L’Encyclopédie/1re édition/E
E, E, e, s. m. c’est la cinquieme lettre de la plûpart des alphabets, & la seconde des voyelles. Voy. les articl. Alphabet, Lettre, & Voyelle.
Les anciens Grecs s’étant apperçus qu’en certaines syllabes de leurs mots l’e étoit moins long & moins ouvert qu’il ne l’étoit en d’autres syllabes, trouverent-à-propos de marquer par des caracteres particuliers cette différence, qui étoit si sensible dans la prononciation. Ils désignerent l’e bref par ce caractere Ε, ε, & l’appellerent εψιλόν, epsilon, c’est-à-dire petit e ; il répond à notre e commun, qui n’est ni l’e tout-à-fait fermé, ni l’e tout-à-fait ouvert : nous en parlerons dans la suite.
Les Grecs marquerent l’e long & plus ouvert par ce caractere Η, η, èta ; il répond à notre e ouvert long.
Avant cette distinction quand l’e étoit long & ouvert, on écrivoit deux e de suite ; c’est ainsi que nos peres écrivoient aage par deux a, pour faire connoître que l’a est long en ce mot : c’est de ces deux Ε rapprochés ou tournés l’un vis-à-vis de l’autre qu’est venue la figure Η ; ce caractere a été long-tems, en grec & en latin, le signe de l’aspiration. Ce nom èta vient du vieux syriaque ketha, ou de keth, qui est le signe de la plus forte aspiration des Hébreux ; & c’est de-là que les Latins prirent leur signe d’aspiration H, en quoi nous les avons suivis.
La prononciation de l’eta a varié : les Grecs modernes prononcent ita ; & il y a des savans qui ont adopté cette prononciation, en lisant les livres des anciens.
L’université de Paris fait prononcer êta. Voyez les preuves que la méthode de P. R. donne pour faire voir que c’est ainsi qu’il faut prononcer ; & sur-tout lisez ce que dit sur ce point le P. Giraudeau jésuite, dans son introduction à la langue greque ; ouvrage très-méthodique & très-propre à faciliter l’étude de cette langue savante, dont l’intelligence est si nécessaire à un homme de lettres.
Le P. Giraudeau, dis-je, s’explique en ces termes, pag. 4. « L’èta se prononce comme un ê long & ouvert, ainsi que nous prononçons l’ê dans procès : non-seulement cette prononciation est l’ancienne, poursuit-il, mais elle est encore essentielle pour l’ordre & l’œconomie de toute la langue greque ».
En latin, & dans la plûpart des langues, l’e est prononcé comme notre e ouvert commun au milieu des mots, lorsqu’il est suivi d’une consonne avec laquelle il ne fait qu’une même syllabe, cæ-lèbs, mèl, pèr, pa-trèm, omnipo-tèn-tèm, pès, èt, &c. mais selon notre maniere de prononcer le latin, l’e est fermé quand il finit le mot, mare, cubile, patre, &c. Dans nos provinces d’au-delà de la Loire, on prononce l’e final latin comme un e ouvert ; c’est une faute.
Il y a beaucoup d’analogie entre l’e fermé & l’i ; c’est pour cela que l’on trouve souvent l’une de ces lettres au lieu de l’autre, herè, heri ; c’est par la même raison que l’ablatif de plusieurs mots latins est en e ou en i, prudente & prudenti.
Mais passons à notre e françois. J’observerai d’abord que plusieurs de nos grammairiens disent que nous avons quatre sortes d’e. La méthode de P. R. au traité des lettres, p. 622, dit que ces quatre prononciations différentes de l’e, se peuvent remarquer en ce seul mot détèrrement ; mais il est aisé de voir qu’aujourd’hui l’e de la derniere syllabe ment n’est e que dans l’écriture.
La prononciation de nos mots a varié. L’écriture n’a été inventée que pour indiquer la prononciation, mais elle ne sauroit en suivre tous les écarts, je veux dire tous les divers changemens : les enfans s’éloignent insensiblement de la prononciation de leurs peres ; ainsi l’ortographe ne peut se conformer à sa destination que de loin en loin. Elle a d’abord été liée dans les livres au gré des premiers inventeurs : chaque signe ne signifioit d’abord que le son pour lequel il avoit été inventé, le signe a marquoit le son a, le signe é le son é, &c. C’est ce que nous voyons encore aujourd’hui dans la langue greque, dans la latine, & même dans l’italienne & dans l’espagnole ; ces deux dernieres, quoique langues vivantes, sont moins sujettes aux variations que la nôtre.
