L’Encyclopédie/1re édition/COU

COUARD  ►

COU, sub. m. (Anatomie.) la troisieme partie du tronc & la plus mince, située entre la tête & la poitrine.

Le cou en général est divisé en gorge ou partie antérieure, en chignon ou partie postérieure, & en parties latérales. La gorge commence par une éminence qu’on nomme la pomme, & se termine par une fossette. Le chignon commence par une fossette appellée le creux de la nuque, qui s’efface en descendant.

Il ne faut point négliger ou passer légerement l’examen du cou, comme ont fait quelques anatomistes ; il faut au contraire que ceux qui enseignent l’Anatomie le démontrent exactement, & que ceux qui étudient le corps humain en ayent une parfaite connoissance : c’est pour cela qu’Aristote, Rufus, Oribase, Coiter, Vésale, Riolan, & les modernes qui les ont suivis, n’ont pas oublié le cou dans les divisions qu’ils ont faites du corps humain ; ils l’ont soigneusement distingué des autres parties, parce que l’on ne sauroit le rapporter ni à la tête ni au thorax.

Des parties du cou. On doit donc remarquer attentivement dans le cou toutes les parties dont il est composé ; savoir,

1°. Les tégumens communs.

2°. Les vertebres qui servent aux mouvemens de la tête & du cou, & qui sont ordinairement au nombre de sept, renfermant la moelle de l’épine qui fournit les nerfs cervicaux.

3°. Les arteres & les veines. Les arteres sont les carotides externes & internes, les vertébrales, & les cervicales. Les veines sont les jugulaires externes & internes, les vertébrales, & les cervicales.

4°. Les nerfs considérables de la paire vague & de l’intercostal, les diaphragmatiques, les vertébraux, les cervicaux, &c.

5°. Une portion de la trachée-artere, & sur-tout le larynx, lequel s’avançant par-devant, forme cette éminence ou grosseur que nous appellons la pomme d’Adam, d’ordinaire plus apparente aux hommes qu’aux femmes, parce que les femmes ont en cet endroit de grosses glandes qui leur rendent le cou plus arrondi, & la gorge plus pleine. Quand on mange ou qu’on boit, il arrive que cette grosseur monte & puis descend ; la cause de ce mouvement est que lorsque nous avalons quelque chose, la descente de l’aliment oblige alors le larynx, par une méchanique nécessaire, à s’élever ; ce qui facilite la chûte de l’aliment dans l’estomac.

6°. Le pharinx, une portion de l’œsophage, les muscles peauciers, les sterno-mastoïdiens, les sterno-hyoïdiens, les tiro-hyoïdiens, les omo-hyoïdiens, &c.

7°. Plusieurs glandes, parmi lesquelles la plus considérable est la glande thyroïde ; les autres petites glandes qu’on découvre par la dissection, & qui deviennent quelquefois fort considérables dans les écroüelles.

8°. Des muscles qui servent aux divers mouvemens du cou ; car cette partie du corps, outre la flexion & l’extension, peut s’incliner sur les côtés, & se tourner à droite & à gauche en maniere de pivot. Tous ces mouvemens qui paroissent toûjours accompagnés de ceux de la tête, dépendent de l’action de plusieurs muscles, dont les uns sont situés à la partie antérieure du cou, les autres à sa partie postérieure, & les autres sur ses parties latérales. Il n’y en a que deux dans la partie antérieure ; on les nomme les longs fléchisseurs du cou : on en compte huit dans la partie postérieure, quatre de chaque côté, auxquels on ajoûte tous les petits muscles qui se rencontrent le long du cou, & qu’on a nommés, eu égard à leur situation, inter-épineux & inter-transversaires. Les muscles situés sur les côtés du cou sont les deux scalenes.

Tous ces muscles sont très-composés, multipliés, entrelacés, & ont toûjours paru très-difficiles à bien disséquer & à décrire avec netteté. D’ailleurs, ils varient beaucoup dans leurs attaches & leurs communications réciproques. Parmi ces muscles particuliers au cou, M. Winslow en ajoûte deux autres qui sont rapportés à ceux de la tête, & nommés l’un le grand oblique, & l’autre le petit droit ; mais nous n’entrons point dans ce genre de discussions. Voyez les mém. de l’acad. des Scienc. 1730.

9°. Enfin plusieurs ligamens, les uns inter-musculaires, les autres latéraux, & d’autres encore qui s’étendent comme une membrane depuis l’occiput jusqu’aux deux dernieres vertebres.

