L’Encyclopédie/1re édition/FRISER
FRISER, v. act. (Perruquier.) c’est l’action de faire prendre des boucles aux cheveux, soit sur la tête de l’homme, soit détachés de sa tête. Sur la tête de l’homme, on les peigne, on en saisit une portion par la pointe, on leur fait faire plusieurs tours sur eux-mêmes, ensorte que la boucle soit en-dessus ; on enferme cette boucle dans un papier coupé triangulairement, dont on rabat deux angles l’un sur l’autre, & qu’on fixe en le tordant par le bout. Quand tous les cheveux sont ainsi préparés, ce qu’on appelle mis en papillottes, on a un fer plat fort chaud ; ce fer a des branches comme une paire de ciseaux ; ces branches sont terminées au-delà du clou par deux plaques rondes, fortes, & épaisses ; on saisit la papillotte entre ces plaques ; on la serre fortement ; & l’action de la chaleur fait prendre aux cheveux les tours ou la frisure qu’on leur a donnée ; on les peigne derechef ; on les oint d’essence ou de pommade ; on les poudre ; on dispose les boucles comme on le souhaite ; on les poudre encore, & la tête est frisée. Quant à la frisure des cheveux détachés de la tête, dont on fait ou des tours de cheveux ou des perruques, voyez l’article Perruque.
Friser les Sabords, (Marine.) c’est mettre une bande d’étoffe de laine autour des sabords, qu’on ne calfate pas, afin d’empêcher que l’eau n’entre dans le vaisseau. (Q)
* Friser les Etoffes de Laine ; cette opération s’exécute par le moyen d’une machine.
Cette machine sert à velouter en quelque sorte les étoffes de laine, dont elle cache le défaut, en formant dessus une espece de grain, uniformément répandu sur toute sa surface : on y frise cependant des bonnes étoffes ; mais pour l’ordinaire, celles qui sont mauvaises ou médiocres, sont soûmises à cette préparation, pour pouvoir les vendre avec plus d’avantage.
L’étoffe frisée est-elle bonne pour garantir du froid ou de la pluie ? On pense qu’elle n’est bonne ni pour l’une ni pour l’autre chose.
Si on veut la faire valoir pour se garantir du froid, il seroit nécessaire de mettre la frisure en-dedans & non en-dehors. Si on veut se garantir de la pluie, le poil relevé n’en laisse pas perdre une goutte. Quelle est donc son utilité ? Le goût bisarre des hommes les a déterminés à saisir avidement cette invention dont tout le mérite ne consiste que dans la nouveauté.
La machine à friser est composée d’une grande cage de plusieurs pieces de bois de charpente. Voyez nos Planches de Draperie. Sa longueur est telle, que les draps les plus larges peuvent y passer librement : deux tables, dont l’une est mobile & l’autre dormante, sont tout le secret de cette invention : la table immobile est un fort madrier de bois de chêne d’environ six pouces d’épaisseur, fortement assemblé avec des sommiers qui traversent les faces latérales.
La table mobile est une forte planche de bois de chêne d’environ deux pouces d’épaisseur, enduite par-dessous d’une couche de ciment d’asphalte d’un demi-pouce d’épaisseur, dans lequel on a mêlé des cailloux pilés & non pulvérisés ; il faut seulement qu’ils soient réduits à la grosseur de la graine de chenevis. On dresse la face du ciment qui doit porter sur l’étoffe, en frottant la table ainsi chargée sur une grande piece bien droite, sur laquelle on a répandu du grès en poudre, de même que l’on dégrossit les glaces. Voyez à l’art. Verrerie, le travail des glaces.
Cette table s’applique sur l’étoffe que l’on a posée sur la premiere, contre laquelle on la fait presser au moyen de plusieurs étrésillons aaa, qui portent par leurs extrémités supérieures contre une planche bb, & par leurs extrémités inférieures sur la table mobile DD. La planche bb, contre laquelle les bâtons ou étrésillons aaa portent par leur partie supérieure, porte elle-même contre trois planches c d, c d, c d, cloüées à la partie inférieure du chassis qui sert de couronnement à la machine ; ensorte que les deux tables sont comprimées l’une contre l’autre par la force élastique des planches c d. On serre plus ou moins les tables l’une contre l’autre, en introduisant des calles entre le pié des étrésillons & la table mobile.