Parmi nous, nos yeux s’accoûtument dès l’enfance à la maniere dont nos peres écrivoient un mot, conformément à leur maniere de le prononcer ; de sorte que quand la prononciation est venue à changer, les yeux accoûtumés à la maniere d’écrire de nos peres, se sont opposés au concert que la raison auroit voulu introduire entre la prononciation & l’ortographe selon la premiere destination des caracteres ; ainsi il y a eu alors parmi nous la langue qui parle à l’oreille, & qui seule est la véritable langue, & il y a eu la maniere de la représenter aux yeux, non telle que nous l’articulons, mais telle que nos peres la prononçoient, ensorte que nous avons à reconnoître un moderne sous un habillement antique. Nous faisons alors une double faute ; celle d’écrire un mot autrement que nous ne le prononçons, & celle de le prononcer ensuite autrement qu’il n’est écrit. Nous prononçons a & nous écrivons e, uniquement parce que nos peres prononçoient & écrivoient e. Voyez Ortographe.
Cette maniere d’ortographier est sujette à des variations continuelles, au point que, selon le prote de Poitiers & M. Restaut, à peine trouve-t-on deux livres où l’ortographe soit semblable (traité de l’Ortogr. franç. p. 1.) Quoi qu’il en soit, il est évident que l’e écrit & prononcé a, ne doit être regardé que comme une preuve de l’ancienne prononciation, & non comme une espece particuliere d’e. Le premier e dans les mots empereur, enfant, femme, &c. fait voir seulement que l’on prononçoit émpereur, énfant, fémme, & c’est ainsi que ces mots sont prononcés dans quelques-unes de nos provinces ; mais cela ne fait pas une quatrieme sorte d’e.
Nous n’avons proprement que trois sortes d’e ; ce qui les distingue, c’est la maniere de prononcer l’e, ou en un tems plus ou moins long, ou en ouvrant plus ou moins la bouche. Ces trois sortes d’e sont l’e ouvert, l’e fermé, & l’e muet : on les trouve tous trois en plusieurs mots, férmeté, honnêteté, évêque, sévère, échèlle, &c.
Le premier e de fèrmeté est ouvert, c’est pourquoi il est marqué d’un accent grave ; la seconde syllabe me n’a point d’accent, parce que l’e y est muet ; té est marqué de l’accent aigu, c’est le signe de l’e fermé.
Ces trois sortes d’e sont encore susceptibles de plus & de moins.
L’e ouvert est de trois sortes ; I. l’e ouvert commun, II. l’e plus ouvert, III. l’e très-ouvert.
I. L’e ouvert commun : c’est l’e de presque toutes les langues ; c’est l’e que nous prononçons dans les premieres syllabes de père, mère, frère, & dans il appèlle, il mène, ma nièce, & encore dans tous les mots où l’e est suivi d’une consonne avec laquelle il forme la même syllabe, à moins que cette consonne ne soit l’s ou le z qui marquent le pluriel, ou le nt de la troisieme personne du pluriel des verbes ; ainsi on dit examèn, & non examén. On dit tèl, bèl, cièl, chèf, brèf, Josèph, nèf, relièf, Israèl, Abèl, Babèl, réèl, Michèl, mièl, plurièl, criminèl, quèl, naturèl, hôtèl, mortèl, mutuèl, l’hymèn, Sadducéèn, Chaldéèn, il viènt, il soûtiènt, &c.
Toutes les fois qu’un mot finit par un e muet, on ne sauroit soûtenir la voix sur cet e muet, puisque si on la soûtenoit, l’e ne seroit plus muet : il faut donc que l’on appuie sur la syllabe qui précede cet e muet ; & alors si cette syllabe est elle-même un e muet, cet e devient ouvert commun, & sert de point d’appui à la voix pour rendre le dernier e muet ; ce qui s’entendra mieux par les exemples. Dans mener, appeller, &c. le premier e est muet & n’est point accentué ; mais si je dis je mène, j’appèlle, cet e muet devient ouvert commun, & doit être accentué, je mène, j’appèlle. De même quand je dis j’aime, je demande, le dernier e de chacun de ces mots est muet ; mais si je dis par interrogation, aimé-je ? ne demandé-je pas ? alors l’e qui étoit muet devient e ouvert commun.
