L’Encyclopédie/1re édition/FRONDE

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FRONDE, s. f. (Hist. & Méchan.) instrument de corde & à main, dont on se servoit autrefois dans les armées pour lancer des pierres, & même des balles de plomb avec violence.

Pline prétend que les peuples de la Palestine sont les premiers qui se soient servies de la fronde, & qu’ils y étoient si exercés, qu’ils ne manquoient jamais le but. Un passage de l’Ecriture rapporté par le pere Daniel dans son histoire de la Milice françoise, prouve leur adresse en ce genre. On trouve dans ce passage qu’il y avoit dans la ville de Gabaa sept cents frondeurs, qui tiroient si juste, qu’ils auroient pû sans manquer toucher un cheveu, sans que la pierre jettée se fût détournée de part ou d’autre[1].

Les habitans des îles Baléares, aujourd’hui Majorque & Minorque, ont été aussi très-fameux chez les anciens, par leur habileté à se servir de cette arme. Dans les expéditions militaires ils jettoient, suivant Diodore de Sicile, de plus grosses pierres avec la fronde qu’avec les autres machines de jet. « Quand ils assiégent une place, dit cet auteur, ils atteignent aisément ceux qui gardent les murailles ; & dans les batailles rangées ils brisent les boucliers, les casques, & toutes les armes défensives de leurs ennemis. Ils ont une telle justesse dans la main, qu’il leur arrive peu souvent de manquer leur coup. Ce qui les rend si forts & si adroits dans cet exercice, continue ce même auteur, c’est que les meres même contraignent leurs enfans quoique fort jeunes encore, à manier continuellement la fronde. Elles leur donnent pour but un morceau de pain pendu au bout d’une perche, & elles les font demeurer à jeun jusqu’à ce qu’ils ayent abattu ce pain ; elles leur accordent alors la permission de le manger ». Diodore de Sicile, trad. de M. l’abbé Terrasson, tom. II. pag. 217.

Vegece rapporte aussi à ce sujet que les enfans de ces îles ne mangeoient d’autre viande que celle du gibier qu’ils avoient abattu avec la fronde.

Les frondeurs, conjointement avec les archers ou gens de trait, servoient à escarmoucher au commencement du combat ; & lorsqu’ils avoient fait quelques décharges ou qu’ils étoient repoussés, ils se retiroient derriere les autres combattans, en passant par les intervalles des troupes.

Les Romains ainsi que les autres nations avoient des frondeurs dans leurs armées ; voyez Vélites.

« Nos peres, dit Vegece, se servoient de frondeurs dans leurs batailles. En effet des cailloux ronds lancés avec force font plus de mal malgré les cuirasses & les armures, que n’en peuvent faire toutes les fleches ; & l’on meurt de la contusion sans répandre une goutte de sang. » Trad. de Vegece par M. de Sigrais.

Les Francois ont fait aussi usage de la fronde dans leurs armées. Ils ont même continué de s’en servir long-tems après l’invention de la poudre à canon. D’Aubigné rapporte qu’au siége de Sancere en 1572, les paysans huguenots refugiés dans cette ville s’en servoient pour épargner la poudre.

Selon Vegece, la portée de la fronde étoit de six cents pas. Voyez ci-devant Frondeurs. (Q)

L’effet de la fronde vient principalement de la force centrifuge. La pierre qui tourne dans la fronde tend continuellement à s’échapper par la tangente (voyez Centrifuge & Force), & tend la fronde avec une force proportionnelle à cette force centrifuge ; elle est retenue par l’action de la main qui en faisant tourner la fronde, s’oppose à la sortie de la pierre ; & elle s’échappe par la tangente dès que l’action de la main cesse. On trouve au mot Central des théoremes par lesquels on peut déterminer aisément la force avec laquelle une fronde est tendue, la vîtesse de la pierre étant donnée. Cette force est à la pesanteur de la pierre, comme le double de la hauteur d’où la pierre auroit dû tomber pour acquérir la vîtesse avec laquelle elle tourne, est au rayon du cercle. Voyez aussi le mot Force. Il est bon de remarquer que la pesanteur du corps altere un peu cette force de tendance, en la diminuant dans la partie supérieure du cercle, & en la favorisant dans la partie inférieure ; il est bon de remarquer aussi que cette même pesanteur empêche la vîtesse d’être absolument uniforme, mais nous supposons ici, comme il arrive dans la fronde, que la pierre tourne avec une très-grande vîtesse, ensorte que l’effet de la pesanteur puisse être regardé comme nul. (O)

Fronde, terme de Chirurgie, bandage à 4 chefs, ainsi appellé parce qu’il représente une fronde. On l’employe à contenir les médicamens, les plumaceaux & les compresses sur différentes parties du corps : comme à la tête, au nez, aux levres, au menton, aux aisselles, & ailleurs. Il se fait avec une bande ou un morceau de linge d’une largeur & d’une longueur convenables à la partie sur laquelle on veut l’appliquer. Aux levres, par exemple, la bande ne doit pas avoir plus d’un bon pouce de large ; & pour le menton, on prend un morceau de linge de quatre travers de doigts. Une fronde est fendue également en deux, suivant sa longueur, jusqu’à trois ou quatre travers de doigts du milieu. Le plein de la fronde s’applique sur les compresses dont on recouvre la partie malade, & les chefs de chaque côté se croisent & vont s’attacher à la partie opposée. Voyez fig. 20. Pl. II. la fig. 7. Pl. XXVII. représente l’application de ce bandage à la levre supérieure. (Y)


  1. Habitatores Gabaa, qui septingenti erant viri fortissimi… sic fundis lapides ad certum jactentes, ut capillum quoque possint percutere, & nequaquam in alteram partem ictus lapidis deferretur. L. Jud. cap. xx.