La nécessité du cou. Quelques voyageurs racontent qu’il y a des peuples qui n’ont point de cou ; la tête, disent ces auteurs, est posée chez ces peuples immédiatement sur la poitrine : mais ou ces voyageurs ont cru nous en imposer par une fable pitoyable ; ou étant de mauvais physiciens, ils ont vû des hommes dont les épaules étoient élevées de maniere que la tête paroissoit dans l’entre-deux, & ils ont pris ces hommes-là pour des hommes sans cou. Il ne peut pas plus y avoir dans le monde de gens sans cou, que de gens sans tête.

En effet, le cou est une partie dont la nécessité saute aux yeux. Sans nous attacher à le prouver, il suffira de dire que comme nous avons besoin de mouvoir la tête en divers sens, ces mouvemens seroient presque tous impossibles sans le cou : c’est pour faciliter ces mouvemens que le cou est d’une grosseur médiocre ; si son diametre avoit été égal à celui du crane, la tête n’auroit pû s’incliner commodément en-devant, & la mâchoire inférieure auroit trouvé un obstacle, quand elle auroit été tirée par les muscles digastriques.

Mais plus le cou est nécessaire, plus sa structure est admirable ; plus elle est composée, & plus il y a d’accidens différens auxquels il est sujet : car ses tégumens externes, ses glandes, ses vertebres, ses ligamens, ses muscles, ses nerfs, ses vaisseaux, peuvent souffrir une quantité de maladies dangereuses ou mortelles, dont la connoissance est très-intéressante. Nous n’en donnerons ici qu’une énumération générale ; les détails appartiennent à chaque article en particulier.

Des maladies du cou en général. 1°. Les abcès, les tumeurs inflammatoires, érésipélateuses, pierreuses, œdémateuses, hydropiques, écroüelleuses, skirrheuses, affectent le cou, & sont plus ou moins dangereuses à proportion qu’elles sont plus ou moins externes, & qu’elles compriment plus ou moins les parties internes. Les anevrysmes & les varices dans ces parties, ne doivent être ni ouvertes ni comprimées ; il faut seulement les soûtenir dans leur état.

2°. Il faut mettre au rang des grandes maladies du cou ses blessures, qui sont ici plus dangereuses que dans d’autres parties musculeuses, à cause du grand assemblage d’organes & de divers vaisseaux, comme aussi par la structure de la partie, qui ne permet ni la compression ni la ligature de ces vaisseaux. Le prognostic des différentes plaies du cou dépend encore des parties affectées ; les plaies des arteres de cette partie, celles de la moelle épiniere, des gros nerfs, des jugulaires internes, des carotides, de la trachée-artere, de l’œsophage coupé, sont presque toûjours incurables ; celles des jugulaires externes sont très-guérissables, si l’on y remédie à tems : celles qui n’affectent que la peau & les chairs, demandent les traitemens des plaies ordinaires.

3°. La luxation incomplette des vertebres du cou est d’un péril très-éminent, à cause de la moelle épiniere qu’elles renferment, du larynx, du pharynx, & des gros vaisseaux de cette partie. Dans la luxation complette, le malade meurt sur le champ ; dans l’incomplette, il meurt ordinairement : si l’on ne réduit promtement la luxation, il meurt presque toûjours ; il meurt même très-souvent, quoiqu’on n’ait pas différé la réduction : enfin l’on desire sur l’art de cette réduction une meilleure méthode que celle qu’on a mis en usage jusqu’à présent.

4°. Le cou peut être courbé de telle sorte, qu’il fait pancher la tête du côté droit ou du côté gauche. Ce défaut vient de naissance, par un accouchement laborieux ; ou par accident, comme par une brûlure, par la contraction spasmodique d’un des muscles mastoïdiens, par un trop grand relâchement de quelqu’un de ces muscles, par une abondance d’humeurs catarrheuses, par un ligament contre nature. Le premier cas n’admet point de remede ; les autres en demandent de prompts, d’éclairés, & qui soient opposés aux causes.

5°. Quelquefois on distend les vertebres du cou, en prenant la tête d’un enfant par-dessous avec les deux mains, & le soûlevant en l’air ; badinage dangereux, & qu’il faut éviter. S’il ne naît de ce badinage qu’une distension légere, & de la roideur dans le cou, il faut le frotter avec des huiles nerveuses, & l’entourer d’un linge trempé dans ces huiles ; s’il arrive de la dislocation, il faut recourir promptement au secours de l’art.

