L’Encyclopédie/1re édition/HAUTBOIS

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 69-70).
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* HAUTBOIS (anciens), instrument à vent (Lutherie). Nous distinguerons le hautbois en ancien & en moderne.

Il y a deux sortes de hautbois anciens : les uns qu’on appelloit hautbois de Poitou ; les autres simplement hautbois ; ils étoient à anches. On voit au-dessus les huit premiers trous disposés comme on les bouche, pour avoir l’étendue des sons. Les trous neuf & dix servent seulement à donner de l’air aux sons, & à accourcir le dessus, dont la patte va en s’élargissant depuis le neuvieme trou qui est double, jusqu’au dixieme qui l’est aussi, & de-là jusqu’à l’extrémité de l’instrument. C’est en bouchant ces derniers trous qu’on fait descendre l’instrument ; la taille de ces hautbois est d’une quinte plus basse que le dessus, sonnée à vuide ; mais elle n’a que sept trous qui se bouchent. De ces sept trous le septieme est caché sous la boîte ; cette boîte est criblée ; ces petites ouvertures donnent issue au vent, ornent l’instrument, & cachent le ressort d’une clef qui sert à boucher le trou correspondant à cette boîte ; la boîte est arrêtée par deux petites branches ; le corps de la taille est applati dans toute cette capacité ; l’anche de la taille ne differe point de l’anche du dessus ; elle se ente sur un cuivret qu’on couvre d’un morceau de bois que les Luthiers appellent pirouette, qui s’emboîte dans le haut de l’instrument ; le huitieme trou ne sert qu’à donner jour des deux côtés. Mais tous les trous sont faits en biais, ensorte qu’ils répondent au-dedans de cet instrument en un autre endroit qu’au dehors ; ou pour parler plus juste, le trou & l’endroit auquel il répond, ne sont pas dans un même plan perpendiculaire à la longueur de l’instrument ; ils biaisent vers l’anche, c’est-à-dire en montant. Il arrive ainsi que les trous extérieurs étant proches, & les intérieurs éloignés, on peut facilement boucher & faire les intervalles ; la distance des trous n’est pas la même ; le quatrieme est aussi éloigné du troisieme, que le troisieme du premier, ou que le quatrieme du sixieme, & le septieme est presque aussi éloigné du sixieme, que le quatrieme du second ; cependant la différence des sons rendus est la même. Le dessus de hautbois a deux piés de long depuis l’endroit où l’anche s’adapte au corps, jusqu’à son extrémité, & neuf pouces un tiers depuis le neuvieme trou, jusqu’à la même extrémité. Il y a trois pouces & un tiers depuis le commencement du corps jusqu’au premier trou, qui est éloigné du second de treize lignes ; les autres gardent à-peu-près le même intervalle. Il n’y a que le huitieme qui soit éloigné du cinquieme de vingt-deux lignes. La taille a deux piés quatre pouces & demi de long, y compris la pirouette qui est à deux pouces & cinq lignes. De l’extrémité de la pirouette au premier trou, il y a cinq pouces & sept lignes ; du huitieme trou jusqu’à la pirouette, il y a un pié & trois quarts. Le premier trou est éloigné du second, le second du troisieme, le quatrieme du cinquieme, & le cinquieme du sixieme, d’un pouce & un tiers ; la distance du troisieme au quatrieme est double de celle-ci ; celle du sixieme au septieme, & du septieme au huitieme, est de trois pouces & deux tiers. Quant à la basse, elle est si longue, qu’au lieu d’anche, elle a un canal recourbé au bout duquel est adapté une anche. Cette basse a cinq piés depuis l’endroit où le canal tient au corps jusqu’au bout de l’instrument ; onze trous, dont les huit, neuf, dix & onze, sont cachés sous leurs boîtes ; ensorte qu’il y a dans cette capacité trois clefs, sans compter la poche qui a aussi sa clef, qui bouche l’onzieme trou. Quant à l’étendue de ces parties, le dessus, par exemple, fait la quinzieme. Après avoir tiré de l’instrument autant de tons naturels qu’il y a de trous, en forçant le vent, on en obtient d’autres plus aigus. Il est inutile de s’étendre sur les hautbois de Poitou ; ce sont les mêmes instrumens que nous venons de décrire, si on veut négliger quelque legere différence de facture. Voyez dans nos Planches de Lutherie, le dessus, la taille, & la basse de hautbois.

Hautbois, instrument de musique à vent & à anche, représenté Planche de Lutherie, parmi les instrumens à vent, est composé de quatre parties ; la premiere & la plus étroite AB, reçoit l’anche. Cette partie s’assemble avec la suivante par le moyen de la noix B, & est percée de trois trous 1, 2, 3 ; la seconde BC, qui entre dans la noix de la troisieme, est percée de cinq trous 4, 5, 6, 7, 8, & garnie de deux clés ; la troisieme CD, plus grosse que les autres, se termine par un pavillon ou entonnoir semblable à celui de la trompette ou du cors. Cette piece est percée de deux trous 9, placés vis-à-vis l’un de l’autre ; ces trous ne ferment jamais ; leur distance à l’extrémité A, détermine le ton de l’instrument.

