L’Encyclopédie/1re édition/IRIS

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 902-904).
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IRIS BULBEUX, s. f. (Bot.) xiphion. genre de plante à fleur liliacée, monopétale, ressemblante à celle de la flambe. Le pistil a trois pétales, & le calice devient un fruit de même forme que celui de la flambe ; mais la racine est bulbeuse ou composée de plusieurs tuniques. Tournefort, inst. rei herbariæ. Voyez Plante.

Iris, (Botan.) genre de plante bulbeuse, dont on a donné les caracteres au mot Flambe.

Entre les 74 especes d’iris de M. Tournefort, nous nous contenterons de décrire l’iris ordinaire, de dire un mot de l’iris de Florence, & de l’iris jaune de marais, qui toutes trois intéressent principalement les Médecins.

L’iris ordinaire, l’iris nostras, est l’iris vulgaris, Germanica, sive hortensis, sive sylvestris, de la plûpart des botanistes.

Sa racine se répand obliquement sur la surface de la terre ; elle est épaisse, ridée, genouillée, d’un rouge brun en dehors, blanche en dedans, garnie de fibres à sa partie inférieure, d’une odeur âcre & forte, lorsqu’elle est récente, mais qui devient agréable lorsqu’elle a perdu son humidité. Les feuilles qui sortent de cette racine, sont larges d’un pouce, longues d’une coudée, fermes, pleines de nervures, & de la figure d’un poignard : elles sont tellement unies & touffues près de la racine, que la partie concave d’une feuille embrasse la partie convexe ou le dos de l’autre feuille. Entre ces feuillés s’éleve une tige droite, cylindrique, lisse, ferme, branchue, divisée par quatre ou cinq nœuds, garnis de feuilles qui l’entourent, & qui sont d’autant plus petites, qu’elles se trouvent plus près du sommet.

Les fleurs commencent à paroître vers le printems, & sortent de la coëffe membraneuse qui les enveloppoit : elles sont d’une seule piece, divisée en six quartiers, trois élevés & trois rabatus, extérieurement de la couleur de pourpre, ou de violette parsemée de veines blanches.

Le pistil s’éleve du fond de cette fleur, surmonté d’un bouquet à trois feuilles de la même couleur, voutées, & formant une espece de gueule.

Le calice devient un fruit oblong, relevé de trois côtes ; il s’ouvre en trois segmens par la pointe, & est partagé en trois loges remplies de semences rondes, oblongues, placées les unes sur les autres.

Cette plante est cultivée dans nos jardins, & commence à fleurir à la fin de Mai.

L’iris de Florence, est appellée des Botanistes iris alba, iris flore albo, iris Florentina. Elle ne differe point de l’iris ordinaire par la figure de ses racines, de ses feuilles & de ses fleurs ; mais seulement par la couleur. En effet, ses feuilles tirent plus sur le verd de mer ; ses fleurs d’un blanc de lait, ont peu d’odeur, mais très-agréable ; ses racines sont plus grandes, plus épaisses, plus solides, plus blanches, & plus odorantes que celles de l’iris-nostras. Elle croît sans culture aux environs de Florence, mais on ne la voit ici que dans nos jardins.

Sa racine est seule d’usage en Médecine : elle se trouve chez nos droguistes en morceaux oblongs, genouillés, un peu applatis, de l’épaisseur d’un ou de deux pouces, blanche, dépouillée de ses fibres & de son écorce, qui est d’un jaune rouge ; elle donne une odeur de violette pénétrante ; son goût est âcre & amer. Elle entre dans plusieurs préparations galéniques ; on la croit propre à atténuer & inciser la lymphe qui embarrasse les bronches des poumons. On la mêle utilement dans les sternutatoires ; mais son principal usage est pour les parfums.

La racine de l’iris ordinaire tient son rang parmi les plus violens hydragogues, c’est pourquoi les sages médecins s’abstiennent de l’employer ; sa saveur est également âcre & brûlante, & son acrimonie s’attache si fort à la gorge qu’on a raison de redouter ses effets sur l’estomac & sur les intestins.

L’iris jaune de marais, nommée par Tournefort iris vulgaris, lutea, palustris, produit de l’encre passablement bonne, si on la cuit dans de l’eau, & qu’on y jette un peu de limaille de fer, c’est le petit peuple d’Ecosse qui a fait cette découverte, dont personne ne se doutoit. On coupe quelque racine de cette iris par tranches, qu’on met bouillir à petit feu dans une certaine quantité d’eau, jusqu’à ce que la liqueur soit suffisamment épaissie ; on la passe claire dans un autre vase ; on y plonge ensuite pendant quelque tems une lame inutile de couteau, ou quelque autre morceau de fer, on frotte rudement ce morceau de fer avec un caillou fort dur qui se trouve dans le pays, & on répete ce frottement par intervalles, jusqu’à ce que la liqueur ait acquis la noirceur desirée.