Je sai qu’à cette occasion nos Grammairiens disent que la raison de ce changement de l’e muet, c’est qu’il ne sauroit y avoir deux e muets de suite ; mais il faut ajoûter, à la fin d’un mot : car dès que la voix passe, dans le même mot, à une syllabe soûtenue, cette syllabe peut être précédée de plus d’un e muet, redemander, revenir, &c. Nous avons même plusieurs e muets de suite, par des monosyllabes ; mais il faut que la voix passe de l’e muet à une syllabe soûtenue : par exemple, de ce que je redemande ce qui m’est dû, &c. voilà six e muets de suite au commencement de cette phrase, & il ne sauroit s’en trouver deux précisément à la fin d’un mot.
II. L’e est plus ouvert en plusieurs mots, comme dans la premiere syllabe de fermeté, où il est ouvert bref ; il est ouvert long dans grèffe.
III. L’e est très-ouvert dans accès, succès, être, tempête, il èst, abbèsse, sans cèsse, profèsse, arrêt, forêt, trève, la Grève, il rève, la tête.
L’e ouvert commun au singulier, devient ouvert long au pluriel, le chéf, les chèfs ; un mot bréf, les mots brèfs ; un autél, des autèls. Il en est de même des autres voyelles qui deviennent plus longues au pluriel. Voyez le traité de la Prosodie de M. l’abbé d’Olivet.
Ces différences sont très-sensibles aux personnes qui ont reçû une bonne éducation dans la capitale. Depuis qu’un certain esprit de justesse, de précision & d’exactitude s’est un peu répandu parmi nous, nous marquons par des accens la différence des e. Voyez ce que nous avons dit sur l’usage & la destination des accens, même sur l’accent perpendiculaire, au mot Accent. Nos protes deviennent tous les jours plus exacts sur ce point, quoi qu’en puissent dire quelques personnes qui se plaignent que les accens rendent les caracteres hérissés ; il y a bien de l’apparence que leurs yeux ne sont pas accoûtumés aux accens ni aux esprits des livres grecs, ni aux points des Hébreux. Tout signe qui a une destination, un usage, un service, est respecté par les personnes qui aiment la précision & la clarté ; ils ne s’élevent que contre les signes qui ne signifient rien, ou qui induisent en erreur.
C’est sur-tout à l’occasion de nos e brefs & de nos e longs, que nos Grammairiens font deux observations qui ne me paroissent pas justes.
La premiere, c’est qu’ils prétendent que nos peres ont doublé les consonnes, pour marquer que la voyelle qui précede étoit breve. Cette opération ne me paroît pas naturelle ; il ne seroit pas difficile de trouver plusieurs mots où la voyelle est longue, malgré la consonne doublée, comme dans grèffe & nèfle : le premier e est long, selon M. l’abbé d’Olivet, Prosod. p. 74.
L’e est ouvert long dans abbèsse, profèsse, sans cèsse, malgré l’s redoublée. Je crois que ce prétendu effet de la consonne redoublée, a été imaginé par zele pour l’ancienne ortographe. Nos peres écrivoient ces doubles lettres, parce qu’ils les prononçoient ainsi qu’on les prononce en latin ; & comme on a trouvé par tradition ces lettres écrites, les yeux s’y sont tellement accoûtumés, qu’ils en souffrent avec peine le retranchement : il falloit bien trouver une raison pour excuser cette foiblesse.
Quoi qu’il en soit, il faut considérer la voyelle en elle-même, qui en tel mot est breve, & en tel autre longue : l’a est bref dans place, & long dans grace, &c.
Quand les poëtes latins avoient besoin d’allonger une voyelle, ils redoubloient la consonne suivante, relligio ; la premiere de ces consonnes étant prononcée avec la voyelle, la rendoit longue : cela paroît raisonnable. Nicot dans son dictionnaire, au mot aage, observe que « ce mot est écrit par double aa, pour dénoter, dit-il, ce grand A françois, ainsi que l’ω grec ; lequel aa nous prononçons, poursuit-il, avec n traînée de la voix en aucuns mots, comme en Chaalons ». Aujourd’hui nous mettons l’accent circonflexe sur l’a. Il seroit bien extraordinaire que nos peres eussent doublé les voyelles pour allonger, & les consonnes pour abréger !
