L’Encyclopédie/1re édition/HIMERA

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 209).
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HIMERA, (Géog. anc.) ancienne ville de Sicile, sur la rive septentrionale de l’isle à gauche, c’est-à-dire au couchant de la riviere de même nom ; elle avoit été très-florissante ; mais les Carthaginois, sous la conduite d’Annibal, la saccagerent après un siege dont on trouvera les détails dans Diodore de Sicile, liv. XIII. chap. lxij.

Il y avoit des bains fameux au couchant de cette ville, Himeræ thermæ ; ces bains devinrent une ville ; & c’est sur ce pié-là que Ptolomée les nomme. Ciceron nous apprend même comment cette ville se forma ; ce lieu s’appelle encore aujourd’hui Termini, & les ruines de la ville d’Himera, campo di san Nicolo ; la riviere d’Himéra se nomme Fiume grande.

Le poëte Stésychore étoit d’Himéra ; il fut ainsi nommé pour avoir adapté la maniere de la danse aux instrumens, ou au chœur sur le théatre ; il fleurissoit dans la quarante-deuxieme olympiade, c’est-à-dire 610 ans avant J. C. Il mourut dans la cinquante-sixieme olympiade, sous Cyrus, roi de Perse. Quintilien dit que Stésychore avec sa lyre, soutint le poids & la noblesse du poëme épique. Denys d’Halycarnasse lui donne les grandes qualités & les graces de Pindare & de Simonide ; son style étoit plein & majestueux, Stesychori graves camænæ, suivant l’expression d’Horace. Pline ajoûte, que comme Stésychore étoit encore enfant, un rossignol vint chanter sur sa bouche. On ne pouvoit le louer plus délicatement ; mais le tems nous a ravi les ouvrages de cet aimable poëte ; il ne nous en reste que trente ou quarante vers, qui ne nous permettent pas d’en juger. Sa patrie lui érigea une très-belle statue ; non seulement à cause de ses talens dans la poésie lyrique, mais plus encore pour avoir préservé son pays de l’esclavage. Cette ville se trouvant en guerre avec ses voisins, avoit imploré l’alliance de Phalaris, & lui avoit donné le commandement de ses troupes, avec une autorité presque sans bornes. Stésychore tâcha de détourner ses compatriotes de prendre ce parti, & leur raconta qu’autrefois, le cheval étant en différend avec le cerf, eut recours à l’homme, qui véritablement le vengea, mais lui ravit sa liberté : les Himéréens comprirent le sens de l’apologue, remercierent & congédierent Phalaris. Tel fut l’effet de cette fable ingénieuse, qu’Horace, Phedre & la Fontaine ont si heureusement mise en vers ; Stésichore en fut l’inventeur.

J’oubliois presque de dire, qu’Himéra passoit pour avoir vû naître la comédie ; ce fut dans son sein, si nous en croyons Silius Italicus, & Solin après lui, que ce spectacle amusant parut pour la premiere fois. Cette ville est peu de chose aujourd’hui ; Volateran assure pourtant, que de son tems on y voyoit encore un théatre ruiné ; les restes d’un aquéduc qui étoit d’une excellente maçonnerie ; plusieurs autres monumens antiques, & quantité d’inscriptions que l’on peut lire dans cet auteur. (D. J.)

Himéra, (Géog. anc.) riviere de Sicile ; il y en avoit deux de ce nom, l’une sur la côte septentrionale, & l’autre dans la côte méridionale, ce qui doit s’entendre de leurs embouchures ; toutes deux ont leurs sources dans les mêmes montagnes, que les anciens nommoient nebrodes ; & leurs sources ne sont pas à une lieue de distance l’une de l’autre. L’Himéra méridionale s’appelle aujourd’hui Fiume salso ; l’Himéra qui coule vers le Nord se nomme Fiume grande. (D. J.)