L’Encyclopédie/1re édition/INFAMIE

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 697).
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INFAMIE, s. f. (Jurisprud.) est la perte de l’honneur & de la réputation. On distingue deux sortes d’infamie, celle de fait & celle de droit.

L’infamie de fait est celle qui provient d’une action deshonorante par elle-même, & qui dans l’opinion de tous les gens d’honneur, perd de réputation celui qui en est l’auteur, quoiqu’il n’y ait aucune loi qui y ait attaché la peine d’infamie.

Cette infamie de fait est encourue par ceux qui sont notoirement usuriers publics, ou qui menent une vie scandaleuse & infâme.

Ceux qui ayant été accusés d’un crime grave, n’ont été renvoyés qu’avec un plus amplement informé, ou un hors de cour, ne sont pas véritablement infâmes ; mais ils demeurent toujours notés jusqu’à ce qu’ils aient été déchargés de l’accusation, & cette note emporte une espece d’infamie de fait.

Suivant le droit romain, le témoignage de ceux qui étoient infâmes de fait n’étoit point reçû en justice ; parmi nous ils peuvent être dénonciateurs & témoins ; mais c’est au juge à donner plus ou moins de foi à leurs déclarations ou dépositions, selon qu’ils sont suspects.

Ceux qui sont infâmes de fait ne peuvent être reçus dans aucun office de judicature, ni dans aucune autre place honorable.

L’infamie de droit est celle qui provient de la condamnation pour crime, lorsque la condamnation emporte mort naturelle ou civile, ou lorsque l’accusé est condamné aux galeres ou au bannissement à tems, ou d’un certain lieu seulement, ou à faire amende honorable, au fouet, à la fleur-de-lys, à demander pardon à genoux, au blâme, ou à une amende pécuniaire en matiere criminelle, ou à une aumône en matiere civile.

Ces sortes de condamnations excluent ceux contre qui elles ont été prononcées, de toutes dignités & charges publiques ; c’est pourquoi Livius Salinator étant censeur, nota d’ignominie toutes les tribus du peuple romain, parce qu’après l’avoir condamné par jugement public, elles l’avoient fait consul, & ensuite censeur ; il n’excepta que la tribu Metia, qui ne l’avoit point ni condamné, ni élevé à la magistrature.

L’interdiction perpétuelle d’une fonction publique rend aussi incapable de toute autre place honorable.

Le decret d’ajournement personnel ou de prise de corps, emporte aussi interdiction contre l’officier public, & conséquemment une exclusion de toute autre place honorable ; mais cette interdiction & exclusion cesse lorsque l’accusé obtient un jugement d’absolution, ou qu’il est seulement condamné à une peine légere & non infamante.

Le témoignage de ceux qui ont encouru l’infamie de droit est rejetté, excepté pour le crime de leze-majesté, où l’on reçoit la dénonciation & le témoignage de toutes sortes de personnes.

On reçoit même quelquefois la déposition des infâmes de droit, au sujet de crimes ordinaires ; mais le juge n’y a d’égard qu’autant qu’il convient.

Il y avoit certaines actions chez les Romains qui étoient infamantes, telles que celles du vol, de la rapine, de l’injure & du dol, tellement que ceux qui avoient transigé sur une telle action, acceptâ pecuniâ, étoient réputés infâmes ; il y avoit même quatre actions, qui quoique procédantes de contrats & quasi-contrats, étoient infamantes, du-moins quant à l’action directe.

En France les actions, ni les transactions pour cause de délit, ne sont jamais infamantes ; il n’y a que les condamnations pour crimes & délits, tendantes à quelque peine corporelle ou ignomineuse, qui emportent infamie de droit. Voyez au code, le tit. ex quibus causis infamia irrogatur, & ci-devant Infames. (A)