L’Encyclopédie/1re édition/EXTRÈME-ONCTION

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EXTRÈME-ONCTION, s. f. (Théol.) sacrement de l’église catholique, institué pour le soulagement spirituel & corporel des malades, auxquels on le donne en leur faisant diverses onctions d’huile benite par l’évêque, qu’on accompagne de diverses prieres qui expriment le but & la fin de ces onctions. Sa matiere est l’huile, & sa forme la priere. Voyez Sacrement, Onction, Forme, Matiere, &c.

Les Protestans ont retranché l’extrème-onction du nombre des sacremens, contre le témoignage formel de l’Ecriture & la pratique constante de l’Eglise pendant seize siecles.

On l’appelle extrème-onction, parce que c’est la derniere des onctions que reçoit un chrétien, ou qu’on ne la donne qu’à ceux qui sont à l’extrémité, ou au moins dangereusement malades. Dans le treizieme siecle on la nommoit onction des malades, unctio infirmorum, & on la leur donnoit avant le viatique ; usage qui, selon le P. Mabillon, ne fut changé que dans le treizieme siecle, mais qu’on a pourtant conservé ou rétabli depuis dans quelques églises, comme dans celle de Paris.

Les raisons que ce savant bénédictin apporte de ce changement, c’est que dans ce tems-là il s’éleva plusieurs opinions erronées, qui furent condamnées dans quelques conciles d’Angleterre. On croyoit, par exemple, que ceux qui avoient une fois reçû ce sacrement, s’ils venoient à recouvrer la santé, ne devoient plus avoir de commerce avec leurs femmes, ni prendre de nourriture, ni marcher nuds piés : quoique toutes ces idées fussent fausses & très-mal fondées, on aima mieux, pour ne pas scandaliser les simples, attendre à l’extrémité pour conférer ce sacrement ; & cet usage a prévalu. On peut voir sur cette matiere les conciles de Worcester & d’Excester en 1287 ; celui de Winchester en 1308 ; & le P. Mabillon, act. SS. bened. sæc. iij. pag. 1.

La forme de l’extrème-onction étoit autrefois indicative & absolue ; comme il paroît par celle du rit ambrosien, citée par S. Thomas, S. Bonaventure, Richard de Saint-Victor, &c. Arcudius, liv. V. de extrem. unct. cap. v. en rapporte aussi de semblables, usitées chez les Grecs : cependant généralement chez ceux-ci elle a été déprécative, ou comme en forme de priere ; celle qu’on lit dans l’euchologe, pag. 417, commence par ces mots, Pater sancte, animarum & corporum medice, &c. Celle de l’église latine est aussi déprécative depuis plus de 600 ans : on trouve celle-ci dans un ancien rituel manuscrit de Jumiege, qui a au moins cette antiquité : Per istam unctionem & suam piissimam misericordiam indulgeat tibi Dominus quidquid peccasti per visum, &c. qu’on trouve dans tous les rituels faits depuis ; & ainsi des autres oraisons, relatives aux onctions qui se font sur les différentes parties du corps du malade.

Ce sacrement est en usage dans l’église greque & dans tout l’Orient, sous le nom de l’huile sainte. Les Orientaux l’administrent, avec quelques circonstances différentes de celles qu’employent les Latins ; car prenant littéralement ces paroles de l’apôtre S. Jacques dans son épître, ch. v. v. 4, Infirmatur quis in vobis ? Inducat presbyteros ecclesiæ, & orent super eum ungentes eum oleo in nomine Domini, &c. ils n’attendent pas que les malades soient à l’extrémité, ni même en danger ; mais ceux-ci vont eux-mêmes à l’église, où on leur administre ce sacrement toutes les fois qu’ils sont indisposés : c’est ce que leur reproche Arcudius, lib. V. de extrem. unct. cap. ult. Cependant le P. Goar en reconnoissant la réalité de cet usage dans les églises orientales, dit que cette onction n’est pas sacramentelle, mais cérémonielle, & donnée aux malades dans l’intention de leur rendre la santé ; comme on a vû quelquefois dans l’église latine, des évêques & de saints personnages employer à la même fin les onctions d’huile benite, ainsi qu’il paroît par une lettre d’Innocent I. à Decentius, rapportée dans le tome II. des conciles, pag. 1248. Outre cela les Grecs assemblent plusieurs prêtres & jusqu’au nombre de sept, pour des raisons mystiques & allégoriques, qu’on peut voir dans Arcudius & dans Siméon de Thessalonique. Il paroît par le sacramentaire de S. Grégoire, de l’édition du P. Menard, page 253, que dans l’église latine on employoit aussi plusieurs prêtres ; mais l’usage présent est qu’un seul prêtre confere validement ce sacrement.

Le P. Dandini, dans son voyage du Mont-Liban, distingue deux sortes d’onctions chez les Maronites ; l’une qu’on appelle l’onction avec l’huile de la lampe : mais cette onction, dit-il, n’est pas celle du sacrement qu’on n’administroit ordinairement qu’aux malades qui étoient à l’extrémité ; parce que cette huile est consacrée seulement par un prêtre, & qu’on la donne à tous ceux qui se présentent, sains ou malades indifféremment, même au prêtre qui officie. L’autre espece d’onction, suivant cet auteur, n’est que pour les malades ; elle se fait avec de l’huile que l’évêque seul consacre le jeudi-saint, & c’est à ce qu’il paroît leur onction sacramentelle.

Mais cette onction avec l’huile de la lampe est en usage non-seulement chez les Maronites, mais dans toute l’église d’Orient, qui s’en sert avec beaucoup de respect. Il ne paroît pas même qu’ils la distinguent du sacrement de l’extrème-onction, si ce n’est comme l’observe le P. Goar, qu’ils la regardent comme une simple cérémonie pour ceux qui sont en santé, & comme un sacrement pour les malades. Ils ont dans les grandes églises une lampe dans laquelle on conserve l’huile pour les malades, & ils appellent cette lampe la lampe de l’huile jointe à la priere. (G)