L’Encyclopédie/1re édition/EVANOUIR

EVANOUIR, v. n. (Algebre.) On dit que l’on fait évanoüir une inconnue d’une équation, quand on la fait disparoître de cette équation, en y substituant la valeur de cette inconnue. Voyez Equation.

Quand il y a plusieurs inconnues dans un problème, une des difficultés de la solution consiste à faire évanoüir les inconnues, qui empêchent de reconnoître la nature & le degré de ce problème. (E)

Avant que de parler des opérations par lesquelles on fait évanoüir les inconnues, il est nécessaire de dire un mot de celle par laquelle on fait évanoüir les fractions. Rien n’est plus simple ; on réduit toutes les fractions au même dénominateur (voyez Fraction) ; on donne ce même dénominateur aux quantités non fractionnaires qui peuvent se trouver dans l’équation, ensuite on supprime ce dénominateur, ce qui est permis, puisque des quantités qui sont égales étant divisées par une même, sont égales entr’elles. Par exemple, soit , on aura , & Voyez Réduction, Construction, &c.

Il est bon aussi de dire un mot de l’opération par laquelle on fait évanoüir les radicaux, lorsqu’ils ne sont que du second degré. Par exemple, si on a , on aura , &  ; de même si on a , on aura d’abord , équation qu’on peut changer en celle-ci  ; &  ; on voit évidemment que par cette méthode on fera disparoître à chaque opération au moins un radical, & qu’ainsi on les fera successivement disparoître tous. A l’égard du cas où il y a plusieurs radicaux de différente espece, nous en parlerons plus bas. (O)

Cela posé, si l’on a deux équations, & dans chacune de ces équations une quantité inconnue d’une dimension, on peut faire évanoüir l’une de ces deux inconnues, en faisant une égalité de ses différentes valeurs tirées de chaque équation ; par exemple, si l’on a d’une part , & d’une autre part  ; de la premiere équation on tirera , & l’on déduira de la seconde , ce qui donnera cette équation , d’où x est évanoüie.

Si la quantité qu’il s’agit de faire évanoüir est d’une dimension dans une des équations, & qu’elle en ait plusieurs dans l’autre, il faut substituer dans cette autre équation la valeur de cette inconnue, prise dans la premiere : par exemple, si l’on avoit & , on tireroit de la premiere équation  ; & mettant cette valeur en la place de x dans la seconde équation, elle deviendroit , où x ne paroît plus.

Quand il arrive que dans aucune des deux équations, la quantité inconnue n’est d’une seule dimension, il faut trouver dans chaque équation la valeur de la plus grande puissance de cette inconnue ; & si ces puissances ne sont pas les mêmes, on multipliera l’équation qui contient la plus petite puissance de cette inconnue par la quantité que l’on se propose de faire évanoüir, ou par son quarré ou son cube, &c. jusqu’à ce que cette quantité ait la même puissance qu’elle a dans l’autre équation : après quoi l’on fait une équation des valeurs de ces puissances ; d’où résulte une nouvelle équation, dans laquelle la plus haute puissance de la quantité que l’on veut faire évanoüir, est diminuée de quelque degré, & en répétant une pareille opération, l’on fera évanoüir enfin cette quantité : par exemple, si , & , & qu’il s’agisse de faire évanoüir x, la premiere équation donnera , & la seconde produira  ; d’où naîtra cette équation , dans laquelle x est réduite à une dimension ; on peut par conséquent la faire évanoüir, en suivant la méthode que l’on a déjà expliquée.

Pareillement, si , & , pour faire évanoüir y, on multipliera la derniere équation par y, qui deviendra alors , de même dimension que la premiere ; ainsi , où y est réduite à deux dimensions. Ensuite par le moyen de cette derniere équation & de la plus simple des équations données , on pourra faire évanoüir entierement y, en observant ce qui a été dit ci-dessus.

S’il y a plusieurs équations & autant de quantités inconnues, alors pour faire évanoüir une quantité inconnue, il faut aller par degrés. Supposons que les équations , , , & que l’on veuille faire évanoüir z, de la premiere équation , on tire  ; & substituant cette valeur de x dans la seconde ou la troisieme équation, on aura les équations , &  ; d’où l’on peut enfin faire évanoüir z, comme ci-dessus.

Quand la quantité inconnue a plusieurs dimensions, il est quelquefois fort embarrassant de la chasser ; mais les exemples suivans, que l’on peut regarder comme autant de regles, diminueront beaucoup le travail.

1°. x étant évanoüie des équations , & , il vient .

2°. La même inconnue x étant évanoüie des équations , & , on en tire .

3°. Les équations , & , dont on fera évanoüir x, donneront , &c.

Par exemple, pour faire évanoüir x, ou pour la chasser des équations , & , on substituera respectivement dans la premiere regle, pour les quantités a, b, c, & f, g, h, les quantités 5, −3yy & 3, −2y, +4, en observant très-exactement de mettre, comme il convient, les signes + & − ; ce qui donnera , ou .

