L’Encyclopédie/1re édition/ETABLISSEMENT

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* ETABLISSEMENT, s. m. (Gramm.) Il se prend dans tous les sens qu’a le verbe établir dans la même matiere. Voyez Etablir.

Etablissement, (Jurisp.) stabilimentum, signifioit ce qui étoit établi par quelqu’ordonnance ou réglement. Il y a plusieurs anciennes ordonnances qui sont intitulées établissemens, entr’autres celles de S. Louis, en 1270. Voyez ci-après Etablissemens de S. Louis. (A)

Etablissement des Fiefs, stabilimentum feudorum ; c’est une ordonnance latine de Philippe-Auguste, datée du premier Mai 1209, faite dans une assemblée des grands du royaume à Villeneuve-le-Roi, près de Sens. Cette ordonnance est regardée par les connoisseurs comme la plus ancienne des rois de la troisieme race, qui porte une forme constitutive ; auparavant ils ne déclaroient leur volonté qu’en forme de lettres. Elle est singuliere, 1°. en ce qu’au lieu d’affermir les fiefs, comme le titre semble l’annoncer, elle tend au contraire à les réduire, en ordonnant que quand un fief sera divisé, tous ceux qui y auront part le tiendront nuement & en chef du seigneur, dont le fief relevoit avant la division ; & que s’il est dû pour le fief des services & des droits, chacun de ceux qui y auront part les payeront à proportion de la part qu’ils y auront : 2°. ce qui est encore plus remarquable, c’est qu’elle est rendue non-seulement au nom du roi, mais aussi en celui des seigneurs qui s’étoient trouvés en l’assemblée ; savoir le duc de Bourgogne, les comtes de Nevers, de Boulogne, & de Saint-Paul, le seigneur de Dampierre, & plusieurs autres grands du royaume qui ne sont pas dénommés dans l’intitulé. Voyez le recueil des ordonnances de la troisieme race, & M. de Boulainvilliers, lettres sur les parlemens, tome I. pag. 174. (A)

Etablissemens de France, voyez ci-après Etablissemens de S. Louis.

Etablissemens généraux, étoient ceux que le roi faisoit pour tout le royaume, à la différence de ceux qu’il ne faisoit que pour les terres de son domaine : ces derniers n’étoient pas observés dans les terres des barons. Voyez Beaumanoir, chap. xlviij. p. 263. (A)

Etablissement sur les Juifs : il y a deux ordonnances latines concernant les Juifs, intitulées stabilimentum ; l’une de Philippe-Auguste, l’autre de Louis VIII. en 1223. Voyez les ordonnances de la troisieme race, tome I. (A)

Etablissemens-le-Roi, sont la même chose que les établissemens de S. Louis. Voyez l’article suivant.

Etablissemens de S. Louis, sont une ordonnance faite par ce prince en 1270 ; elle est intitulée les établissemens selon l’usage de Paris & d’Orléans, & de court de baronie.

M. Ducange fut le premier qui donna en 1658 une édition de ces établissemens à la suite de l’histoire de S. Louis par Joinville. Dans sa preface sur ces établissemens, il dit que ce sont les mêmes que Beaumanoir cite sous le titre d’établissemens-le-Roi ; ce qui se rencontre en effet assez souvent.

Dans un manuscrit de la bibliotheque de feu M. le chancelier Daguesseau, il y a en tête de cette ordonnance, ci commence li establissemens, le roy de France selon l’usage de Paris, & d’Orléans & de Touraine & d’Anjou, & de l’office de chevalerie & court de baron, &c. M. de Lauriere, dans ses notes sur ces établissemens, trouve ce titre plus juste, étant évident que les coûtumes d’Anjou, du Maine, de Touraine, & de Lodunois, ont été tirées en partie de ces établissemens.

Cette même ordonnance, dans un ancien registre qui est à l’hôtel-de-ville d’Amiens, est intitulée les établissemens de France, confirmés en plein parlement par les barons du royaume.