La seconde observation, qui ne me paroît pas exacte, c’est qu’on dit qu’anciennement les voyelles longues étoient suivies d’s muettes qui en marquoient la longueur. Les Grammairiens qui ont fait cette remarque, n’ont pas voyagé au midi de la France, où toutes ces s se prononcent encore, même celle de la troisieme personne du verbe est ; ce qui fait voir que toutes ces s n’ont été d’abord écrites que parce qu’elles étoient prononcées. L’ortographe a suivi d’abord fort exactement sa premiere destination ; on écrivoit une s, parce qu’on prononçoit une s. On prononce encore ces s en plusieurs mots qui ont la même racine que ceux où elle ne se prononce plus. Nous disons encore festin, de fête ; la bastille, & en Provence la bastide, de bâtir : nous disons prendre une ville par escalade, d’échelle ; donner la bastonnade, de bâton : ce jeune homme a fait une escapade, quoique nous disions s’échapper, sans s.
En Provence, en Languedoc & dans les autres provinces méridionales, on prononce l’s de Pasques ; & à Paris, quoiqu’on dise Pâques, on dit pascal, Pasquin, pasquinade.
Nous avons une espece de chiens qu’on appelloit autrefois espagnols, parce qu’ils nous viennent d’Espagne : aujourd’hui on écrit épagneuls, & communément on prononce ce mot sans s, & l’e y est bref. On dit prestolet, presbytere, de prêtre ; prestation de serment ; prestesse, celeritas, de præsto esse, être prêt.
L’e est aussi bref en plusieurs mots, quoique suivi d’une s, comme dans presque, modeste, leste, terrestre, trimestre, &c.
Selon M. l’abbé d’Olivet, Prosod. p. 79. il y a aussi plusieurs mots où l’e est bref, quoique l’s en ait été retranchée, échelle : être est long à l’infinitif, mais il est bref dans vous êtes, il a été. Prosod. p. 80.
Enfin M. Restaut, dans le Dictionnaire de l’ortographe françoise, au mot registre, dit que l’s sonne aussi sensiblement dans registre que dans liste & funeste ; & il observe que du tems de Marot on prononçoit épistre comme registre, & que c’est par cette raison que Marot a fait rimer registre avec épistre : tant il est vrai que c’est de la prononciation que l’on doit tirer les regles de l’ortographe. Mais revenons à nos e.
L’é fermé est celui que l’on prononce en ouvrant moins la bouche qu’on ne l’ouvre lorsqu’on prononce un è ouvert commun ; tel est l’e de la derniere syllabe de fermeté, bonté, &c.
Cet e est aussi appellé masculin, parce que lorsqu’il se trouve à la fin d’un adjectif ou d’un participe, il indique le masculin, aisé, habillé, aimé, &c.
L’e des infinitifs est fermé, tant que l’r ne se prononce point ; mais si l’on vient à prononcer l’r, ce qui arrive toutes les fois que le mot qui suit commence par une voyelle ; alors l’e fermé devient ouvert commun ; ce qui donne lieu à deux observations. 1°. L’e fermé ne rime point avec l’e ouvert : aimer, abîmer, ne riment point avec la mer, mare ; ainsi madame des Houlieres n’a pas été exacte lorsque dans l’idylle du ruisseau elle a dit :
Dans votre sein il cherche à s’abîmer ;
Vous & lui jusques à la mer
Vous n’êtes qu’une même chose.
2°. Mais comme l’e de l’infinitif devient ouvert commun, lorsque l’r qui le suit est lié avec la voyelle qui commence le mot suivant, on peut rappeller la rime, en disant :
Dans votre sein il cherche à s’abîmer ;
Et vous & lui jusqu’à la mer
Vous n’êtes qu’une même chose.
L’e muet est ainsi appellé relativement aux autres e ; il n’a pas, comme ceux-ci, un son fort, distinct & marqué : par exemple, dans mener, demander, on fait entendre l’m & le d, comme si l’on écrivoit mner, dmander.
Le son foible qui se fait à peine sentir entre l’m & l’n de mener, & entre le d & l’m de demander, est précisément l’e muet : c’est une suite de l’air sonore qui a été modifié par les organes de la parole, pour faire entendre ces consonnes. Voyez Consonne.
L’e muet des monosyllabes me, te, se, le, de, est un peu plus marqué ; mais il ne faut pas en faire un e ouvert, comme font ceux qui disent amène-lè : l’e prend plûtôt alors le son de l’eu foible.
