L’Encyclopédie/1re édition/DECROISSEMENT

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DECROISSEMENT, (Physiol.) diminution du corps humain en hauteur & en substance ; état opposé à son accroissement, voyez Accroissement. Dans l’état de décroissement, les lames osseuses faites de vaisseaux ligamenteux & cartilagineux, étant privées de leurs sucs, sont sans élasticité, les vertebres manquent de coalescence, l’épine du dos se courbe ; & comme les muscles extenseurs sont plus foibles, ils laissent nécessairement le corps se porter en-devant.

On sait que le nombre des vaisseaux du corps humain, qui est si prodigieux dans l’enfant nouveau-né, diminue à proportion qu’on avance en âge ; que dans les jeunes sujets qui prennent leur accroissement, la force des liquides surpasse celle des parties solides, qu’elle les égale ensuite ; qu’après cela les parties solides surpassent en force & en quantité les fluides ; & que finalement tous les vaisseaux se changent en cartilages & en os. C’est sur ces principes démontrés qu’est fondée la théorie de l’accroissement & du décroissement de notre machine. Nous concevons en gros ce merveilleux phénomene, mais la connoissance des détails est au-dessus de nos foibles lumieres.

La plus grande partie des vaisseaux se trouvant entrelacés & comme enveloppés dans l’enfant qui vient de naître, les liquides poussés perpétuellement par les canaux, faisant effort contre cette résistance, ils étendent ces canaux, & en élargissent les parois dans toute leur longueur ; de sorte qu’il arrive de-là que tout s’allonge, & que l’accroissement du corps se forme, s’établit, se perfectionne. Lorsque dans l’âge qui suit la puberté tous les vaisseaux sont développés, lorsque l’abondance & l’impétuosité des fluides se trouvent balancées par les forces des solides résistans, la cessation de croissance arrive. Dans cet état il nait peu-à-peu dans tous les vaisseaux une force telle, qu’ils commencent à opposer trop de résistance aux liquides qui y affluent : alors le corps vient à se resserrer insensiblement, & à se dessécher ; la graisse qui environne les parties solides se dissipe, & l’on apperçoit déjà les cordes des tendons sur les mains & sur les autres parties du corps. Bientôt les ligamens qui se trouvent entre les vertebres s’usant par le frottement, les vertebres viennent à se toucher ; le corps en conséquence se raccourcit, & l’épine du dos se jette en-devant. Enfin tous les vaisseaux s’ossifient par l’âge ; les glandes se détruisant, les veines lactées qui se bouchent, deviennent inutiles & calleuses, la vie se termine sans maladie : voilà la mort naturelle & inévitable. Voyez Mort, Vie, Vieillesse.

Ne nous arrêtons pas ici à résoudre les questions curieuses qui se présentent sur cette matiere, les plus habiles physiciens n’y répondent que par des hypotheses. Assez semblables à des taupes dans le champ de la nature, nous ne pouvons guere mieux expliquer en détail les singularités de l’accroissement & du décroissement du corps humain, qu’une taupe habituée au grand jour pourroit juger du chemin qu’un cerf parcourt dans un tems donné ; elle verroit en gros que ce cerf parcourt promptement un grand espace ; elle conjectureroit le reste à sa maniere : c’est notre position. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.