Pour faire mouvoir cette table, il y a un arbre AB, auquel le mouvement est communiqué, au moyen de la lanterne E, par un manége ou une roue à l’eau. Aux extrémités de cet arbre, qui est horisontal, sont deux roues à couronne, garnies d’un nombre d’aluchons convenable pour faire tourner promptement les deux lanternes GG ; une de ces roues est en-dedans de la cage, & l’autre en-dehors ; & leurs aluchons regardent du même côté, pour faire tourner les deux lanternes du même sens : ces deux lanternes, aussi-bien que les roues qui les conduisent, doivent avoir exactement les mêmes nombres. La tige de ces lanternes traverse par sa partie supérieure les sommiers qui soûtiennent la table immobile. La partie inférieure de la tige, qui est faite en pivot, entre dans une crapaudine de cuivre ajustée sur un sommier, placé parallelement & à une distance convenable, au-dessous de celui qui soûtient la table. Plus bas est encore un autre sommier soûtenu par deux tasseaux, qui reçoit sur des coussinets les tourillons du grand arbre AB. La partie supérieure de la tige des lanternes GG, après avoir traversé la table immobile, est un peu coudée, comme on peut voir en X, dans la partie qui traverse la table mobile ; ensorte que le centre de ce tourillon décrit un cercle autour de l’axe vrai de la lanterne ; ce qui fait décrire à chaque point de la table un semblable cercle : ces cercles peuvent avoir environ quatre lignes de diametre. Par ce moyen ingénieux, chaque pointe de caillou dont la table est parsemée, accroche plusieurs poils de l’étoffe qui doit avoir été chardonnée avant d’être mise à la frise, & en forme une petite houppe ; ce qui est ce qu’on se propose de faire : par cette méchanique, ces houppes sont d’autant plus également parsemées sur l’étoffe, que la table mobile l’est de petites pointes de cailloux.
Pour retirer l’étoffe d’entre les tables où elle est fortement serrée par les étresillons, on a un arbre cylindrique MN, placé à la partie moyenne & antérieure de la machine, qui est revêtu de vieilles cordes, dont on resserre seulement les basannes armées de leurs pointes ; on les attache sur la surface du rouleau, comme elles étoient sur le fût de la carde, observant que la pointe des crocs regarde la partie vers laquelle elles marchent : le mouvement est communiqué à cet arbre par le moyen d’une ou plusieurs roues qui sont menées par une lanterne fixée à l’extrémité de l’arbre AB, à l’autre extrémité duquel est un volant LLLL, dont l’usage est d’entretenir le mouvement & son égalité dans la machine. Voyez Volant.
Du rapport des dents des roues IK, & des lanternes OP, dépend la vîtesse du rouleau MN, qui tire à chaque révolution une longueur d’étoffe égale à sa circonférence, par le moyen des pointes dont il est armé, qui accrochent l’étoffe par son envers, & l’amenent insensiblement toute entiere. L’étoffe est guidée à l’entrée & à la sortie d’entre les tables, par deux bâtons très-polis Hh. Le bâton h est celui qui conduit l’étoffe entre les tables, à mesure qu’elle s’avance pour être frisée, & l’autre bâton H la guide, après qu’elle a été préparée ; ensorte qu’elle entre & qu’elle sort presque horisontalement.
Friser, terme d’Imprimerie ; on exprime par ce mot le mauvais effet d’une ligne d’impression qui paroît doublée sur elle-même. Ce défaut provient souvent de la façon dont un ouvrier gouverne sa presse, soit en négligeant de faire de legers changemens dans l’ordre de ses parties, ou de faire rétablir quelques-unes de ses mêmes parties qui se sont affoiblies par l’usage, ou enfin en travaillant non-chalamment & avec inégalité de force & de précision. Dans tous ces cas l’ouvrier peut y remédier ; mais il ne le peut jamais si le défaut provient de la mauvaise construction d’une presse.
Friser, en termes de Plumassier, c’est replier les franges de plumes sur elles-mêmes en forme de boucles de cheveux ; ce qui se fait en tirant la plume entre un couteau à friser & le doigt, ou tout autre chose qui a quelque consistance.