L’Encyclopédie/1re édition/HARUSPICE

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 60).
◄  HARUDES

HARUSPICE, s. m. (Divinat.) chez les Romains c’étoient des ministres de la religion chargés spécialement d’examiner les entrailles des victimes, pour en tirer des présages, & par-là connoître ou conjecturer l’avenir.

Nous croyons qu’on doit écrire ainsi ce mot haruspices, parce qu’il est dérivé d’haruga, qui chez les premiers Romains signifioit les entrailles des victimes, & du verbe aspicere, voir, considérer ; ou comme d’autres le pensent, d’hara, hostia, une victime. Quoique quelques-uns soûtiennent que l’on doit orthographier aruspices, dérivant ce mot d’aras & inspicere, avoir l’inspection des autels ; mais on sait que cette inspection n’étoit pas la fonction principale de ces prêtres payens, & qu’au contraire leur marque distinctive étoit d’examiner les entrailles des animaux offerts en sacrifice.

Le P. Pezron dit que ce mot étoit originairement formé du celtique au, foie, & de spicio, je regarde ou considere ; mais que ce terme paroissant aux Romains dur à la prononciation, ils l’adoucirent en faisant celui d’aruspex, qui est moins rude qu’auspex. On trouve dans Festus ce mot harviga ou hardiga, par lequel il entend une victime dont on considere les entrailles, tandis qu’elles sont encore en entier ou dans leur état naturel. Sur quoi M. Dacier observe que harviga est dérivé du grec ἀρὶς, bélier, parce que c’étoit proprement un bélier qu’ils immoloient d’abord ; mais dans la suite ce nom devint commun à toutes sortes de victimes.

Les Etruriens étoient de tous les peuples d’Italie ceux qui possédoient le mieux la science des haruspices. C’étoit de leur pays que les Romains appelloient ceux dont ils se servoient. Ils envoyoient même tous les ans en Etrurie une certain nombre de jeunes gens pour être instruits dans les connoissances des haruspices ; & de peur que cette science ne vînt à s’avilir par la qualité des personnes qui l’exerçoient, on choisissoit ces jeunes gens parmi les meilleures familles de Rome. Il paroît en effet que sous les rois & dans les premiers tems de la république, cet art fut fort respecté ; mais il n’en fut pas de même, lorsque les Romains polis par le commerce & les sciences des Grecs devinrent plus éclairés. Leurs savans & leurs beaux esprits plaisantoient sur le compte des haruspices. Cicéron, dans le livre II. de la nature des dieux, nous a conservé le mot de Caton, qui disoit qu’il ne concevoit pas comment un haruspice pouvoit en regarder un autre sans rire ; & combien de lecteurs riront du mot de Caton, qui ne s’appercevront pas de l’application qu’on leur en feroit ! Il y avoit à Rome un collége d’haruspices particulierement chargés du culte de Jupiter tonnant. On les nommoit encore extispices. Voyez Extispices. (G)