Le hautbois est percé dans toute sa longueur comme les flûtes, avec cette différence, que leur trou s’élargit de plus en plus du côté de la patte D. Des deux clés qui ferment le septieme & huitieme trou, il n’y a que la petite qui soit tenue appliquée sur le septieme trou par son ressort, comme la clé de la flûte traversiere ; l’autre clé qui est la grande, est toûjours ouverte, & elle ne ferme comme celles du basson, que lorsque l’on appuie le doigt sur sa bascule. Voyez Clés des instrumens de musique. A l’extrémité A, on ajuste une anche GH, qui est composée de deux lames de roseau ou cannes applaties par le côté G, & arrondies par le côté H, sur une cheville de fer, sur laquelle on en fait la ligature hh, plus haut ; vers la partie G, on met un autre lien g, qui fixe les deux lames en cet endroit, & ne les laisse vibrer que depuis g jusqu’en G. Cette longueur gG, détermine le ton de l’anche. Voyez Anches des Orgues. On fait entrer les ligatures de l’anche dans le trou du hautbois par le côté A, ensorte que le plat de l’anche soit tourné du même côté que les trous 1, 2, 3, &c. sur lesquels on pose les doigts. Le hautbois en cet état est comme il doit être pour en joüer.

Pour joüer de cet instrument, il faut le tenir à-peu-près comme la flûte à bec, seulement plus élevé ; par conséquent on aura la tête droite & les mains hautes, la gauche en haut ; c’est-à-dire vers l’anche, & la droite vers le bas ou vers la patte D ; on posera ensuite les doigts sur les trous en cette sorte ; savoir le doigt indicateur de la main gauche sur le premier trou, le doigt medius sur le second, & l’annulaire ou quatrieme de la même main, sur le troisieme trou ; ensuite on posera le doigt indicateur de la main droite sur le quatrieme trou, le doigt du milieu sur le cinquieme, & le doigt annulaire de cette main sur le sixieme ; l’auriculaire ou petit doigt de la main droite sert à toucher les clés quand il est nécessaire.

On placera ensuite l’anche entre les levres justement au milieu ; on ne l’enfoncera dans la bouche que de l’épaisseur de deux ou trois lignes ; ensorte qu’il y ait environ une ligne & demie de distance depuis les levres jusqu’à la ligature g de l’anche ; on la placera de maniere que l’on puisse la serrer plus ou moins selon le besoin, & on observera de ne la point toucher avec les dents.

Tous les tons naturels se font, comme il est démontré dans la tablature de la flûte traversiere, à l’exception de l’ut en-haut & en-bas qui se font différemment. Celui d’en-bas (note onzieme) se fait en bouchant le deuxieme trou, & laissant tous les autres débouchés. La cadence se fait comme sur la flûte traversiere, excepté que l’on doit trembler sur le troisieme trou. Celui d’en-haut (note 23) se fait en débouchant tous les trous, ou bien en débouchant seulement les trois premiers, & en bouchant les 4, 5 & 6 ; il y a de plus un ut tout-en-bas, lequel n’est point démontré dans la tablature, par lequel passe l’étendue de la flûte traversiere ; il se fait en bouchant tous les trous, & appuyant le doigt sur la bascule de la grande clé, ce qui fait appliquer la soûpape sur le huitieme trou qui se trouve par ce moyen fermé, on le tremble sur cette même clé. On doit observer que l’on ne monte guere plus haut que le (note 25), ensorte que le hautbois a deux octaves & un ton d’étendue, & qu’il sonne l’unisson des deux octaves de taille & de dessus des clavecins.

Tous les dièses & bémols se font aussi conformément à la tablature de la flûte traversiere, excepté ceux qui suivent le sol b en-bas (note 53) qui se forme en débouchant le cinquieme trou tout-à-fait, & la moitié du quatrieme, & en bouchant tous les autres, excepté celui de la grande clé ; il se tremble sur le troisieme trou : le fa ♯ (note cinquieme) se fait quelquefois de même, & se tremble sur la moitié du quatrieme trou ; mais plus ordinairement on le fait sur le hautbois comme sur la flûte traversiere : le sol bémol en-haut (note quarante-unieme) se forme en débouchant tous les trous, excepté le quatrieme, & celui de la grande clé ; il se tremble aussi sur le troisieme trou : le fa ♯ (note dix septieme) se fait de la même maniere, & se tremble sur le cinquieme trou ; il se fait aussi comme sur la flûte traversiere.

Le sol ♯ ou la bémol se forme de haut & en-bas, en débouchant la moitié du troisieme trou, en bouchant le premier & le second tout-à fait, & en débouchant aussi tous les autres ; le sol ♯ se tremble sur la moitié du troisieme trou, & le bémol sur le deuxieme trou plein.

Le la ♯ ou si bémol se fait en-haut & en-bas, en bouchant le premier & le troisieme trou, & en laissant tous les autres débouchés ; l’ut ♯ ou bémol (notes douzieme & quarante-sixieme) se forme en débouchant le premier trou, & en bouchant tous les autres, même celui de la grande clé ; l’ut ♯ se tremble sur la clé avec le petit doigt ; le bémol se tremble sur le sixieme trou, tous les trous bouchés, ou comme sur la flûte traversiere. Ce demi-ton se fait au si à l’octave en-haut, en forçant le vent & serrant l’anche avec les levres.

On doit observer en joüant de cet instrument, de fortifier le vent à mesure que l’on monte, & de serrer en même tems les levres.

A l’égard des coups de langue, flattemens, battemens, &c. ils se font comme sur la flûte traversiere. Voyez l’article Flûte traversiere.

Quant à l’explication de la formation du son dans le hautbois, & autres instrumens à hanche, voyez l’article Trompette, jeu d’orgue.