L’Encyclopédie/1re édition/GARGARISME

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GARGARISME, s. m. terme de Chirurgie, forme de médicament topique, destiné à laver la bouche dans les différentes affections de cette partie.

On compose différemment les gargarismes, suivant les diverses intentions qu’on a à remplir. La décoction des racines, feuilles, fleurs, fruits ou semences, se fait dans de l’eau, dans du vin blanc ou rouge, dans du lait : des eaux distillées sont aussi quelquefois la base des gargarismes. On ajoûte à la liqueur des sirops, des mucilages, des élixirs. En général la formule d’un gargarisme admet sur six onces de décoction, deux onces de sirop, deux ou trois dragmes de poudre, & des substances mucilagineuses à une quantité bornée, pour ne pas ôter à la composition la fluidité qu’elle doit avoir. On a l’attention de ne point faire entrer dans les gargarismes, de drogue, qu’il seroit dangereux d’avaler : le collyre de Lanfranc, par exemple, est un excellent détersif dans les ulceres putrides de la bouche ; mais quand on s’en sert, ainsi que de différens esprits acides & caustiques, tels que l’esprit de sel qui arrête puissamment le progrès des escarres gangreneuses, on touche avec précaution les parties, avec un pinceau chargé du médicament irritant ; & on fait ensuite laver la bouche & gargariser avec un liquide convenable, avant que de permettre au malade d’avaler sa salive. Les drogues fort ameres, telles que l’agaric blanc & la coloquinte, sont communément proscrites de la formule des gargarismes ; la décoction & le sirop d’absynthe sont exceptés : on en fait de bons gargarismes détersifs dans les aphthes putrides. La décoction de quinquina & de sommités de sapin, avec de l’esprit de vitriol jusqu’à une agréable acidité, donne une liqueur anti-septique, fort convenable dans les esquinancies gangreneuses.

Les gargarismes émolliens & anodyns, se font avec les racines d’althæa, les feuilles de mauves, les semences de lin & de fenugrec, cuites dans de l’eau ou dans du lait. La décoction de figues grasses est adoucissante & maturative. La décoction des plantes vulnéraires avec du miel, & à laquelle on ajoûte du sirop de roses seches, est un gargarisme détersif pour les ulceres de la bouche qui n’ont aucune malignité. Lorsqu’il est question de resserrer & de fortifier, on fait bouillir ces plantes dans du vin. Les gargarismes astringens se font avec l’écorce de grenades, les balaustes, le sumach, & les roses rouges, cuites dans du gros vin. Les gargarismes rafraîchissans se font avec la décoction d’orge & du sirop de mûres, en y ajoûtant quelques gouttes d’esprit de vitriol. On préfere l’esprit de cochléaria dans les gargarismes anti-scorbutiques. Voyez Scorbut. Le vinaigre & l’eau donnent une liqueur rafraîchissante très-simple. Il n’y a point de maladies plus communes que les maux de gorge inflammatoires. Voyez Esquinancie. Les gargarismes repercussifs dont on se sert quelquefois imprudemment dans cette maladie, sont une cause de métastase sur le poumon : M. Recolin qui a lû un mémoire sur cette matiere intéressante, à la séance publique de l’académie royale de Chirurgie, en 1756, joint son expérience aux observations des plus grands maîtres, pour démontrer le danger des gargarismes repercussifs dans ce cas. Il remarque que les anciens qui recommandoient en général ses topiques qui ont cette vertu dans le commencement de toutes les inflammations, ont posé pour exception les cas où la métastase étoit à craindre. Pourquoi ne pas faire l’application d’un principe si lumineux & si sûr aux esquinancies inflammatoires ? Les remedes froids dont on use impunément dans les inflammations legeres, font presque toûjours refluer l’humeur sur le poumon, lorsque la fluxion a saisi vivement. Voyez ci-devant au mot Gargariser, la façon de se servir des gargarismes. (Y)

Gargarisme, (Man. Marechall.) médicament liquide, & propre à humecter les parties de la bouche & de l’arriere-bouche de l’animal. C’est une espece d’infusion ou de décoction, ou de suc exprimé, ou de mixture moyenne, &c. & il offre de véritables ressources dans des cas d’inflammation, de sécheresse, de tumeurs, d’ulceres, d’aphthes dans l’une ou l’autre de ces cavités.

Son efficacité ne sauroit être rapportée ni à une collution réelle, car nous ne connoissons aucun moyen de forcer l’animal d’agiter la liqueur dans sa bouche, de maniere que toutes les parties en soient imbibées, détergées & pénétrées ; ni au séjour que le remede y fait, car il nous est impossible de le contraindre à l’y retenir long-tems : il ne peut donc être salutaire que par l’attention que l’on a d’en renouveller souvent l’usage.

L’impuissance où nous serions encore d’inviter avec succès l’animal à prendre le fluide que nous lui présenterions, ne nous laisse que la voie des injections. Nous poussons le gargarisme avec une seringue dont l’extrémité de la canule ou du syphon, qui présente une forme ovalaire & legerement arrondie, est percée de plusieurs trous, semblables à ceux dont sont percés les arrosoirs ; & pour l’adresser plus sûrement au lieu qu’il importe de baigner, nous faisons ouvrir la bouche du cheval par le secours d’un pas-d’âne ou autrement, s’il s’agit néanmoins d’humecter les parties qu’elle renferme. Lorsqu’il est question de porter la liqueur dans l’arriere-bouche & au-delà de la cloison du palais, nous dirigeons notre injection dans les nazeaux, à l’aide d’un syphon percé d’une seule ouverture ; & cette route l’y conduit directement, parce qu’elle enfile les arriere-narines. Cette pratique est sans doute préférable à celle d’introduire des médicamens jusque dans le fond du gosier par le moyen d’un nerf de bœuf, aux risques d’estropier l’animal, & d’augmenter tous les accidens qu’un ignorant s’efforce toujours vainement de combattre.

Au surplus, le choix des matieres à injecter dépend du genre de la maladie ; ainsi il est des gargarismes antiseptiques, antiphlogistiques, résolutifs, rafraîchissans, émolliens, détersifs, consolidans, &c. & l’on doit ne faire entrer dans leur composition aucune chose qui, prise intérieurement, pourroit nuire & préjudicier au cheval. (e)