Mais Ducange & plusieurs autres savans prétendent que ce titre est supposé ; que ces établissemens n’ont jamais eu force de loi, & qu’il n’est pas vrai qu’ils ayent été faits & publiés en plein parlement : ils se fondent,

1°. Sur ce que, suivant Guillaume de Nangis auteur contemporain, S. Louis étant parti d’Aiguemortes en 1269, le mardi d’après la Saint-Pierre qui arrive le 29 Juin, il n’est pas possible que ces établissemens ayent été publiés en 1270, avant le départ de ce prince pour l’Afrique.

2°. Sur ce que ces établissemens ne sont pas dans la forme des autres ordonnances, étant remplis de citations, de canons du decret ; de chapitres des decrétales, & de plusieurs lois du digeste & du code.

3°. Ce qui est dit dans la préface, que ces établissemens furent faits pour être observés dans toutes les cours du royaume, n’est pas véritable ; car suivant l’article 15 du livre I. le douaire coûtumier est réduit au tiers des immeubles que le mari possédoit au jour du mariage ; au lieu que suivant le témoignage de Pierre de Fontaines & de Beaumanoir, le douaire coûtumier étoit alors de la moitié des immeubles des maris, conformément à l’ordonnance de Philippe-Auguste en 1214, qui est encore observée dans une grande partie du royaume.

On répond à cela,

1°. Qu’il est constant que S. Louis fut près de deux mois à Aigue-mortes sans pouvoir s’embarquer, & qu’il mourut en arrivant à Tunis, la même année qu’il partit d’Aigue-mortes : ainsi étant décédé le 25 Aout 1270, il s’ensuit qu’il étoit parti en 1270, & non en 1269, comme le dit Guillaume de Nangis ; ce qui est une erreur de sa part, ou une faute des copistes.

2°. La preuve du même fait se tire encore du testament de S. Louis, fait à Paris & daté du mois de Février 1269 ; car le roi étant parti vers le mois d’Août suivant, ce n’a pû être qu’en 1270.

3°. Quoique ces établissemens soient remplis de citations de canons, de decrétales, & de lois du digeste & du code, il ne s’ensuit pas que ce ne soit pas une ordonnance ; car de quelque maniere qu’elle ait été rédigée, dès que ces établissemens furent autorisés par le roi, c’étoit assez pour leur donner force de loi. Cette ordonnance n’est même pas la seule où il se trouve de semblables citations : celle que le même prince fit au mois de Mars 1268, porte (article 4.) que les promotions aux bénéfices seront faites selon les decrets des conciles & les décisions des peres ; & l’on doit être d’autant moins surpris de trouver tant de citations dans ces établissemens, que c’étoit-là l’ordonnance la plus considérable qui eût encore été faite ; que l’idée étoit de faire un code général, & que l’on n’avoit pas alors l’esprit de précision & le ton d’autorité qui convient dans la législation.

4°. S. Louis en confirmant ces établissemens n’ayant pas dérogé aux lois antérieures, ni aux coûtumes établies dans son royaume, il ne faut pas s’étonner si à Paris & dans plusieurs provinces le doüaire coûtumier a continué d’être de la moitié des immeubles du mari, suivant l’ordonnance de Philippe-Auguste en 1214.

Enfin ce qui confirme que ces établissemens furent revêtus du caractere de loi, c’est qu’ils sont cités non-seulement par des auteurs à-peu-près contemporains de S. Louis, tels que Philippe de Beaumanoir, mais aussi par des rois, enfans & successeurs de S. Louis, entr’autres par Charles-le-Bel dans ses lettres du 18 Juillet 1326, où il dit qu’en levant le droit d’amortissement sur les gens d’église, il suit les vestiges de S. Louis son bisayeul ; ce qui se rapporte évidemment au chapitre cxxv du premier livre des établissemens.

Toutes ces considérations ont déterminé M. de Lauriere à donner place à ces établissemens parmi les ordonnances de la troisieme race.

Ces établissemens sont divisés en deux livres. Le premier contient 168 chapitres, & le second en contient 42. Quoique les mœurs soient bien changées depuis cette ancienne ordonnance, elle sert cependant à éclaircir plusieurs points de notre Droit françois. Voyez les notes de M. Ducange, & celles de M. de Lauriere sur cette ordonnance. (A)