L’Encyclopédie/1re édition/ENCLUME
* ENCLUME, s. f. instrument commun à presque tous les ouvriers qui employent les métaux ; on y distingue plusieurs parties dont nous ferons mention. Il faut la considerer en général comme une masse plus ou moins considérable de fer aciéré, sur laquelle on travaille au marteau différens ouvrages en fer, en acier, en or, en argent, en cuivre, &c. Il y a des enclumes de toutes grosseurs. Il y en a de coulées ; il y en a de forgées. Voyez dans nos planches l’attelier & les différentes manœuvres d’un forgeur d’enclumes.
Pour forger une enclume, on commence par avoir une masse de fer telle qu’on la voit en a ; cette masse s’appelle mise. On voit vignette de la planche en aa, la forge à forger les mises. La figure premiere représente un enfant qui fait aller le soufflet.
On a une barre b qu’on appelle ringale, on soude cette barre à la mise, comme on le voit en c : par ce moyen, on a une espece de poignée ou de queue à l’aide de laquelle on meut l’ouvrage commodément. On voit en ed, deux mises avec leurs ringales soudées ensemble ; & en f, un corps d’enclume formé de quatre mises.
Comme les parties dont on forme un corps d’enclume, sont des masses de fer considérables qu’on auroit de la peine à remuer, soit à la forge, soit sur l’enclume ; pour se soulager dans ce travail, les ouvriers se servent d’un long instrument de bois, au bout duquel est une barre de fer arrêtée ; c’est si l’on veut la queue d’une mise. On voit dans la vignette fig. 2 & 3, la forge & l’enclume à forger les corps ; un des forgerons est assis sur la jauge, & meut la masse qui est à la forge, par le poids de son corps & l’action de ses jambes ; un autre forgeron travaille cette masse en attisant le feu ; d’autres font aller les soufflets avec leurs piés. On voit autour de la forge & de l’enclume, m, n, o, p, q, x, les marteaux à forger & la tranche ; rr, est un étang où l’on trempe les enclumes.
Lorsque l’enclume ne s’acheve pas dans l’endroit où le corps ou billot s’est forgé, on prend ce billot, on le met à la forge, on le fait chauffer ; & on le prépare à recevoir les autres parties qui forment l’enclume, en le refoulant par les deux bouts ; & s’il a conservé assez de chaleur, en y pratiquant quatre trous quarrés, un au milieu de chaque bout, & un au milieu de chaque côté. Ces trous sont destinés à recevoir l’extrémité de la jauge, ou de cette perche qui sert à mouvoir l’enclume à la forge & sous le marteau. Ces trous quarrés ont environ trois pouces au plus ; les trous percés, on remet le corps à la forge pour y souder la poitrine.
Le morceau g, formera ce qu’on appelle l’estomac ou la poitrine de l’enclume : on la fait chauffer dans la forge aa de la vignette. Un forgeron l’apporte de-là quand il est tems de la souder ; alors le corps est posé sur le tas ; on fixe la poitrine perpendiculairement sur le milieu du corps ; on la serre & fait attacher au corps à coups de marteau. La poitrine est une piece de fer large d’environ deux pouces, ou deux pouces & demi suivant la force de l’enclume : elle est de même épaisseur par le bas ; mais elle va en diminuant & perd par le bout d’en-haut, environ le tiers de son épaisseur ; sa longueur est d’environ les deux tiers du corps de l’enclume.
On voit en h, le corps ou billot auquel la poitrine est soudée. Lorsque la poitrine sera bien soudée & corroyée avec le corps, on reportera la piece à la forge pour recevoir la paroire qu’on fait aussi chauffer à part dans la forge aa, vignette. Quand le corps & la paroire sont chauds, on met le corps sur le tas, & on apporte la paroire.
