L’Encyclopédie/1re édition/LÉGENDAIRE

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LÉGENDAIRE, s. m. (Hist. ecclés.) auteur, écrivain d’une légende.

Le premier légendaire grec que l’on connoisse est Simon Métaphraste qui vivoit au x. siecle ; & le premier légendaire latin, est Jacques de Varase, plus connu sous le nom de Voragine, & qui mourut archevêque de Gènes en 1298, âgé de 96 ans.

La vie des saints par Métaphraste pour chaque jour du mois de l’année, paroît n’être qu’une pure fiction de son cerveau ; vous verrez au mot légende, que c’est à peu près le jugement qu’en portoit Bellarmin.

Jacques de Varase est auteur de cette fameuse légende dorée, qui fut reçue avec tant d’applaudissement dans les siecles d’ignorance, & que la renaissance des Lettres fit souverainement dédaigner. Voyez ce qu’en pensent Melchior Cano, Wicelius & Baillet.

Les ouvrages de Métaphraste & de Varase ne péchent pas seulement du côté de l’invention, de la critique & du discernement, mais ils sont remplis de contes puériles & ridicules.

Il faut avouer de bonne foi que plusieurs des légendaires qui les ont suivis, ont eu plus à cœur la réputation du saint dont ils entreprenoient l’éloge, que l’amour de la vérité, parce que plus elle est grande cette réputation, plus elle est capable d’augmenter le nombre des dévots & des charités pieuses.

C’est la chaleur du faux zele qui a rempli de tant de fables l’histoire des saints ; & je ne puis mieux faire que de justifier ces paroles, que l’irréligion ne me dicta jamais, qu’en les confirmant par un passage admirable de Louis Vives, un des plus savans catholiques du xvj. siecle. Quæ, dit-il, de iis sanctis sunt scripta, præter pauca quædam, multis sunt commentis fœdata, dùm qui scribit affectui suo indulget, & non quæ egit divus, sed quæ ille egisse eum vellit, exponit ; ut vitam dictet animus scribentis, non veritas. Puêre qui magnæ pietatis loco ducere mendaciola pro religione confingere ; quod & periculosum est, ne veris adimatur fides propter falsa & minime necessarium. Quoniam pro pietate nostrâ, tam multa sunt vera, ut falsa tanquam ignavi milites atque inutiles, oneri sint magis quam auxilio.

Ce beau passage est dans l’ouvrage de Vivès, de tradendis disciplinis, lib. V. p. 360. (D. J.)