L’Encyclopédie/1re édition/FRANGE

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* FRANGE, s. f. (Rubannier.) vient de frangere, rompre, déchirer, enlever ; vient de ce qu’avant l’invention des franches & effilés, on effiloit réellement les extrémités & bords des étoffes & du linge, sur-tout lorsqu’ils commençoient à s’user ; & pour cacher ce défaut on effiloit plus ou moins avant suivant le besoin : de-là les différentes hauteurs des franges, les endroits usés occasionnant quelquefois des inégalités dans cet effilage, on achevoit de couper le tout suivant le contour de ces inégalités : de là les franges festonnées. Il y a des franges d’or, d’argent ou de soie, pour les ornemens d’église, les garnitures de carrosse, les garnitures de juppe, qui toutes sont guipées. Enfin il y en a d’unies & de festonnées, de toutes hauteurs, couleurs, & matieres que le métier peut employer.

Les franges pour les ornemens d’église, pour les carrosses & pour les tours de juppe, sont toutes faites au moule. Voyez Moule. Il s’en fait de différentes couleurs, ou d’une seule. Il y a de plusieurs sortes de façons de les faire de différentes couleurs, soit en mélangeant ensemble ces couleurs, ou en travaillant une certaine quantité de duites avec une couleur, puis avec une autre, & cela alternativement autant qu’il y a de couleurs différentes. Cette façon n’est guere d’usage que pour les ornemens d’église : cela se pratique plus volontiers, lorsque l’étoffe de ces ornemens est de plusieurs couleurs. Il se fait des franges pour les vestes en nœuds, graine d’épinards, sourcils d’hannetons, enfin de toutes les façons. La fécondité des ouvriers en ce genre est inconcevable, ils savent par mille mains-d’œuvres ingénieuses réveiller le goût & satisfaire l’inconstance. Voyez Tisser, Guiper.

La frange est composée de trois parties, qui sont la chaînette, la tête & le corps.

Quand la frange est tout-à-fait basse, on l’appelle mollet.

Quand la tête en est large & ouvragée à jour, & que les fils en sont plus longs & plus pendans qu’aux franges ordinaires, on la nomme crêpine.

Il y a des franges de soie torse, & d’autres dont la soie n’est pas torse : ces dernieres se nomment franges coupées.

On attache les franges & les crêpines par la tête, & de maniere que les filets tombent toujours perpendiculairement en em-bas.

Le mollet au contraire peut s’appliquer comme on veut ; parce que les fils en sont si courts, qu’ils se soûtiennent d’eux mêmes.

Il n’y a que les Tissutiers-Rubaniers qui peuvent fabriquer des franges ; c’est pourquoi on les appelle aussi Frangiers, quoique les statuts de leur métier ne leur donnent point cette qualité.

Les franges & les mollets font partie du commerce des Merciers, qui peuvent même en faire fabriquer, pourvû que ce soit par les Tissutiers-Rubaniers.