L’Encyclopédie/1re édition/EROSION
EROSION, s. f. (Medecine.) c’est une sorte de solution de continuité, qui se fait imperceptiblement, & en détail, dans les parties solides du corps humain, par une chose acre & mordicante, appliquée extérieurement ou intérieurement, qui est d’une activité moyenne entre les détersifs & les caustiques, c’est-à-dire plus pénétrante que les premiers, & moins violente que les derniers ; les poisons, les humeurs même de notre corps, qui degénerent & acquierent de semblables qualités, telles que la bile, l’urine, rendues acrimonieuses : l’érosion est la même chose que la corrosion, que la diabrose, διάϐρωσις. Voyez Corrosion, Diabrose, &c. (d)
Erosion, (Chirurgie.) maladie des dents, qui consiste dans l’inégalité de leur émail. Cette maladie est fort différente de la carie, en ce que celle-ci est un ulcere en l’os (voyez Carie), & que l’érosion n’est formée que par des tubercules & des enfoncemens à l’émail.
M. Bunon chirurgien dentiste à Paris, & de Mesdames de France, qu’une mort prématurée a enlevé au public, s’étoit donné des peines & des soins incroyables pour faire des observations utiles sur les maladies des dents. Il avoit observé la naissance & les progrès des dents, avec tout ce qui pouvoit y avoir le moindre rapport, depuis leur germe dans le fœtus jusqu’à l’âge le plus avancé. Un travail long soûtenu par beaucoup d’ardeur & d’émulation produisit plusieurs découvertes, & entr’autres celle de l’érosion. L’auteur a prouvé par beaucoup de faits, que l’érosion étoit causée par les maladies de l’enfance, telles que la petite-vérole, la rougeole, le rachitis, &c. & que ces maladies ne faisoient impression que sur les dents qui étoient alors renfermées dans leurs alvéoles. Ainsi, si l’on étoit exact sur le choix des nourrices, on éviteroit ou on éloigneroit la plûpart des maladies qui tourmentent si cruellement l’enfance, maladies d’où provient nécessairement la mauvaise qualité des dents, qui prépare aux enfans un enchaînement de douleurs pour toute la suite de leur vie.
La carie est l’effet ordinaire de l’érosion ; il est cependant restraint à certaines circonstances : la qualité des dents, leur plus ou moins de solidité, les impressions plus ou moins fortes que l’érosion a faites, & l’arrangement des dents, donnent plus ou moins lieu à la carie ; car celles qui sont serrées, mal en ordre, & disposées de maniere à retenir certaines portions de limons, ou les restes de quelques alimens acres ou acides, y sont constamment les plus sujettes. Quand ces dispositions n’ont pas lieu, si l’érosion n’est que superficielle, ses impressions peu profondes (surtout si les dents en sont exemptes, ou foiblement atteintes dans leurs parties latérales), elles retiennent difficilement ces particules de limon ou d’alimens qui les font carier. Si la carie vient à s’y former, elle fera bien moins de progrès, principalement sur les grosses molaires & sur celles qui remplacent les molaires de lait, pourvû néanmoins qu’on ait eu l’attention d’empêcher la communication des dents de lait cariées sur ces secondes dents.
M. Bunon, à la premiere inspection d’une dent marquée d’érosion, disoit avec certitude, en suivant les principes & le tems de la dentition, que la personne avoit eu une maladie à tel âge, parce que ses observations lui avoient fait connoître que l’érosion étoit toûjours une affection du germe de la dent, par une maladie survenue dans le tems qu’elle étoit encore dans l’alvéole. Cela est d’une grande utilité pour la pratique : aux exemples que l’auteur en a donnés dans ses deux traités sur les maladies des dents, j’en ajoûterai un qui me regarde personnellement. La carie d’une seconde petite molaire de la mâchoire supérieure, m’obligea d’avoir recours à M. Bunon : avant d’en faire l’extraction, il me dit que cette dent avoit souffert de l’érosion, & que la carie avoit été un effet de l’altération de la surface émaillée de la dent ; il ajoûta que les dents se formant ordinairement par paire, il appréhendoit que la pareille du côté opposé n’en fût pareillement altérée ; il avoit raison, & par le moyen d’une petite sonde il me fit sentir que malgré sa bonté apparente il y avoit un commencement de corrosion. Il me conserva cette dent, en enlevant au moyen de la lime la carie qui n’étoit que superficielle, & qui continuant à faire du progrès, ne se seroit manifestée que par des douleurs cruelles, dont l’extraction de la dent auroit été l’unique remede.
Les limes qui servent à détruire les caries superficielles, sont gravées, Planc. XXV. fig. 8. (Y)