Le suc de la racine d’iris dont je parle, est encore un si puissant hydragogue, qu’ayant été donné avec du syrop de nerprun à un hydropique désespéré, sur lequel le jalap, le mercure doux, & la gomme gutte n’avoient presque plus d’action, ce remede-ci, à la dose de 80 gouttes d’heure en heure, fit évacuer au malade, au bout de quelques prises, plusieurs pintes d’eau mesure d’Ecosse, qui est le double de celle de Paris. Voyez le détail de cette observation dans les Mémoires d’Edimbourg, tom. V. (D. J.)

Iris, en terme d’Anatomie, se dit d’un cercle qui entoure la prunelle de l’œil, & qui est formé par une duplicature de l’uvée. Voyez Uvée.

Du centre orbiculo-ciliaire partent de toute la circonférence des fibres convergentes, qui font un petit cercle ; mais avant la pupille même, le cercle est plus étroit dans l’homme, & fait de plus courts rayons fibreux, parmi lesquels il est impossible de reconnoitre aucunes fibres orbiculaires.

Les vaisseaux colorés de l’iris & de l’uvée, sont de plus petits genres ; les arteres de la choroïde qui ont formé des cercles rayonnés passent sur le ligament orbiculo-ciliaire, dégénerent en de petits troncs dans la circonférence, & en dernier lieu en cercle artériel de Ruysch.

De ce cercle les plus petites artérioles se rapprochent sous la forme de rayons sur l’iris & forment par leur réflexion & en se joignant avec les externes le cercle interne. Les petits vaisseaux de la membrane de Ruysch entrent de la même maniere dans ce cercle, duquel il part de semblables arteres, mais plus grandes, qui vont se distribuer à l’uvée. Hovius fait de plus mention de très-petits conduits entremêlés qui naissent du cercle, d’autres qui viennent des artérioles de l’uvée, & d’autres qu’il soupçonne aller en sens contraire vers la sclérotique Ne seroit-ce point-là ces autres arteres lymphatiques que M. Ferrein a démontrées dans l’uvée ? Hist. de l’Acad. 1738. Haller, Comm. Boerh.

L’iris est de différentes couleurs, & percé dans son milieu d’un trou, à travers lequel on voit une petite tache noire, appellée la prunelle d l’œil, autour de laquelle l’iris forme un anneau. Voyez Prunelle, Œil, Ligament, Ciliaire, &c.

On donne aussi le nom d’iris à ces couleurs changeantes, qui paroissent quelquefois sur les verres des télescopes & des microscopes, à cause qu’elles imitent celles de l’arc-en-ciel.

C’est ainsi qu’on appelle encore le spectre coloré que le prisme triangulaire forme sur une muraille lorsqu’on l’expose sous un angle convenable aux rayons du soleil. Voyez Prisme.

Iris, (Météorol.) voyez Arc-en-ciel, & jettez en passant les yeux sur l’image poëtique qu’en a donné le chevalier Blackmore :

Thus oft the Lord of nature in the air
Hangs evening clouds, his sable canvass, where
His pencildip’d in heav’nly colours, made
Of intercepted beams, mix’dwith the shade
Of temper’d æther, and refracted light,
Paints his fair Rainbow, charming to the sight.

(D. J.)

Iris ou Pierre d’Iris, (Hist. nat. Lithologie.) nom donné par Pline & par d’autres naturalistes à une espece de crystal, dans lequel on remarque les différentes couleurs de l’arc-en-ciel. Il paroit que cette pierre ne differe en rien du crystal de roche ordinaire. Wallerius donne le nom d’iris chalcedonica à une espece de chalcédoine de trois couleurs, & qui en regardant le soleil au travers fait voir les nuances d’un arc-en-ciel. Cette pierre se trouve en orient, elle a une teinte ou jaunâtre ou pourpre. Quelques auteurs ont encore donné le nom d’iris à l’espece de crystal de roche qui s’appelle fausse topase, & ils l’ont nommée iris citrina ou subcitrina. Wormius appelle le crystal noir, iris anthracini coloris.

