L’Encyclopédie/1re édition/FONDRE
* FONDRE, v. act. (Gram.) c’est l’action de mettre en fusion ou sous une forme fluide, par l’action du feu, un minéral, du verre, une pierre, ou un autre corps solide. Ce mot se prend au simple & au figuré.
Fondre des Actions, des Billets, (Commerce.) expression assez récente parmi nous, introduite dans le commerce du papier presqu’en même tems que la compagnie des Indes & la banque royale ont été établies en France. Elle signifie se défaire de ses billets, vendre ses actions pour de l’argent comptant ; & comme pour l’ordinaire cette vente ne se fait qu’avec perte de la part du vendeur, cette expression se prend plûtôt en mauvaise qu’en bonne part. Dictionn. de Commerce, Trév. Chamb. (G)
Fondre, c’est l’action de liquéfier la cire par le moyen du feu. Le point essentiel de cette opération est de donner le degré de chaleur convenable, de connoître, & de saisir l’instant où la fonte est parfaite. Cet instant n’est pas d’une minute, & d’une minute dépend la perte de plusieurs milliers de cire : de la chaudiere où elle a été fondue, elle tombe par un robinet dans une cuve, où elle refroidit pendant trois heures, après lesquelles on la met en rubans. Voyez Rubans & l’article Blanchir, où toutes ces opérations sont détaillées.
Fondre, en Fauconnerie, se dit du faucon, lorsque soûtenu sur ses aîles à une grande élévation, il vole en descendant avec impétuosité pour se saisir d’un oiseau.
Fondre, (Jardinage.) se dit d’une plante qui périt, ou qui pourrit en pié ; ce qui arrive souvent quand on lui donne trop d’eau ou trop de soleil ; si étant enfermée dans la serre, elle n’a pas eu assez d’air, ou qu’elle n’ait pas joüi d’un air nouveau, il n’en faut pas davantage pour la suffoquer. On peut s’il y a une autre chambre à la serre, l’ouvrir de tems en tems : ce lieu se remplit d’air extérieur, & refermant ensuite la porte, & ouvrant celle qui se communique avec la serre, l’air extérieur y entrera sans risquer que les arbres en souffrent.
En fait de légumes, fondre, est périr faute d’eau ; pour les melons, c’est devenir à rien. (K)
* Fondre, (à la Monnoie.) c’est jetter le métal en fusion dans les moules formés par les planches gravées. Voy. les Planches gravées de Monnoyage. Comme la maniere de fondre à la Monnoie ne differe en rien de celle que l’on suit dans les atteliers des Fondeurs ; on renvoye à l’article Monnoie.
Fondre, en Peinture, c’est bien mêler les couleurs. Des couleurs bien fondues ; fondre les bruns avec les clairs, de façon que le passage des uns aux autres soit insensible.
On dit : il y a une belle fonte de couleur dans ce tableau : il faut fondre ses couleurs avant de donner les dernieres touches. (R)
Fondre, en terme de Fondeur de petit plomb, c’est liquéfier le plomb par le moyen du feu sur lequel on l’expose dans un vase pour le couler, & lui faire prendre la forme qu’on veut dans le moule.
* Fondre l’Étain et le jetter en moule. Lorsqu’un potier d’étain veut mettre l’étain en œuvre, il le fait d’abord fondre ; il faut avoir une chaudiere de fer qui tienne à proportion de ce qu’on a à fondre. Ceux qui fondent des saumons ont des fosses ; c’est une sorte de trou plus long que large, bâti en brique sous une cheminée ; on met le feu dedans la fosse & les lingots sur la flamme du bois qu’on y allume, & à l’aide d’un soufflet à main, pareil à celui dont se servent les Orfévres, ils fondent plus aisément & plus promptement. A mesure que l’étain fond, la braise & la cendre nagent sur l’étain, & on les dérange avec la cuilliere de fer avec laquelle on jette en moule, pour prendre l’étain net.
De tems en tems, on retire les cendres qui s’amassent sur l’étain, c’est ce qu’on appelle déchet : on les réserve à part ; & quand on en a une quantité, on les lave d’une maniere qui sépare la cendre & le charbon qui se trouvent mêlés d’étain, & cet étain se fond dans une chaudiere le feu dessous ; & par le moyen de la graisse & du suif qu’on y met dedans, on réduit l’étain.
