L’Encyclopédie/1re édition/KEAJA ou KIAHIA

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KEAJA ou KIAHIA, s. m. (Hist. mod.) lieutenant des grands officiers de la Porte, ou surintendant de leur cour particuliere.

Ce mot signifie proprement un député qui fait les affaires d’autrui. Les janissaires & les saphis ont le leur, qui reçoit leur paye, & la leur distribue ; c’est comme leur syndic. Les bachas ont aussi leur keajas particuliers, chargé du soin de leurs maisons, & de leurs provisions & équipages pour faire campagne ; le muphti a aussi son keajas.

Mais le plus considérable est celui du grand visir ; outre les affaires particulieres de son maître, il a très grande part aux affaires publiques, traités, négociations, audiences à ménager, graces à obtenir, tout passe par son canal : les drogmans ou interpretes des ambassadeurs n’oseroient rien proposer au grand-visir, sans en avoir auparavant communiqué avec son keaja ; & les ministres étrangers eux-mêmes lui rendent visite comme aux principaux officiers de l’empire. C’est le grand-seigneur qui nomme à ce poste très-propre à enrichir celui qui l’occupe, & dont on achette la faveur par des présens considérables. Le keaja a une maison en ville, & un train aussi nombreux qu’un bacha. Quand il est remercié de ses services, il est honoré de trois queues ; si on ne lui en accordoit que deux, ce seroit une marque de disgrace & de bannissement. Guer, mœurs des Turcs, tome II.