L’Encyclopédie/1re édition/JOINTURE

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 869-870).
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* JOINTURE, s. f. (Gramm. & Arts méchan.) l’endroit où deux corps approchés se touchent & se lient. Quand un ouvrage est bien travaillé, on ne discerne pas la jointure. Junctura fallit unguem.

Jointure, (Anatomie.) tout endroit du corps humain où les os sont joints ensemble pour l’exécution de plusieurs sortes de mouvemens.

Quoique les mouvemens des extrémités du corps soient circulaires, le centre de ces mouvemens ne se réunit pas dans un point ; car outre que les jointures seroient trop foibles, il arriveroit que les deux os s’useroient, & se pénétreroient l’un l’autre ; mais ces jointures se font par de larges surfaces, les unes convexes, les autres concaves, quelques-unes cannelées & sillonnées ; d’autres semblables à une tête ronde qui s’emboëte dans un creux sphérique ; toutes ont les qualités requises pour contribuer au mouvement & à la force ; toutes sont couvertes de cartilages, lisses, polis, qui forment l’union des os, les collent & les étendent de toutes parts. Ces cartilages sont arrosés d’une humeur onctueuse, qui est séparée de la masse du sang par le secours des glandes mucilagineuses.

Remarquez que les conduits excréteurs de ces glandes mucilagineuses, ont quelque longeur dans leur passage, jusqu’à leur orifice ; cette structure empêche l’effusion inutile de la substance huileuse, tend à en fournir une quantité suffisante, & à en procurer une plus grande lorsqu’il en est besoin pour les mouvemens violens ou long-tems continués.

Ajoutez qu’on trouve pour y suppléer des pelotons de graisse qui concourent au même but. Le manque ou les vices de l’humeur mucilagineuse, causent diverses maladies dans les jointures, comme le cliquetis, la luxation, l’anchylose, & l’impuissance des mouvemens.

Mais ces cas rares ne détruisent point le merveilleux appareil des organes de notre charpente ; considérez seulement pour vous en convaincre, l’insertion des muscles à l’aide desquels les jointures se peuvent tirer de différens côtés, selon les fonctions particulieres de leur destination ; la fabrique curieuse des os, la variété de leurs articulations pour exécuter tous les mouvemens de flexion, d’extension, de ressort, de genou, de charniere, de coulisse, de pivot & de roue.

Considérez la force des ligamens pour maintenir les os en respect ; considérez sur-tout les cartilages placés aux extrémités des jointures, leur périchondre, leurs vaisseaux vasculeux, leurs glandes mucilagineuses & huileuses, qui distillent perpétuellement une humeur lubréfiante, pour arroser, nourrir, prévenir les frottemens, & faciliter en toute occasion les mouvemens que nous voulons exécuter.

Enfin la souplesse, la flexibilité à laquelle on peut amener les jointures par un constant exercice mis en usage dès la plus tendre enfance, est une chose si surprenante, qu’on auroit de la peine à l’imaginer si l’on n’en avoit pas le spectacle dans ces personnes qui le donnent aux yeux du peuple pour de l’argent, & à ceux du physicien pour confondre ses connoissances.

Les transactions philosophiques, n. 242, p. 262, parlent d’un Anglois nommé Clarck, qui avoit trouvé sur la fin du dernier siecle le secret de déboiter, de tordre, de luxer, de disloquer la plûpart des jointures de son corps, à un degré de singularité qu’on croyoit impraticable. Il eut une fois le talent de pousser si loin ses distorsions, qu’un fameux chirurgien appellé pour le traiter, après l’avoir attentivement examiné, refusa de l’entreprendre, & déclara que le cas étoit incurable ; mais à peine eut-il prononcé cet arrêt, qu’à son grand étonnement il vit le prétendu malade effacer de lui-même toutes ses distorsions, & lui prouver combien le pouvoir de la nature l’emporte sur celui de l’art. (D. J.)

Jointure, (Ecriture.) se dit aussi dans l’écriture des différentes situations de plume ; à la premiere & seconde jointure du doigt index.

Jointure, chez les Cordonniers, c’est la couture qui joint les deux quartiers du soulier.

Jointure & Jointe, (Maréchal.) se dit pour paturon dans les occasions suivantes ; la jointure grosse, c’est-à-dire, le paturon gros, ce qui est une bonne qualité ; la jointure menue est une mauvaise qualité, sur-tout lorsqu’elle est pliante, c’est-à-dire que le bas du paturon est fort en devant ; la jointure longue ou courte fait dire d’un cheval, qu’il est long ou court jointé. Voyez Jointé.

Jointure, (Peinture.) on appelle jointure en Peinture le lieu où se joignent deux parties différentes de la même figure, comme la jambe avec la cuisse, le bras avec l’avant-bras, &c.