Il y en a qui pour fondre, ont une chaudiere qui est massonnée tout-autour, & le feu est sur l’étain comme dans la fosse. Enfin d’autres (& c’est assez l’usage en province, où on ne fond pas souvent des saumons) mettent la chaudiere sur un trépié le feu dessous.
Il faut préparer ses moules avant de jetter dedans ; on sait que les moules sont ordinairement de cuivre ou potin ; les moules de vaisselle sont de deux pieces, la chape qui forme le dessous de la piece, soit plat, assiette, écuelle ou bassin, & le noyau qui forme le dedans. (Voyez la description aux figures.) Cette préparation est de les écurer, puis d’y répandre dans tous les endroits où l’étain doit couler, avec un pinceau de crin, de la ponce en poudre délayée dans du blanc d’œuf, ce qui s’appelle poteyer les moules : après quoi on met chauffer le moule en-dehors sur le feu, afin qu’il soit assez chaud pour recevoir l’étain ; on met quelques morceaux de fer en-travers sur la fosse pour supporter les moules.
Il faut observer que la science pour bien jetter, consiste à conserver le degré de chaleur tant de l’étain fondu que du moule ; si l’étain chauffe trop, il s’aigrit, il faut y mettre quelque piece qu’on réserve pour le rafraîchir ou diminuer le feu. Si le moule s’échauffe trop, ce qui arrive ordinairement aux endroits où l’étain tombe en jettant, & où il revient ; on le rafraîchit avec de l’eau qu’on y applique par-dehors avec un bâton entortillé de linge mouillé par un bout qu’on nomme patroüille. On connoît que le moule ou l’étain sont trop chauds quand les pieces viennent grumeleuses. Les grumelures sont des petits trous sans nombre, qui ne percent pas la piece, mais la gâtent fort, parce qu’ils paroissent après le tour & la forge ; ainsi on aime mieux jetter un peu plus froid que trop chaud ; car s’il vient quelques trous aux pieces on les reverche. Voyez Revercher. Il est vrai que la vaisselle d’étain fin doit être jettée plus chaude que le commun, parce qu’on la paillonne pour remplir les grumeaux, & qu’elle en sonne mieux. Voyez Paillonner.
Voici la façon de jetter la vaisselle. Quand le moule est chaud comme il faut, on le prend avec des morceaux de chapeau, qu’on appelle des feutres ; on porte le noyau sur la selle à jetter, & on le pose sur la tenaille (selle & tenaille a jetter, voyez aux figures). Ensuite on le ferme avec la chape ; & posant un morceau de bois de travers sous la tenaille, on la serre avec un anneau de fer qui presse les dents de la queue de la tenaille. On dresse le moule le jet en-haut ; & puisant de l’étain d’une main dans la fosse ou chaudiere, on jette sa piece tout d’un jet, & dès qu’elle est prise, on abaisse le moule, on frappe sur le côté de la chape avec un maillet de bois de la main droite en enlevant la chape par la poignée de la gauche, le moule s’ouvre, & on dépouille la piece avec un couteau de dessus le noyau où elle tient ordinairement ; & de la sorte on jette successivement autant de pieces qu’on a besoin.
Les moules de poterie sont de quatre pieces pour un bas & autant pour un haut, savoir deux chapes qui forment le dehors de la piece, & deux noyaux pour le dedans ; ces noyaux ont un cran qu’on nomme portée, qui tiennent les chapes en place, & le jet tient aux chapes. On les prépare comme ceux de vaisselle ; il y en a qui les poteyent d’ocre ou de suye, chacun à sa maniere ; mais on jette entre ses genoux, sur lesquels on a la précaution de mettre de vieux chapeaux forts ; les noyaux ont des queues où on met des manches de bois qui servent à les manier, & pour les chapes on les met & on les ôte avec des feutres ; quand on a emboîté ses quatre pieces, on couche le moule de côté le jet en-haut entre ses genoux, & on dépouille en frappant avec un maillet de bois sur la portée des noyaux chaque piece de moule l’une après l’autre, les noyaux les premiers, & ensuite les chapes.
Quand la chaudiere ou fosse ne peuvent tenir tout l’étain qu’on a à fondre & jetter en un jour, il y en a qui interrompent de jetter lorsqu’un moule est fini pour fondre d’autre étain, & d’autres qui fondent & jettent en même tems, parce qu’ils y proportionnent leur feu.