L’Encyclopédie/1re édition/ISSOUDUN

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 929).
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ISSOUDUN, (Géog.) ville de France en Berry, avec un vieux château. Quelques géographes prennent Issoudun pour l’ancienne Ernodurum, ville de la Gaule celtique, que d’autres placent à saint-Ambrois sur Arnon, village du Berry ; elle est dans une belle plaine, sur la petite riviere de Théols, à sept lieues de Bourges, 54 sud-ouest de Paris, long. 18. 39. 49. lat. 46. 56. 53.

Baron (Michel) le plus grand acteur tragigue, l’Esope de la France, nâquit à Issoudun, & mourut à Paris en 1729, âgé de 77 ans. Il se nommoit Boyron ; mais Louis XIV. l’ayant appellé plusieurs fois Baron, ce nom lui est resté. Baron dès sa plus tendre jeunesse, marqua ses talens supérieurs dans une petite troupe que la demoiselle Raisin avoit formée sous le titre de Comédiens de M. le Dauphin. Moliere l’ayant vû & entendu déclamer, l’attira dans celle dont il étoit le chef ; Baron y joua toujours avec de nouveaux applaudissemens, jusqu’en 1691, qu’il se retira du théatre, ayant obtenu du roi une pension de mille écus ; il passa trente ans dans une vie privée, & reparut au bout de ce tems-là sur la scene, avec plus d’éclat que jamais.

La nature sembloit s’être épuisée en formant cet homme rare. Il avoit une taille avantageuse, la mine haute & fiere, la parole aisée, la prononciation nette & d’une grande précision ; sa voix étoit sonore, forte, juste & flexible, ses tons énergiques & variés ; ses gestes vrais, précis, nobles, ménagés ; tout exprimoit en lui, son visage, son regard, ses attitudes, & son silence même ; il n’étoit point seulement acteur, il étoit Achille, Agamemnon, Pirrhus, Auguste, Cinna, Venceslas ; il termina au mois de Septembre 1729 sa seconde carriere, en jouant dans la tragédie de Rotrou le même rôle de Vinceslas, par lequel il avoit débuté la derniere fois qu’il monta sur le théatre ; il sentit un peu d’oppression, & s’arrêta sur ce vers :

Si proche du cercueil où je me vois descendre.

Trois mois après il mourut, & n’a pas été remplacé, mais la Champmeslé & la Lecouvreur l’ont été.

On sait les quatre vers que fit Despréaux pour mettre au bas de l’estampe de Baron.

Du vrai, du pathétique il a fixé le ton ;
De son art enchanteur l’illusion divine
Prêtoit un nouveau lustre aux beautés de Racine,
Un voile aux défauts de Pradon.

(D. J.)