Des prognostics au sujet du cou. L’examen du cou n’est point indifférent dans la pratique de la Medecine ; on en peut tirer des prognostics utiles, & j’en vais donner quelques exemples.

1°. La couleur du cou rouge, livide, noire, sans fievre ni accidens, indique dans le malade les maux auxquels il est sujet, & demande l’application des topiques. Les tumeurs qui se forment extérieurement, & qui viennent de l’intérieur par métastase, sont communément un bon signe.

2°. Une pulsation visible, fréquente, & forte des carotides, dans les fievres & les maladies aiguës, annonce de violens maux de tête, le délire, la phrénésie, les convulsions, s’il ne survient point d’hémorrhagie, ou si l’on omet de porter au mal des remedes convenables. Ces symptomes dans les maladies chroniques, viennent d’ordinaire de la viscosité du sang & des humeurs : dans l’esquinancie & autres maladies du cou & de la gorge, cette pulsation marque de l’embarras dans le cours libre du sang.

3°. Les douleurs du cou dans les maladies aiguës, présagent des parotides & des douleurs de tête ; dans les mélancholiques, un délire prochain. Il faut guérir ces maux d’après la connoissance de la cause.

4°. Dans les maladies aiguës, la contorsion du cou est dangereuse, & désigne qu’il y a quelque cause cachée dans le cerveau qui produit cet effet convulsif ou paralytique. Si cette contorsion naît des muscles roides, on la traitera par des linimens émolliens, & en étendant par art la partie retirée.

Le torticolis qui naît de la mauvaise configuration des vertebres, doit être prévenu dans les commencemens par un bandage, sans quoi le mal est sans remede ; & c’est l’ordinaire.

5°. La sueur froide autour du cou seulement, prognostique la longueur ou le danger dans les maladies aiguës.

6°. Le cou long & grêle est, choses égales, un présage de la phthysie : la raison n’est pas difficile à trouver. Quand on rencontre huit vertebres au cou, on n’en trouve qu’onze au dos au lieu de douze, & onze côtes de chaque côté. Dans ce cas la longueur du cou diminue la cavité de la poitrine ; cette cavité est moins considérable : ainsi le sang qui circule alors plus difficilement dans le tissu pulmonaire, produit plus aisément les tubercules qui se forment dans les poumons, & qui donnent le commencement à la phthysie, suivant les idées de Morton, un des meilleurs auteurs sur cette matiere ; & comme alors la respiration est moins libre, l’on comprend sans peine les maladies du poumon qui peuvent naître de cette conformation.

7°. Ceux dont le cou est fort court, n’ont dans cette partie que six vertebres au lieu de sept ; & l’on prétend qu’ils sont plus sujets que les autres hommes à l’apoplexie. Cela vient, dit-on, de ce qu’à proportion que le cou diminue en longueur, la caisse de la poitrine augmente, & par conséquent la masse des poumons. Or quand la masse des poumons est trop considérable, il s’y peut former plus aisément des engorgemens, qui interrompent la circulation dans la tête & dans les autres parties, puisque le sang qui vient au cœur ne peut plus passer dans les poumons : d’ailleurs, lorsque le cou est trop court, le moindre mouvement est fort considérable dans chaque vertebre ; ainsi les arteres vertébrales sont plus aisément comprimées, Cependant ces raisons ne sont peut-être pas fort solides ; car il n’est pas assez sûr que ceux qui ont le cou court soient plus sujets à l’apoplexie que les autres hommes, ou du moins ce fait auroit encore besoin d’être mieux constaté.

8°. Plutarque prétend que le cou gros est une marque d’orgueil ; ce qui pris à la lettre est faux : mais il arrive que dans les accès de cette passion, le sang s’arrêtant dans les vaisseaux du cou par la respiration devenue moins libre, rougit, grossit, tuméfie cette partie. Et c’est aussi là le sens qu’il faut donner au passage de Job dans lequel il caractérise le superbe, ch. xv. v. 26. en disant : Superbus armatur pingui cervice, c’est-à-dire, tumefactâ cervice. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

Cou de chameau, (Jard.) est une espece de narcisse. Voyez Narcisse.

Cou du cheval, (Manege.) voyez Encolure. Cheval qui a le cou roide, voyez Roide. Plier le cou à un cheval, voy. Plier. Mettre la bride sur le cou, c’est laisser aller un cheval à sa fantaisie. (V)