla le ton.

Cette musique ligystale, expressive de la douleur, consola les vivans, en même tems qu’elle honora les morts. Comme elle étoit tendre & pathétique, elle remuoit l’ame, & par les mouvemens qu’elle lui inspiroit, elle la tenoit tellement occupée, qu’il ne lui restoit plus d’attention pour l’objet même, dont la perte l’affligeoit. Il n’est peut-être point de plus grand secret pour charmer les amertumes de la vie. (D. J.)

Lamentations, (Théolog.) on donne ce nom à un poëme lugubre, que Jérémie composa à l’occasion de la mort du saint roi Josias, & dont il est fait mention dans le second livre des Paralipomenes, chap. xxxv. v. 25. On croit que ce fameux poëme est perdu, mais il nous en reste un autre du même prophete, composé sur la ruine de Jérusalem par Nabuchodonosor.

Ces lamentations contiennent cinq chapitres, dont les quatre premiers sont en vers acrostiches & abecedaires ; chaque verset ou chaque strophe commençant par une des lettres de l’alphabet hébreu, rangées selon son ordre alphabétique. Le premier & le second chapitre contiennent vingt-deux versets, suivant le nombre des lettres de l’alphabet. Le troisieme a trois versets de suite, qui commencent par la même lettre ; il y a en tout soixante-six versets. Le quatrieme est semblable aux deux premiers, & n’a que vingt-deux versets. Le cinquieme n’est pas acrostiche.

Les Hébreux donnent au livre des lamentations le nom d’echa du premier mot du texte, ou de kinnoth, lamentationes. Les Grecs les appellent θρηνοι, qui signifie la même chose en leur langue. Le style de Jérémie est tendre, vif, pathétique. C’étoit son talent particulier que d’écrire des choses touchantes.

Les Hébreux avoient coutume de faire des lamentations ou des cantiques lugubres à la mort des grands hommes, des princes, des héros qui s’étoient distingués dans les armes, & même à l’occasion des malheurs & des calamités publiques. Ils avoient des recueils de ces lamentations, comme il paroît par les Paralipomenes, ecce scriptum fertur in lamentationibus, c. xxxv. v 25. Nous avons encore celles que David composa à la mort d’Abner & de Jonathas. Il semble par Jérémie qu’ils avoient des pleureuses à gage, comme celles qu’on nommoit chez les Romains, Præficæ, vocate lamentatrices & veniant.... festinent & assumant super nos lamentum, c. xix. v. 16. Calmet, Diction. de la Bibl. Voyez Deuil, Elegie, Funérailles , &c. (G)