Dans le chant, à la fin des mots, tels que gloire, fidele, triomphe, l’e muet est moins foible que l’e muet commun, & approche davantage de l’eu foible.
L’e muet foible, tel qu’il est dans mener, demander, se trouve dans toutes les langues, toutes les fois qu’une consonne est suivie immédiatement par une autre consonne ; alors la premiere de ces consonnes ne sauroit être prononcée sans le secours d’un esprit foible : tel est le son que l’on entend entre le p & l’s dans pseudo, psalmus, psittacus ; & entre l’m & l’n de mna, une mine, espece de monnoie ; Mnemosyne, la mere des Muses, la déesse de la mémoire.
On peut comparer l’e muet au son foible que l’on entend après le son fort que produit un coup de marteau qui frappe un corps solide.
Ainsi il faut toûjours s’arrêter sur la syllabe qui précede un e muet à la fin des mots.
Nous avons déjà observé qu’on ne sauroit prononcer deux e muets de suite à la fin d’un mot, & que c’est la raison pour laquelle l’e muet de mener devient ouvert dans je mène.
2°. Les vers qui finissent par un e muet, ont une syllabe de plus que les autres, par la raison que la derniere syllabe étant muette, on appuie sur la pénultieme : alors, je veux dire à cette pénultieme, l’oreille est satisfaite par rapport au complément du rithme & du nombre des syllabes ; & comme la derniere tombe foiblement, & qu’elle n’a pas un son plein, elle n’est point comptée, & la mesure est remplie à la pénultieme.
L’oreille est satisfaite à la pénultieme, ges, qui est le point d’appui, après lequel on entend l’e muet de la derniere syllabe se.
L’e muet est appellé féminin, parce qu’il sert à former le féminin des adjectifs ; par exemple, saint, sainte ; pur, pure ; bon, bonne, &c. au lieu que l’e fermé est apellé masculin, parce que lorsqu’il termine un adjectif, il indique le genre masculin, un homme aimé, &c.
L’e qu’on ajoûte après le g, il mangea, &c. n’est que pour empêcher qu’on ne donne au g le son fort ga, qui est le seul qu’il devroit marquer : or cet e fait qu’on lui donne le son foible, il manja : ainsi cet e n’est ni ouvert, ni fermé, ni muet ; il marque seulement qu’il faut adoucir le g, & prononcer je, comme dans la derniere syllabe de gage : on trouve en ce mot le son fort & le son foible du g.
L’e muet est la voyelle foible de eu, ce qui paroît dans le chant, lorsqu’un mot finit par un e muet moins foible :
Rien ne peut l’arrêter
Quand la gloire l’appelle.
Cet eu qui est la forte de l’e muet, est une véritable voyelle : ce n’est qu’un son simple sur lequel on peut faire une tenue. Cette voyelle est marquée dans l’écriture par deux caracteres ; mais il ne s’ensuit pas de-là que eu soit une diphtongue à l’oreille, puisqu’on n’entend pas deux sons voyelles. Tout ce que nous pouvons en conclure, c’est que les auteurs de notre alphabet ne lui ont pas donné un caractere propre.
Les lettres écrites qui, par les changemens survenus à la prononciation, ne se prononcent point aujourd’hui, ne doivent que-nous avertir que la prononciation a changé ; mais ces lettres multipliées ne changent pas la nature du son simple, qui seul est aujourd’hui en usage, comme dans la derniere syllabe de ils aimoient, amabant.
L’e est muet long dans les dernieres syllabes des troisiemes personnes du pluriel des verbes, quoique cet e soit suivi d’nt qu’on prononçoit autrefois, & que les vieillards prononcent encore en certaines provinces : ces deux lettres viennent du latin amant, ils aiment.
Cet e muet est plus long & plus sensible qu’il ne l’est au singulier : il y a peu de personnes qui ne sentent pas la différence qu’il y a dans la prononciation entre il aime & ils aiment. (F)
E, (Ecriture.) dans l’italienne & la coulée, c’est la sixieme & la septieme partie de l’o, & sa premiere moitié. L’e rond est un demi-cercle, ou la moitié de l’o, auquel il faut ajoûter un quart de cercle qui fasse la seconde partie de cet e. Les deux premiers e se forment d’un mouvement mixte des doigts & du poignet. L’e rond s’exécute en deux tems. Voyez les fig. de ces différens e dans nos Planches, & dans nos exemples d’Ecriture.