Enfin il y a des auteurs qui donnent le nom d’iris à une pierre orientale qui est de la couleur du petit lait mêlée d’une teinte légere de bleu céleste. (—)

Iris, (Mytholog.) divinité de la fable, qui la fait fille de Thamnas & d’Electre.

C’étoit, disent les Poëtes, la messagere des Dieux & celle de Junon en particulier, comme Mercure l’étoit de Jupiter. Assise auprès du trône de la fille de Saturne & de Rhéa, elle attendoit le premier signe de ses ordres, pour les porter au bout du monde ; alors volant d’une aîle légere, elle fendoit les espaces immenses des airs, laissant après elle une longue trace de lumiere, que peignoit un nuage de mille couleurs aussi variées que brillantes.

Quelquefois députée par l’assemblée des Divinités célestes, elle descendoit de l’olympe parée de sa robe d’azur, pour venir apprendre aux mortels effrayés la fin des tempêtes, & leur annoncer le retour du beau tems.

Dans ses momens de repos, elle avoit soin de l’appartement de Junon & de ses magnifiques atours. Lorsque la déesse revenoit des enfers dans l’olympe, c’étoit Iris qui la purifioit avec les parfums les plus exquis : cependant son principal emploi étoit d’aller trancher le cheveu fatal des femmes agonissantes, comme Mercure étoit chargé de faire sortir des corps les ames des hommes prêtes à s’envoler.

Ainsi dans Virgile, Junon voyant Didon lutter contre la mort, après s’être poignardée, dépêche Iris du haut du ciel pour dégager son ame de ses liens terrestres, en lui coupant le cheveu dont Proserpine sembloit refuser l’emploi, parce que la mort de la fondatrice de Carthage n’étoit pas naturelle ; mais c’est la peinture admirable qu’en fait le prince des Poëtes qu’il faut lire :

Tum Juno omnipotens, longum miserata dolorem,
Difficilesque obitus, Irim demisit olympo,
Quæ luctantem animum, nexosque resolveret artus ;
Nam quia nec fato, meritâ nec morte peribat,
Sed misera ante diem, subitoque accensa furore,
Nondùm illi flavum Proserpina vertice crinem
Abstulerat, stygioque caput damnaverat orco.
Ergò Iris, croceis per coelum roscida pennis,
Mille trahens varios adverso sole colores,
Devolat, & supra caput adstitit. Hunc ego diti
Sacrum jussa fero, teque isto copore solvo :
Sic aït, & dextrâ crinem secat : Omnis & unà
Dilapsus calor, atque in ventos vita recessit.

Æneïd. liv. IV. v. 695.

Iris n’est peut-être après tout qu’une divinité purement physique, prise pour l’arc-en-ciel ; du moins on dérive assez bien son nom de εἰρεῖν, parler, annoncer ; & cette étymologie convient à Iris météore, & à Iris divinité fabuleuse. Comme Junon est la déesse de l’air, Iris en est la messagere ; elle annonce ses volontés, parce que l’arc-en-ciel nous annonce les changemens de l’air, au moment de la pluie, & du soleil qui luit à l’opposite. (D. J.)

Iris, (Docimast.) on donne encore ce nom à l’éclair. Voyez cet article. On appelle encore iris les petites bleuettes qui se croisent rapidement dans un essai qui bout sur la coupelle, & qui font dire qu’il circule bien. Voyez Circuler, Essai & Affinage.

Iris, (Géogr. anc.) riviere d’Asie dans la Cappadoce, selon Ptolomée ; c’est le Casalmach des modernes, riviere de Turquie dans la Natolie ; elle baigne les murs d’Amasie, patrie de Strabon, & va se perdre dans la mer Noire. (D. J.)

Iris, verd d’Iris, (Peinture.) couleur des plus tendres, & qui fait un très-beau verd. Voici comme elle se peut faire.

Prenez des fleurs de lys les plus bleues, qu’on appelle autrement iris ; séparez-en le dessus qui est satiné, & n’en gardez que cela, car le reste n’est pas bon ; ôtez-en même toute la petite nervure jaune ; pilez dans un mortier ce que vous aurez choisi ; ensuite jettez dessus un peu d’eau, trois ou quatre cuillerées plus ou moins, selon la quantité des fleurs ; il faut que vous ayez fait fondre dans cette eau un peu d’alun & de gomme, mais en petite quantité ; ensuite broyez bien le tout ensemble, puis le passez dans un linge fort, & mettez ce jus dans des coquilles que vous ferez sécher à l’air.