L’Encyclopédie/1re édition/COQUILLAGE

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COQUILLAGE, s. m. (Hist. nat. Ichtiolog.) on employe souvent ce mot dans la même signification que celui de coquille : mais à proprement parler la coquille n’est qu’une partie du coquillage ; un coquillage est un animal revêtu d’une coquille ; voyez Coquille. Les animaux de ce genre sont appellés testacées, parce qu’ils sont recouverts d’une matiere si différente de la chair & des os des autres animaux, si compacte & si dure, qu’on l’a comparée à une terre cuite, à un test, testa, d’où vient le mot de testacées.

Aristote, hist. anim. lib. IV. cap. j. a mis ces animaux dans la classe de ceux qui n’ont point de sang, exanguia, voyez Animal. Il distingue les animaux testacées des animaux crustacées, des animaux mous & des insectes, en ce que la partie charnue des testacées est renfermée sous une enveloppe qui est très dure, qui se brise & se casse, mais que l’on ne peut pas froisser & écraser comme les tayes des animaux crustacées.

Le grand naturaliste que nous venons de citer fait mention, dans le chap. jv. du I. liv. de l’hist. des anim. des principales différences qui se trouvent entre les diverses especes de coquillages, tant par rapport à leurs coquilles, que par rapport à la partie charnue qui y est renfermée. Il fait d’abord remarquer qu’il n’y a dans cette partie charnue aucune matiere dure ; ensuite il divise les testacées relativement à leurs coquilles en univalves, bivalves, & en turbinées. Les univalves sont ceux dont la coquille est d’une seule piece ; les bivalves ont, pour ainsi dire, deux coquilles ; celles des turbinées sont ainsi nommées, parce qu’ils ont une figure conique ou approchante de celle d’une poire, ou parce qu’ils sont contournés en spirale.

On a fait beaucoup plus d’observations sur la figure des coquilles, que sur celle des animaux qui y sont renfermés : on a nommé & décrit, on a dessiné & gravé, on a distribué par ordre méthodique toutes les coquilles que l’on a pû trouver ; on en a cherché presque dans toutes les parties du monde ; on en a fait de nombreuses collections, que l’on conserve avec soin & que l’on admire chaque jour, tandis que l’on jette à peine les yeux sur les animaux qui sont renfermés dans les coquilles que l’on rencontre. Cependant il seroit plus nécessaire de connoître l’animal que la coquille ; cet animal est la partie principale du coquillage : la diversité des formes & des couleurs que nous présentent les coquilles, n’est qu’un spectacle vain en comparaison des connoissances réelles que nous pourrions tirer de la conformation des animaux qui les habitent. En développant leurs organes, en les comparant dans les différentes especes, nous prendrions une nouvelle idée des ressources de la Nature & de la souveraine intelligence qui en est l’auteur. Nous ferions par ce moyen des progrès dans la science de l’œconomie animale, qui de toutes les sciences humaines est la plus intéressante pour l’homme. Les animaux les plus abjects, ceux qui paroissent les plus vils aux yeux du vulgaire, n’en sont pas moins dignes des recherches du naturaliste. Loin de négliger ces êtres vivans qui sont cachés & ignorés dans leurs coquilles couvertes de fange ou enfoncées dans la terre, il faut ouvrir toutes les especes de coquilles bivalves, quoiqu’elles ne renferment que des animaux aussi informes que ceux de l’huître, du pétoncle, & de la moule ; il faut pénétrer dans les cavités les plus réculées des coquilles univalves, & suivre tous les mouvemens de leurs animaux, soit qu’ils ne rampent que comme ceux du limaçon de terre, ou qu’ils nagent comme les nautiles ; enfin il faudroit faire des descriptions complettes de toutes les especes de coquillages.

J’avoue qu’il est difficile de bien observer leur conformation intérieure. Leur consistance est si molle, & les parties si peu sensibles dans la plûpart, qu’on a bien de la peine à les fixer & à les distinguer ; mais des observateurs habiles, tels que Swammerdam & Lister, sont déjà parvenus à surmonter ces obstacles, & nous ont frayé la route. La plus grande difficulté seroit par rapport aux especes de coquillages, qui ne se trouvent que dans des pays fort éloignés. Les liqueurs qui pourroient préserver de la corruption les animaux dans leur coquille, les raccourciroient de façon, qu’on ne pourroit plus développer ces parties, que l’animal étend à son gré au-dehors de son corps, & retire successivement au-dedans, comme nous le voyons pour les cornes des limaçons. De plus, la forme du corps de ces animaux varie dans leurs différens mouvemens, à mesure qu’ils s’allongent ou qu’ils se raccourcissent pour ramper. Il seroit donc nécessaire de les voir tous vivans & agissans ; un observateur seul ne peut pas y parvenir : mais tous ceux qui travaillent pour l’avancement des sciences, concourent au même but : chacun doit s’occuper par préférence des productions du pays qu’il habite. On n’a encore décrit que quelques especes de coquillages ; il en reste beaucoup, même dans ce pays-ci, qui sont à peine connus. J’en ai rassemblé en peu de tems jusqu’à trente-cinq especes différentes dans le petit territoire de la banlieuë de Montbard, & je ne desespere pas d’y en trouver un plus grand nombre ; cependant il n’y a que de petits ruisseaux, de petits étangs, & la petite riviere de Brenne : car je compte les coquillages fluviatiles avec les coquillages terrestres. Par tout pays la nature est abondante dans certaines productions, & il y a par-tout beaucoup de recherches & d’observations à faire. Nos côtes fourniroient encore beaucoup pour les coquillages, si on s’appliquoit à rechercher tous ceux qui y sont ; les naturalistes n’épuiseront jamais le fonds de richesses qui se trouvent à toute heure sous leurs pas.

Il s’en faut beaucoup que nous ayons assez de connoissances sur la génération, l’accroissement & la description des coquillages, pour en traiter dans un article général ; c’est pourquoi nous renvoyons aux articles particuliers, où il est fait mention de ce qui a été dit des coquillages que l’on a observés. Voyez Huitres, Limaçons, Moules &c. (I)

* Coquillage, (diete.) c’étoit un mets dont les Grecs & les Romains faisoient grand cas. Ils étoient si délicats sur le choix des coquillages, qu’ils distinguoient, à ce qu’on dit, au premier coup de dent, le rivage où ils avoient été pêchés. Voyez les art. Huitres, Moules, Tortues &c. Le coquillage est plûtôt un irritamentum gulæ, qu’un véritable aliment. On prétend qu’il dispose à l’acte vénérien. Il faut quelqu’habitude d’en manger, pour le digérer en grande quantité ; il n’est cependant pas indigeste, temoins les huitres, dont quelques personnes ont tant de peine à se rassasier.

Coquillage, (Architect.) est un arrangement symmétrique de différentes coquilles dont on fait des compartimens de lambris, voutes, &c. des masques, festons, &c. & dont on décore des grottes, portiques, niches & bassins de fontaines. (P)