L’Encyclopédie/1re édition/DIVERSION

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DIVERSION, s. f. (Medecine.) est le changement que l’on produit par les secours de l’art dans le cours d’une humeur, qui se porte plus abondamment que dans l’état naturel, vers une partie principale.

On détourne cette humeur vers une autre partie moins essentielle, ou on en procure l’évacuation par les conduits excrétoires, qui sont le plus à portée de la recevoir. Ce changement ne peut s’opérer que par le moyen de la révulsion & de la dérivation, Voyez Dérivation & Révulsion. (d)

Diversion, (Art milit.) est l’action de porter la guerre dans un pays où l’ennemi ne croit pas pouvoir être attaqué, pour l’obliger de retirer ses forces d’un pays ou d’un endroit où il a agi par supériorité, & où il est difficile de lui resister.

Lorsque l’ennemi fait le siége d’une ville, & que l’éloignement des armées ou la position des lieux ne permet pas de l’attaquer pour le lui faire lever, on entreprend quelquefois alors le siége d’une de ses places, pour l’engager de venir au secours & de renoncer à son entreprise, ou pour se dédommager par la prise de cette place, de celle que l’ennemi est à portée de réduire. C’est ainsi que les Espagnols pour faire lever le siége de la Fère, formé par Henri IV. firent celui de Calais. Ce prince n’ayant pas voulu se desister de son entreprise, les Espagnols prirent Calais, qu’il auroit été plus avantageux de conserver que de prendre la Fere.

La diversion d’Agathocle est célebre dans l’histoire. « Les Carthaginois assiégeoient Syracuse où il s’étoit enfermé. Se voyant fort pressé & prêt à succomber, il prend une résolution digne d’un guerrier brave & résolu. Il laisse dans la place ce qu’il falloit de troupes pour la défendre ; & prenant le reste avec lui, il s’embarque, cingle droit en Afrique, y descend, brûle ses vaisseaux en vrai déterminé, ce qui mit ses soldats dans la nécessité de vaincre. Croyant tout perdu en Sicile, il s’avance jusqu’auprès de Carthage. Les Carthaginois étonnés d’une telle retorsion, levent une puissante armée qu’ils croyent capable de l’engloutir, du moins Hannon leur promettoit de faire le coup. Il engage un combat général, dans une pleine assûrance de remporter la victoire ; il la perdit pourtant, & si pleinement, qu’il ne s’est jamais rien vû de semblable. La conduite de Pericles, d’Agathocle, d’Anibal, de Scipion, & de tant d’autres grands hommes, marque visiblement qu’il est souvent & presque toûjours avantageux de porter la guerre chez les autres, & plus encore lorsqu’on se voit attaqué dans son propre pays. C’est alors que la diversion est nécessaire, & un acte de la plus grande prudence. On est toûjours en état au commencement d’une guerre d’agir puissamment & vigoureusement, parce que l’on n’est point épuisé par les longueurs de la guerre. Elle est toûjours courte lorsqu’elle est forte ; ainsi en doublant ses préparatifs, on approche plus de sa fin ». Notes de M. de Folard sur Polybe.

Avant de s’engager dans des guerres de diversion, il est important de bien examiner si dans toute sorte d’évenement on pourra se retirer librement ; car si la retraite étoit longue, difficile, & peu sûre, il pourroit arriver que l’ennemi auroit le tems d’assembler des troupes pour s’y opposer & pour combattre avec supériorité. « Il n’y a pas à craindre de ne pas avoir une retraite libre, lorsque pour faire diversion vous allez attaquer des ennemis voisins, dont les principales forces sont occupées à une guerre qu’ils ont portée au-delà des mers ; parce qu’à compter du moment que vous serez averti par vos espions, que l’armée ennemie commence à s’embarquer pour s’en retourner jusqu’à ce qu’elle arrive, il y a assez de tems pour faire retirer les troupes de votre prince, & les mettre en sûreté. Il n’y aura encore rien à craindre pour la retraite, lorsque supérieur en vaisseaux vous porterez une guerre de diversion sur des côtes, quand même elles seroient fort éloignées ». Réflex. milit. du marquis de Santa-Crux, tom. X. de la trad. franç. de M. Devergy, pag. 297. & suiv. (Q)