On place sur l’estomac la piece ii, qu’on appelle la paroire ; elle s’y soude pareillement, & forme des arcades avec la poitrine qui lui sert comme de pilier. On voit en ikl, l’assemblage de ces pieces soudées ; la paroire est comme on voit, le long du haut du corps, & forme avec la poitrine une espece de T ; la paroire est une piece de fer plat, qui a pour largeur environ le tiers de la hauteur du corps, & qui a d’épaisseur selon la force de l’enclume environ un pouce ou un pouce & demi : elle sert à donner plus de largeur à la table ; les arcades qu’on lui a données, fortifient toute la masse.
Cela fait, il s’agit de former les piés de l’enclume ; ce sont les pieces qu’on apperçoit en mm, où l’enclume est représentée renversée. Pour donner des piés à l’enclume, on reporte le corps à la forge ; on fait chauffer les piés à part ; ce sont des pieces de fer de deux à trois pouces en quarré, toûjours relativement à la grosseur de l’enclume ; on les soude aux deux côtés au bas du corps ; il faut trois chaudes pour chaque pié. Lorsque les enclumes sont très grosses, pour leur donner plus de solidité, on ajoûte à côté des piés d’autres mises de fer quarré de la moitié moins fort ; c’est-à-dire que si les mises des premiers piés ont trois pouces en quarré, les mises des seconds piés n’auront que dix-huit lignes. Ces seconds piés se soudent sur les premiers, comme ceux ci sur l’enclume : il faut autant de chaudes pour souder un premier pié qu’un second.
Quand l’enclume a ses piés, on lui donne la saillie ou le talon. On voit en no, une enclume portée en cet état. La saillie ou le talon est composé de trois mises de différentes grosseurs ; il y en a quelquefois moins lorsque l’enclume n’est pas d’une force à l’exiger. Ces mises sont soudées ensemble, & forment un talon quarré dont la largeur est la même que l’épaisseur du corps de l’enclume, y compris l’épaisseur de la paroire qui ne fait plus qu’une masse avec le corps. On fait chauffer la saillie ou le talon à part, comme on l’a dit des autres pieces ; on la soude au côté droit.
Il y a des enclumes à deux talons. p est la piece ou morceau destiné à former l’un ou l’autre ; & la figure q montre une de ces enclumes à deux talons.
Quand l’enclume a son talon, on la dispose à recevoir sa bigorne. La bigorne se place à l’autre côté, comme on voit en ik. Avant que de souder la bigorne, on commence à adapter à l’endroit où elle doit être placée, une piece qui doit lui servir de racine. Cette racine de bigorne ou mise de fer étant soudée, il faut travailler à sa partie la plus importante, celle d’où dépend seule la qualité bonne ou mauvaise de l’enclume : on l’appelle la table. La table de l’enclume est sa partie supérieure, sa surface, à prendre depuis la racine de la bigorne, jusqu’à l’extrémité de la saillie ou du talon.
Pour former la table, on a une mise ou masse de fer r ; on en forge une table rs, un peu plus longue que la surface de l’enclume. On y pratique des hachures ; on a de petites billes d’acier ; on fixe ces billes sur la table par le moyen des hachures ; c’est ce qu’on voit en t r v v t ; on remplit l’intervalle de ces billes d’acier par d’autres, comme il est représenté en aazz ; on fixe cet assemblage de billes d’acier sur la table, par le moyen d’un étrier b, & l’on soude le tout. Au reste cette maniere de contenir les billes d’acier sur la table, n’est pas la seule ; on se sert quelquefois d’un étrier rond ; cet étrier contient les billes sur la plaque, comme on voit dans la figure ccd ; on remplit les intervalles vuides avec de petits quarrés d’acier f, qu’on enleve de la barre d’acier g ; on aciere la table avec une, deux, ou même trois mises d’acier ; les billes dont ces mises sont faites, sont du meilleur acier.
