L’Encyclopédie/1re édition/EXODE
EXODE, s. m. (Théol. & Hist. sacrée.) livre canonique de l’ancien Testament, le second des cinq livres de Moyse. Voyez Pentateuque.
Ce nom, dans son origine greque, signifie à la lettre voyage ou sortie ; & on le donne à ce livre, pour marquer celle des enfans d’Israel hors de l’Egypte sous la conduite de Moyse. Il contient l’histoire de tout ce qui se passa dans le desert, depuis la mort de Joseph jusqu’à la construction du tabernacle, pendant quatre ans.
Les Hébreux l’appellent veelle semoth, des premiers mots qui le commencent, & qui signifient en latin hæc sunt nomina, suivant leur coûtume de désigner les livres de l’Ecriture, non par des titres généraux qui en désignent le contenu, mais par les premiers mots de chacun de ces livres. Voy. Bible. (G)
Exode, exodium, (Théol.) dans les septante signifie la fin ou la conclusion d’une fête. Voy. Fête.
Ce mot signifioit proprement le huitieme jour de la fête des tabernacles, qu’on célébroit principalement en mémoire de l’exode ou de la sortie d’Egypte, & du séjour des Israélites dans le desert.
Exode, s. f. (Littérat.) en latin exodia ; poëme plus ou moins châtié, accompagné de chants & de danses, & porté sur le théatre de Rome pour servir de divertissement après la tragédie.
Les plaisanteries grossieres s’étant changées en art sur le théatre des Romains, on joüa l’Atellane, comme on joue aujourd’hui parmi nous la piece comique à la suite de la piece sérieuse. Le mot exode, exodia, signifie issues. Ce nom lui fut donné à l’imitation des Grecs, qui nommoient exodion le dernier chant après la piece finie. L’auteur étoit appellé exodiarius, l’exodiaire. Il entroit sur le théatre à la fin des pieces sérieuses, pour dissiper la tristesse & les larmes qu’excitent les passions de la tragédie, & il joüoit cependant la piece comique avec le même masque & les mêmes habits qu’il avoit eus dans la piece sérieuse.
Mais ce qui caractérisoit particulierement l’exode étoit la licence & la liberté qu’on avoit dans cette piece d’y joüer sous le masque, jusqu’aux empereurs mêmes. Cette liberté qui permettoit de tout dire dans les bacchanales, cette liberté qui existoit dans toutes les fêtes & dans tous les jeux, cette liberté que les soldats prenoient dans les triomphes de leurs généraux, enfin cette liberté qui avoit régné dans l’ancienne comédie greque, se trouvoit ainsi dans les exodes ; non-seulement les exodiaires y contrefaisoient ce qu’il y avoit de plus grave, & le tournoient en ridicule, mais ils y représentoient hardiment les vices, les débauches, & les crimes des empereurs, sans que ceux-ci osassent ni les empêcher ni les en punir.
Ils jugerent apparemment qu’il étoit de la bonne politique de laisser ce foible dédommagement à un peuple belliqueux, prêt à secouer le joug à la premiere occasion, & d’ailleurs à un peuple fier & actif, qui depuis peu de tems avoit perdu l’empire, & qui n’avoit plus ni de magistrats à nommer, ni de tribuns à écouter. Sylla, homme emporté, mena violemment les Romains à la liberté ; Auguste rusé tyran, les conduisit doucement à la servitude : pendant que sous Sylla la république reprenoit des forces, tout le monde crioit à la tyrannie ; & pendant que sous Auguste la tyrannie se fortifioit par les jeux du cirque & les spectacles, on ne parloit que de liberté.
On connoît les débauches de Tibere, & on sait le malheur d’une dame de condition appellée Mallonia, qui accusée d’adultere par l’ordre de ce prince, parce qu’elle n’avoit pas voulu répondre à ses infamies, s’ôta la vie d’elle-même après lui avoir reproché son impureté, Obscænitate ori hirsuto atque olido seni clare exprobatâ : ce reproche ne manqua pas d’être relevé dans l’exode qui fut chantée à la fin d’une piece atellane. On entendit avec plaisir l’exodiaire s’arrêter & peser long-tems sur ce bon mot, hircum vetulum Capreis naturam ligurire ; bon mot qui se répandit dans tout Rome, & qui fut appliqué généralement à l’empereur. Suétone, vie de Tibere, chap. xlv.
On sait que Néron, entr’autres crimes, avoit empoisonné son pere, & fait noyer sa mere ; le comédien Datus chanta en grec, à la fin d’une piece atellane, adieu mon pere, adieu ma mere ; mais en chantant adieu mon pere, il représenta par ses gestes une personne qui boit ; & en chantant adieu ma mere, il imita une personne qui se débat dans l’eau, & qui se noye ; & ensuite il ajoûta, Pluton vous conduit à la mort, en représentant aussi par ses gestes le sénat que ce prince avoit menacé d’exterminer. Suet. vie de Néron, ch. xxxjx. Voyez Atellanes.
Dans ces sortes d’exodes ou de satyres, on inséroit encore souvent des couplets de chansons répandus dans le public, dont on faisoit une nouvelle application aux circonstances du tems. L’acteur commençoit le premier vers du vaudeville connu, & tous les spectateurs en chantoient la suite sur le même ton. L’empereur Galba étant entré dans Rome, où son arrivée ne plaisoit point au peuple, l’exodiaire entonna la chanson qui étoit connue, venit io simus à villâ, le camard vient des champs : alors tout le monde chanta la suite, & se fit un plaisir de la répéter avec des acclamations toûjours nouvelles. Suétone, vie de Galba.
Quelquefois on redemandoit dans une seconde représentation l’exode qui avoit déjà été chantée, & on la faisoit rejoüer, sur-tout dans les provinces, où l’on n’en pouvoit pas toûjours avoir de nouvelles. C’est ce qui fait dire à Juvenal :
. . . . . . Tandemque redit ad pulpita notum
Exodium.
Les exodes se joüerent à Rome plus de 550 ans, sans avoir souffert qu’une legere interruption de quelques années ; & quoique sous le regne d’Auguste elles déplussent aux gens de bon goût, parce qu’elles portoient toûjours des marques de la grossiereté de leur origine, cependant elles durerent encore long-tems après le siecle de cet empereur. Enfin elles ont ressuscité à plusieurs égards parmi nous : car quel autre nom peut-on donner à cette espece de farce, que nous appellons comédie italienne, & dans quel genre d’ouvrage d’esprit peut-on placer des pieces où l’on se moque de toutes les regles du théatre ? des pieces où dans le nœud & dans le dénoüement, on semble vouloir éviter la vraissemblance ? des pieces où l’on ne se propose d’autre but que d’exciter à rire par des traits d’une imagination bisarre ? des pieces encore où l’on ose avilir, par une imitation burlesque, l’action noble & touchante d’un sujet dramatique ? Qu’on ne dise point, pour la défense de cette Thalie barbouillée, qu’on l’a vû plaire au public autant que les meilleures pieces de Racine & de Moliere : je répondrois que c’est à un public mal composé, & que même dans ce public il y a quantité de personnes qui connoissent très-bien le peu de valeur de ce comique des halles ; en effet, quand la conjoncture ou la mode qui l’a fait naître sont passés, les comédiens ne font plus reparoître cette même farce, qui leur avoit attiré tant de concours & d’applaudissemens. Voyez Farce & Parodie. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.
Exode signifioit aussi une ode, hymne, ou cantique, par lequel on terminoit chez les anciens une fête, ou un repas. (G)