De même, pour chasser y des équations , & , on n’a qu’à substituer dans la seconde regle, pour les quantités a, b, c, d, f, g, h, les quantités suivantes  ;  ; & il vient  ; effaçant ensuite ce qui se détruit, & multipliant, on a , , . Enfin ordonnant les termes, l’équation devient .

Ces regles, qui se trouvent dans l’arithmétique universelle de M. Newton, peuvent être appliquées & portées à des degrés quelconques ; mais alors le calcul devient très-pénible, quoiqu’il y ait eu quelques personnes qui se soient donné la peine de chercher une regle générale, pour chasser d’une équation des quantités inconnues élevées à des degrés quelconques. Mais l’application de la regle générale aux cas particuliers est souvent beaucoup plus embarrassante, qu’il ne le seroit de faire évanoüir les inconnues par la méthode ordinaire.

M. Newton n’a point démontré comment il a découvert ces regles, parce qu’elles sont une conséquence très-simple de ce qui a été dit ; par exemple, on a dans le premier cas  ; & , par conséquent  : d’où l’on tire  ; & si l’on met cette valeur de x dans l’équation , on trouvera  ; & après avoir délivré cette équation de fractions, & l’avoir réduite à ses plus simples termes, elle deviendra . Les deux autres regles se découvriront de la même maniere ; mais le travail croîtra à proportion des degrés des inconnues. (E)

A ces méthodes, pour faire évanoüir les inconnues, nous ajoûterons les observations suivantes.

Si l’on a, par exemple, & , c’est-à-dire deux équations où y monte au même degré ; on aura d’abord  ; équation où y ne monte plus qu’au second degré, & d’où l’on tire , &  ; on aura donc les deux équations,

,

,


qui ne montent plus qu’au second degré, & qu’on abaissera à un degré plus bas, par la méthode employée ci-dessus pour abaisser les deux équations données du troisieme degré à deux autres du second. Cet exemple bien entendu & bien médité suffira pour enseigner à résoudre tous les autres ; car en général ayant deux équations en y du degré m, ou qu’on peut mettre toutes deux au degré m, si on veut faire évanoüir y, on tirera d’abord de la comparaison des deux équations données une équation du degré m−1, d’où l’on tirera une valeur de en  ; & cette valeur de étant substituée dans l’une des deux équations primitives, on aura une nouvelle équation en . Ainsi, au lieu des deux équations primitives en , on en aura deux en , sur lesquelles on opérera de même, & ainsi de suite.

Lorsqu’on sera arrivé à deux équations où y ne sera plus qu’au second degré, on peut, par la méthode précédente, abaisser encore ces équations à deux du premier, & alors le problème n’aura aucune difficulté ; ou bien on peut résoudre ces équations du second degré par la méthode ordinaire (voyez Equation), comparer ensuite les valeurs de y qui en résulteront, ôter enfin les radicaux du second degré par la méthode expliquée plus haut ; & il n’y aura plus qu’une inconnue sans radicaux.

On peut encore s’y prendre de la maniere suivante, pour faire en général évanoüir y de deux équations quelconques ; on remarquera que les deux équations doivent avoir un diviseur commun ; on supposera donc qu’elles en ayent un ; on divisera la plus haute équation par la seconde, la seconde par le reste, le premier reste par le second, &c. suivant les regles connues pour trouver le plus grand diviseur commun de deux quantités (voyez Diviseur), jusqu’à ce qu’on arrive à un reste qui ne contienne plus de y ; on fera ce reste =0, & on aura l’équation cherchée où il n’y aura plus qu’une inconnue. Ce reste supposé égal à zéro, donnera pour diviseur commun aux deux équations l’équation linéaire ou du premier degré en y, qui dans ce cas aura été le diviseur de la derniere opération.

Quand il y a plus de deux inconnues, par exemple, x, y, z, &c. on réduit d’abord les inconnues à une de moins ; on fait évanoüir x ou y, &c. en traitant z & les autres comme une constante ; ensuite on réduit les inconnues restantes à une de moins, & ainsi du reste. Cela n’a aucune difficulté.

Dès qu’on sait réduire toutes les inconnues à une seule, il n’y a plus de difficulté pour faire évanoüir les radicaux quelconques, par exemple, soit , & , on fera , ou , , ou , , ou , & on aura les équations suivantes : , , , , , desquelles on fera évanoüir t, z, q, ce qui les réduira à des équations sans radicaux, où il n’y aura plus que x & y. Voyez Radical, Racine, Extraction, &c.

Au reste il y a bien des cas où l’on peut par de simples élévations de puissances faire évanoüir les radicaux ; ainsi la méthode précédente n’est que pour les cas dans lesquels ces élévations de puissances ne suffiroient pas, ou demanderoient trop de dextérité pour être employées d’une maniere convenable. (O)