Quand la table est forgée, on coupe avec la tranche tout le fer de l’étrier qui entouroit ou contenoit les billes ; on n’y réserve que la queue qui servira à porter la table sur l’enclume quand on voudra la souder, & qu’on en séparera après cette manœuvre. On soude la table avec le reste de l’enclume, & cet ouvrage est achevé : il ne restera plus qu’à attacher la bigorne l, à sa racine. On la soude comme les autres pieces ; on observe seulement de placer à la partie supérieure de la bigorne de petits lardons d’acier qui font liaison entre la table & la bigorne ; le bout de la bigorne n’est pas communément aciéré, il en seroit trop cassant.
Voilà l’enclume formée, toutes ses pieces sont soudées ; cependant elle n’est pas tout-à-fait achevée ; on lui donne encore plusieurs chaudes, ce qu’on appelle la reparer. Quand elle est reparée, il s’agit de la tremper.
Quand on ne trempe point l’enclume en paquet, on la fait chauffer convenablement, ni trop rouge ni pas assez. C’est à l’expérience à instruire l’ouvrier de la couleur que doit avoir son enclume au sortir de la forge, pour qu’elle sorte de l’étang bien trempée, & on la plonge dans de l’eau la plus fraîche.
Quant à la trempe en paquet, chaque ouvrier a sa composition ; voyez à l’article Trempe, celle qui est le plus en usage.
Il y a des enclumes à deux bigornes, une ronde & une quarrée ; la bigorne quarrée est à droite, à la place du talon ; les enclumes des éperonniers sont à deux bigornes.
Mais il y a des especes d’enclumes qui retiennent le nom de bigornes, & en effet, ce ne sont proprement que deux bigornes dont les bases seroient soudées, sans un petit espace en table qui les separe ; voici comment on les forge.
Ayez une barre de fer plus ou moins forte selon la bigorne que vous voudrez forger. Donnez lui à la forge la forme que vous lui voyez en mn ; la virole n marquera l’embase ; la figure n, le corps de la bigorne paré ; la figure qr, la tige de la bigorne avec une amorçure r, ou une refente destinée à recevoir la masse s destinée à former la bigorne.
Mettez la piece s dans l’amorçure r ; soudez & vous aurez la piece tt ; achevez votre ouvrage à la forge, & vous aurez la bigorne vx ; cette bigorne sera quarrée en v, & ronde en x.
Ayez de l’acier roulé comme vous le voyez en y ; cela vous servira à former la table de votre bigorne.
Mettez cet acier sur une barre de fer z, soudez cette barre & cet acier ; donnez ensuite à votre morceau la forme de la table de votre bigorne ; soudez cette table à votre bigorne : trempez ensuite, & l’ouvrage sera achevé.
ENCLUME, s. m. (Anat.) un des quatre osselets qu’on rencontre dans la caisse du tambour.
L’enclume est situé dans la partie la plus postérieure de la caisse ; on y remarque son corps, & deux jambes ou apophyses ; une courte qui est supérieure, l’autre longue qui est inférieure : son corps ou sa base présente une face inégale assez approchante de celle d’une dent molaire ; c’est par cet endroit que l’enclume est articulé avec le marteau. Sa jambe courte a une situation horisontale ; sa pointe est attachée par de petits ligamens au-dessous des ouvertures des cellules mastoïdiennes ; sa jambe longue est parallele au manche du marteau, dont elle est éloignée d’environ une ligne ; la pointe de cette jambe se recourbe un peu en se relevant pour soûtenir l’os orbiculaire, & par conséquent l’étrier. Voy. les Planches de Duverney.
L’enclume suivant le témoignage de Massa, a été connu dès le tems d’Alexandre Achillinus, auquel il donne la découverte de cet osselet ; du moins est-il certain qu’il ne faut point l’attribuer avec Schelhammer, à Jacob de Carpi, puisque lui-même convient que d’autres en avoient déjà fait mention.
L’enclume de même que les autres osselets de l’oreille, est revêtu d’un fin périoste arrosé de vaisseaux nombreux qui s’y distribuent, sur-tout à sa plus courte jambe. Voyez Osselets de l’Oreille. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.
