L’Encyclopédie/1re édition/HELLENISTES

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 105).

HELLENISTES, sub. m. plur. (Hist. anc.) nom qui paroît donné dans l’Ecriture-sainte, aux Juifs d’origine ou prosélites établis en Grece, en Syrie, & ailleurs.

Comme ce mot Hellénistes, fort obscur par lui-même, se trouve seulement dans le nouveau Testament ; les plus grands critiques du dernier siecle ont cherché avec soin quels gens il faut entendre par les Hellénistes, dont il est fait mention dans les chapitres vj, ℣. 1, ix, ℣. 29, & xj, ℣. 20, des actes des apôtres.

Scaliger pense que ces Hellénistes n’étoient autre chose que les Juifs d’Alexandrie. Heinsius étendant ce terme beaucoup davantage, & avec raison, donne ce nom à tous les Juifs qui parloient un grec mêlé d’hébraïsmes & de syriacismes, comme est le grec des Septante, qui ont traduit la Bible ; & ces sortes de Juifs lisoient cette traduction dans leurs synagogues. Suivant Saumaise, les Hellénistes sont des Grecs prosélytes du Judaïsme ; M. Simon pense à-peu-près de même, en distinguant deux sortes de Juifs, les Hébreux, c’est-à-dire, les habitans de la Palestine & de la Chaldée, & les Hellénistes, c’est-à-dire les Juifs qui parloient grec.

Vossius me semble encore plus exact ; il dit que la nation juive s’étant partagée en deux factions, avoit donné lieu par ce partage, aux deux noms de Juifs & d’Hellénistes ; selon lui, les Juifs étoient ceux qui souffroient avec peine une domination & des rites étrangers, & ce sont, ajoûte-t-il, les zélés dont parle Josephe. Les Hellénistes au contraire, se prétoient volontiers au joug & aux usages des Grecs.

Enfin, M. Fourmont est persuadé que les Hellénistes des chap. vj. & ix. des actes des apôtres, sont les Hellénistes Syriens de M. Simon & de Vossius, lesquels soûmis par les Grecs, s’accommodoient de leurs mœurs & de leurs coûtumes : c’étoient-là ces chrétiens prosélytes, qui se plaignoient des Hébreux, c’est-à-dire, des Juifs de la Palestine. « Alors (dit le texte sacré, act. vj. vers. 1.) le nombre des disciples se multipliant, il s’éleva un murmure des Juifs Grecs, contre les Juifs Hébreux, de ce que leurs veuves se voyoient méprisées dans la dispensation de ce qui se donnoit chaque jour » ; ἐγένετο γογγυσμὸς τῶν ἑλληνιστῶν πρὸς τοῦς ἑβραίους, &c. Mais en même tems, selon M. Fourmont, les Hellénistes du chap. xj. vers. 20. des actes, ne sont ni des Juifs Hébreux, ni des Juifs Grecs ; loin de-là, ce sont les Payens, les Gentils de Grece, auxquels la vision de S. Pierre permettoit d’annoncer l’Evangile.

En effet, presque tous les critiques supposent dans leurs explications, que les Hellénistes des chap. vj. & ix. des actes, étoient les mêmes que ceux dont il est parlé dans le chap. xj ; cependant ils me paroissent être, comme à M. Fourmont, des gens très-différens ; & pour s’en convaincre il faut lire les trois chapitres entiers, & en suivre l’esprit. Mais l’embarras, la difficulté, c’est que le même mot Hellénistes, Ἑλληνισταὶ, est donné aux uns comme aux autres ; & nous n’avons ici pour nous éclairer, aucun autre passage ni du texte sacré, ni des auteurs profanes, où se trouve ce terme ; il a été peut-être forgé par S. Luc, qui écrivoit à des gens qui l’entendoient, & nous ne sommes pas de ce nombre. (D. J.)