Enclume, (Clout.) C’est une masse de fer dont se servent tous les forgerons, & sur laquelle ils placent le fer rouge pour le battre à chaud, & lui donner la forme nécessaire aux différens ouvrages qu’ils en veulent fabriquer. L’enclume des Cloutiers est toute semblable à celle des Taillandiers, & ils s’en servent pour forger du fer & en former les baguettes qu’ils employent à la fabrique des clous. Voyez Pl. du Cloutier, vignette.
Enclume, en terme d’Aiguilletier, est une espece de tas, ou de bigorne plate, dont la surface est couverte de plusieurs fentes plus ou moins grandes, & profondes, dans lesquelles on travaille les ferrets, pour les arrondir au-tour du lacet auquel on les adapte. Voyez Planche de l’Aiguilletier.
Enclume en Bigorne, outil d’Arquebusier. Cette enclume en bigorne est à-peu-près faite comme l’enclume en bigorne des Serruriers, & sert aux arquebusiers pour forger en rond plusieurs pieces de leur métier.
Enclume quarrée, outil d’Arquebusier. C’est une masse de fer dont la surface est aciérée, plus longue & plus large qu’épaisse, qui peut avoir six pouces d’épaisseur, & quatorze ou quinze pouces de hauteur & de largeur ; que l’on pose sur un billot de bois, & qui s’y soûtient par son propre poids ; qui sert aux Arquebusiers pour forger les pieces dont ils ont besoin.
Enclume, terme & outil de Ceinturier, qui leur sert pour river les rivets. Cette enclume est faite comme une bigorne plate ; des deux côtés elle est longue environ de six pouces, large d’un demi-pouce, & montée sur un pié qui entre dans le billot. Voy. Planche du Ceinturier, la fig. qui représente l’enclume montée sur son billot.
Enclume ronde, instrument de Chauderonnier. Voyez Boule & les figures du Chauderonnier.
Enclume, outil des Cloutiers d’épingles. Voyez les Planches du Cloutier d’épingles.
Enclume, (Coutelier.) cette enclume n’a rien de particulier.
Enclume des Couvreurs, celle sur laquelle ils taillent l’ardoise, est faite en forme de T, dont la branche de dessous est un peu ceintrée sur le champ, & pointue.
Enclume, outil de Maréchal, servant à placer leur ouvrage, pour le marteler ou forger ; la face ou la surface la plus élevée de l’enclume, doit être plate & polie, sans paille, & si dure qu’une lime n’y puisse mordre. Elle a quelquefois une bigorne à l’un de ses bouts pour arondir l’ouvrage creux : le tout est ordinairement monté sur un bloc de bois solide.
Enclume, en terme d’Orfévre, est un instrument sur lequel ils forgent leurs métaux : il y en a de différentes grosseurs. La masse est de fer, & la surface d’acier ; elle est de même grosseur tant en-bas qu’en-haut. Sa superficie est convexe, & pour être bonne, il faut que l’acier soit bien soudé au fer, trempé & poli. Elles ont ordinairement huit pans, quatre grands, & quatre petits ; elles portent à-peu-près le double de hauteur que de largeur : elles entrent des deux tiers dans le billot. Voy. Billot. L’on met dessous ce billot un paillasson, voyez Paillasson. Voyez les figures.
* Enclume, (Teint.) c’est un bloc dont la base est de fer & la surface aciérée. Les Teinturiers sont obligés par les reglemens d’avoir chacun un pareil instrument sur lequel soit gravé leur nom & surnom, afin que le marchand préposé aux visites, appliquant son plomb à la tête des pieces des marchandises, le nom du teinturier qui les aura teintes, y soit imprimé par le dessous au même tems que la marque des drapiers le sera par le dessus, quand elle sera posée sur le plomb, & frappée d’un coup de marteau sur l’enclume.